La Nation algérienne, organe clandestin de la libération nationale, n° 1, 1946, 2 pages

Ô Croyants, dit Dieu le Tout Puissant, attachez-vous à la Vérité et à la Justice, même si elles concourent contre vos parents car Dieu est plus près de vous que toutes les créatures.
Peuple Algérien !
Depuis les tragiques évènements de mai 1945 où des milliers de tes enfants tombèrent sous les balles de la soldatesque française et où des milliers d’autres furent arrêtés, horriblement torturés et condamnés avec une sévérité bestiale, tu ne disposes plus d’un organe de combat qui exprime tes aspirations nationales et affirme tes droits de peuple opprimé. Par contre, tu as subi, pendant un an, les flots littéraires d’une presse pourrie plus ou moins inféodée au colonialisme rétrograde et sanguinaire.
Une telle situation préjudiciable à tes intérêts bien compris et voulue par l’hitlérisme colonial, ne pouvait s’éterniser.
La création d’un journal s’imposait au plus vite. Sans hésitation et avec de faibles moyens, nous nous sommes donc mis résolument à la tâche.
De nos efforts patients et de notre volonté de te doter coûte que coûte d’une voix régulière et puissante, est née LA NATION ALGERIENNE.
Ce titre est par lui-même tout un programme et formule toute une orientation politique. Nous l’avons choisi à dessein parce qu’il correspond à un état de ton évolution psychologique.
Sans aucun doute, tu salueras la parution de la NATION ALGERIENNE comme un évènement heureux et inattendu d’autant plus qu’elle vient au monde au moment le plus décisif de la lutte anti-impérialiste et avec la ferme résolution d’y prendre une part active.
Sa ligne politique est toute tracée.
Voix d’un peuple brimé, pressuré mais toujours insoumis à la tyrannie et conscient malgré tout de sa personnalité propre, elle affirmera sans relâche ton existence en tant que nation et revendiquera ton droit à l’indépendance au nom des principes de la charte des Nations-Unies.
Car, à l’heure où la démocratie triomphe partout tandis que l’impérialisme est mis à l’index par l’opinion mondiale tu as, comme tous les peuples ayant pris part à la lutte contre le fascisme, le droit d’avoir un parlement et un gouvernement national.
Son premier devoir, au milieu de la confusion que l’impérialisme français s’efforce d’entretenir et de développer, est de t’éclairer, de te guider, de te défendre.
De t’éclairer sur la politique de la France impérialiste, sur ses desseins sordides et ses intrigues machiavéliques.
De te guider pour éviter les erreurs et les pièges dans ta marche vers la liberté, le progrès et le bien-être.
De le défendre contre la trahison sous toutes ses formes la trahison qui ne dort pas et agit en vue de perpétuer ton douloureux calvaire.
Son deuxième devoir consiste à œuvrer pour l’union véritable qui te donnera, avec la force, la confiance en soi.
Elle fera la chasse au mensonge, à l’hypocrisie, au pessimisme et portera haut et ferme le drapeau de la clarté et de la vérité.
Ainsi LA NATION ALGERIENNE sera ton avocat infatigable et impitoyable, et le porte-parole de ton ardent patriotisme.
Ayant défini les devoirs de la « Nation Algérienne » envers toi, il reste à préciser les tiens.
Il est évident que pour vivre et mener le bon combat qu’elle se propose, elle a besoin de toi, de ton soutien, de ton dévouement. Expression vivante de tes sentiments et de ta raison, tu dois lui assurer une existence stable par une diffusion intense et chaque jour plus large.
Tu dois l’introduire dans tous les milieux et propager ses mots d’ordre.
Sa force sera fonction de l’intérêt que tu lui porteras et de la propagande que tu lui feras, de l’appui moral et matériel que tu lui consentiras.
Si donc de part et d’autre, les devoirs ainsi définis sont compris, un grand et beau travail sera fait quant à l’avenir de la Patrie actuellement enchaînée.
« La Nation Algérienne » deviendra un grand et redoutable périodique. « La Nation Algérienne » sera véritablement l’âme parlante d’un peuple jugulé qui veut vivre libre sur une terre libre sous le signe de la démocratie et de la dignité.
Fière de ton passé et pleinement confiante en ton avenir, « La Nation Algérienne » te salue. En toi elle salue également tous les martyrs tombés pour tes libertés depuis la « conquête ». Par-dessus les frontières et les murailles des prisons, elle adresse une pensée fraternelle au Chef National MESSALI Hadj en exil et aux emprisonnés politiques qui souffrent dans les sombres cachots.
Avec toi et pour toi, « La Nation Algérienne » sera à la pointe du combat pour une Algérie libre et indépendante.
VIVE LA NATION ALGERIENNE !
Victoire écrasante de l’abstention
LE PEUPLE ALGERIEN A IRREVOCABLEMENT CONDAMNE LE REGIME COLONIALISTE FRANCAIS A UNE PROPORTION DE 75 %
Le 2 juin, le Peuple Algérien a saisi une nouvelle occasion pour exprimer sa répulsion profonde à l’égard du régime esclavagiste qu’il subit depuis plus d’un siècle.
Malgré la pression abjecte de l’Administration, la trahison des uns et la démagogie des autres, il a saisi toute la portée historique de cet événement. Il s’est nettement prononcé dans son immense majorité contre toute participation aux Elections à la Constituante française avec une proportion d’abstention de 75 %. Les chiffres de l’administration coloniale sont indubitablement au-dessous de la réalité car l’impérialisme, usant d’une vieille habitude, a intérêt à fausser les résultats. Cette énorme abstention traduit une fois de plus l’évolution et la maturité politiques indiscutables de notre peuple.
Le Peuple Algérien a rejeté le principe même de ces élections qu’il considère comme une atteinte à sa Personnalité et un obstacle dans sa marche vers l’Indépendance et la Démocratie.
Certes, il y a bien eu 13 « élus » musulmans qui iront siéger au Palais-Bourbon comme l’ont déjà fait leurs prédécesseurs béni oui oui : Bendjelloul, Benchennouf, Lakhdari et Cie.
Mais, le peuple, dans sa grande majorité, ne les reconnaît pas pas plus que la politique qu’ils préconisent. Il rejette aussi bien la politique d’assimilation du groupe socialiste que celle du fédéralisme d’Abbas Ferhat.
Cette politique du fédéralisme prêchée sous l’égide du Manifeste est en contradiction formelle avec le programme du Manifeste qui a été consacré par le Congrès de mars 1945 lequel revendiquait une Algérie Souveraine, libre de toute entrave de l’impérialisme français. C’est un abus de confiance ignoble par lequel ces « mal élus » ont frustré un grand nombre de leurs électeurs. Ferhat Abbas et ses amis, trahissant ainsi les principes du Manifeste, se confondent désormais avec les défenseurs plus ou moins acharnés de la domination française en Algérie.
L’Impérialisme français, devant la menace qui pèse aujourd’hui sur lui, essaie d’adopter des formules nouvelles tout en conservant les mêmes méthodes et le même esprit : Union française, Communauté française, Fédération française qui ne visent rien moins qu’à perpétuer son règne en Algérie.
Ceux qui soutiennent la politique du fédéralisme commettent envers le Peuple algérien un crime impardonnable et font consciemment ou inconsciemment le jeu du colonialisme.
Mais, en général, le Peuple a vu clair dans toutes ces manœuvres machiavéliques. Il ne s’est point laissé prendre au chantage et à la démagogie de Ferhat et de ses amis.
Pour parvenir au succès électoral, tous les moyens ont été employés par ces derniers pour tromper le Peuple.
On a utilisé « la libération de Messali » comme cheval de bataille, sachant pertinemment qu’elle représente le vœu intime de tous les Algériens.
On a fait figurer en tête du programme « le retour à la vie légale du P.P.A. » dans l’espoir de séduire davantage.
On a fait suivre le nom des candidats du titre alléchant « ex-emprisonné politique », faisant ainsi de l’emprisonnement matière à exploitation.
Mais le fait le plus symptomatique de leur compromission avec l’impérialisme a été l’appui sans réserves du « Courrier Algérien » qui leur a généreusement ouvert ses colonnes et qui n’a pas craint, d’autre part, de défigurer la politique d’abstention en la faisant passer pour une politique gouvernementale.
Malgré toutes ces manœuvres, le Peuple Algérien a vu clair dans le jeu des ambitieux et des aspirants aux mandats.
Dans cette course aux sièges, il ne s’est pas laissé entraîner à l’aventure et a fait preuve d’une clairvoyance admirable. Il a répondu en refusant de s’associer à toutes ces combines.
Fait symbolique : Périgotville où la barbarie colonialiste a atteint son paroxysme, au cours des évènements terribles de Mai 1945, a compris qu’aucune entente avec l’impérialisme rétrograde n’est possible. En effet sur 12.029 inscrits, il n’y a eu que 2.658 votants.
L’Abstention a été plus catégorique qu’ailleurs.
Le Peuple Algérien a repoussé la représentation parlementaire française qui n’est qu’un leurre et un moyen de faire durer son asservissement, comme il a déjà repoussé la funeste politique d’assimilation de l’ordonnance du 7 mars.
Il a suivi la ligne de conduite préconisée par le P. P. A. qui demeure la seule organisation travaillant avec dévouement et sincérité pour la Cause Algérienne.
Le Parti du Peuple Algérien adresse ses plus vives félicitations pour la confiance qu’il lui a témoigné ; il félicite aussi tous ceux qui ont été les artisans de notre victoire.
Animé par l’esprit du grand patriote Algérien Messali Hadj dont l’abnégation et la ténacité au service du Peuple n’ont jamais fait défaut, il poursuivra la lutte pour l’Indépendance de notre pays dans le cadre de ses traditions nationales.
Le Peuple Algérien n’acceptera jamais de participer aux élections d’une Constituante française et juge que SEULE UNE CONSTITUANTE ALGERIENNE, ELUE dans les conditions démocratiques, sans distinction de race ou de religion et lui garantissant le respect de ses droits et de ses libertés, peut réaliser ses aspirations.
EL MOGHREBI
La Question Nord-Africaine et la Ligue Arabe
La question Nord-Africaine est à l’ordre du jour dans l’Orient Arabe. La presse l’agite et publie des articles très documentés où elle stigmatise avec vigueur la politique barbare de l’impérialisme français. Les groupements politiques en discutent et concrétisent leur position dans des résolutions affirmant leur détermination de libérer de la servitude tous les pays arabes. Enfin, à la suite des démarches pressantes du Comité de la Libération de l’Afrique du Nord, la Ligue Arabe mène sérieusement le combat.
Dans de nombreuses conférences et interviews, le secrétaire général de la Ligue Arabe Abderrahman Azzam a nettement posé le problème et exprimé la volonté de la Ligue Arabe de faire valoir, par tous les moyens, les droits des peuples opprimés de l’Afrique du Nord.
C’est ainsi que, devant la Commission Anglo-Américaine d’Enquête sur la Palestine, la question Nord-Africaine fut mise sur le tapis.
Tout dernièrement, au nom de la Ligue, un télégramme fut envoyé au Président du Conseil de Sécurité, demandant l’inscription du problème Nord-Africain à l’ordre du jour de la prochaine Assemblée.
Il s’avère, d’autre part, que l’échec de la conférence des ministres des affaires étrangères est dû aux difficultés soulevées par l’examen des questions intéressant le bassin méditerranéen dont l’Afrique du Nord est une portion.
En un mot, une action intense se déroule dans le domaine international sous l’égide de la Ligue Arabe en vue de faire entendre la voix de l’Afrique du Nord étouffée et, par conséquent, à la merci de ses oppresseurs.
C’est là un signe des temps remarquable.
Il montre que la solidarité arabe n’est pas un vain mot et que les pays arabes libres ne restent pas indifférents au sort tragique de ceux vivant sous le joug tyrannique du plus cruel impérialisme.
Oui la solidarité arabe est une réalité vivante et agissante, et nous sommes heureux, nous qui subissons encore le régime du sabre, de saluer cette ère nouvelle qui nous permet d’entrevoir le triomphe de notre idéal de justice et de liberté.
Il est vrai que, dans la lutte pour sa libération nationale, l’Afrique du Nord, terre martyre, a besoin plus que jamais de toutes les sympathies et particulièrement de l’appui moral de l’Orient arabe.
L’Afrique du Nord qui a largement contribué à la victoire de la démocratie sur le fascisme, a droit au même titre que les autres peuples et malgré les intrigues de l’impérialisme français, de jouir de l’indépendance et de la souveraineté.
Les Peuples Nord-Africains en ont assez ! Et c’est pourquoi ils ont confiance dans la Charte des Nations Unies, dans l’O.N.U., en la Ligue Arabe qui ne sauraient tromper leurs légitimes espérances. Pour eux, c’est une question de vie ou de mort.
Il faut que l’impérialisme français soit vaincu.
Il faut que la Patrie Nord-Africaine soit libre et indépendante.
Vérités
Si l’indépendance n’était pas l’aspiration première des peuples pourquoi les nations feraient-elles tant de sacrifices soit pour l’obtenir, soit pour la conserver.
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L’indépendance est le seul idéal véritable pour un peuple colonisé.
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Le sentiment d’indépendance chez un peuple se passe d’explications.
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L’indépendance est l’opposé exact de l’impérialisme. Donc, ceux qui ne sont pas pour elle, sont soit impérialistes, soit co-impérialistes. Et c’est la peur, un intérêt abject ou une ambition d’esclave qui déterminent le co-impérialisme.
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L’impérialisme raisonne à sa façon sur le régime d’exploitation dont est l’objet le peuple assujetti. Le colonisé qui accepte ce raisonnement, l’intellectuel colonisé qui l’approfondit, acceptent la domination ; car méditer sur l’esclavage, c’est le comprendre et l’accepter.
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Les élus d’un peuple colonisé qui ont peur ou qui tiennent à de sordides intérêts trouvent toujours un prétexte pour expliquer leur attitude. La peur de l’impérialisme les pousse même à combattre leurs frères qui luttent pour la liberté. Ces peureux et leurs acolytes, circule dans leurs veines du sang d’esclave.
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L’ignominie la plus basse pour un homme, c’est d’essayer de faire accepter à ses frères la faiblesse ou la servitude qu’il a lui-même acceptées. Cet homme se qualifie de super-traître.
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Il existe des gens – se disant nos amis – qui prétendent comprendre mieux que nous-mêmes ce dont nous souffrons. Ces gens-là nous confèrent automatiquement le titre d’inférieurs puisqu’ils nous jugent incapables d’expliquer notre mal. Intéressés peu ou prou à la domination que nous subissons, ils tendent par les solutions qu’ils nous proposent, à nous écarter de la voie du salut ou à retarder notre marche vers l’indépendance.
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Il est stupide de s’étonner qu’un peuple aspire à son indépendance. Là-dessus, les esclaves, élevés dans la domination, s’étonnent sincèrement et les esclavagistes feignent de s’étonner.
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Pour un peuple colonisé, il existe deux formes de lutte : d’abord, celle qui mène droit au but, s’inspirant essentiellement des aspirations du peuple et de son avenir ; puis celle qui est autorisée par l’impérialisme. Cette deuxième forme de lutte conduit à des résultats calculés à l’avance par l’impérialisme, elle ne peut donc que nuire à ses privilèges, autrement dit, elle est loin de réaliser les aspirations du peuple. Bien plus, elle risque de les estropier d’une singulière façon, exemples de cette forme de lutte : ordonnance du 7 mars et représentation parlementaire du 2e collège, on sait où cela mène.
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Dans une colonie, tout rappelle l’existence d’un dominateur et d’un dominé, d’un exploiteur et d’un exploité. Les noms des conquérants qui ont écrasé le peuple colonisé et ont déterminé sa servitude, sont donné aux places publiques, aux plus belles rues et aux cités nouvelles.
ABOU-EL-HAQ
LE MENSONGE PEUT COURIR UNE ANNEE, LA VERITE LE RATTRAPE EN UN JOUR
(Proverbe nigérien)
Pointes Vertes
Le 2e Collège ou le secret de l’union
Communiste, M.R.P., Radicaux, P.R.L. ont voté pour le 2e collège à la Constituante française ; mais, pour des besoins électoraux, chacun revendiquait pour lui seul, l’honneur de l’avoir fait adopter, d’où disputes entre eux, on se demande pourquoi ? Ces sacrés adversaires éternellement divisés sur les questions françaises, ont trouvé un excellent trait d’union en inventant le 2e collège qui confirme à souhait les « vues exactes » de l’impérialisme sur l’infériorité du peuple Algérien. Encore une fois, il n’est pas difficile de faire « l’union sacrée » sur le dos des Arabes !
Bon Sens Populaire
Pendant la campagne électorale, le dénommé [illisible], parlant à Châteaudun-du-Rhumel pour le compte du P.C.A., s’est adressé à la foule, du plus haut de sa petite personne :
« Ô mon peuple… commence-t-il
_ Ô mon prophète » répondent en chœur, les auditeurs, vraiment amusés de cette apostrophe sublime.
La loi de l’attraction des sièges
Ces fameux sièges auront un compte à rendre le jour du jugement dernier. Ils sont si fascinants qu’ils ont détourné de la voie du devoir plus d’un mégalomane avide d’user sa salive dans une enceinte construite pour le salue de la France. Mais, un bruit court que ces sièges sont d’un bois spécial et que les mégalomanes arabes éprouvent un sacré plaisir à se frotter le dos et le reste contre ce bois à la mystérieuse vertu.
Est-ce un siège ou un piège ?
La prison porte conseil
Un jour « Egalité » disant que Ferhat Abbas était un pharmacien qui n’aime pas les ordonnances (entendez l’ordonnance du 7 mars). Mais, après avoir passé, aux frais de l’Etat, un stage de dix mois dans un laboratoire de neutralisation, Ferhat Abbas a repensé profondément à cette ordonnance et s’est rendu compte que grâce à elle, on peut aller loin, loin… à la Constituante… loin du peuple Algérien.
Un Ogre qui veut changer de nom
La vague de liberté et d’indépendance qui est sortie de la victoire des Nations-Unies a fait que le colonialisme est mal vu du genre humain. Aussi a-t-il décidé de se débaptiser pour prendre le nom charmant de « Fédéralisme » ou celui de « Union Française » ou encore celui plus doux de « Communauté Française ». Ce dernier nom évoque un esprit de famille vraiment touchant et ne peut qu’être ému des délicates intentions du colonialisme qui est prêt à toute concession, sauf à vouloir relâcher ses griffes.
Incohérence et contradictions
Nous avons lu tous les écrits de M. Ferhat Abbas publiés depuis sa libération. Nous avons profondément médité sur cette prose abondante et variée. Mais malgré notre bonne volonté, notre cerveau s’est absolument refusé à comprendre les subtilités de sa stratégie politique.
C’est un véritable déluge d’incohérence et de contradictions.
Ô abominable prison ! Ô délicieuse attraction des sièges ! qu’avez-vous fait de Abbas ?
M. Abbas, apprenti dictateur.
Eh ! oui. M. Abbas s’essaie à la dictature : avec son auréole de martyr (10 mois de prison) il se croit assez populaire pour se livrer à ce petit jeu. De là, toutes ses actions unilatérales et personnelles : négociations avec les groupements politiques, éditions de tracts signés de son nom, appropriation du Manifeste.
Avouez avec nous qu’il prend ce drôle de chemin pour s’imposer au peuple. Enfin, si ce chemin ne le mène pas là où il veut arriver, il le conduira certainement au désespoir d’être incompris. Car, si à un moment donné la France c’était lui, nous lui faisons amicalement remarquer que l’Algérie ce n’est pas lui.
A propos de notre « brillante élite ».
De sévères accusations circulent sur le compte de notre élite dans les milieux populaires. Nous protestons avec la dernière énergie contre de semblables accusations certainement sans fondement.
En fait, son unique défaut consiste à trop aimer les intérêts du « peuple pourri » (Abbas dixit) à les étouffer sous son égoïsme larvé et son hypocrisie machiavélique.
MOH BABDJDID
Sur le Chemin de la Trahison
Certains milieux mal informés ou encore sous l’emprise d’un enthousiasme naïf se sont absolument refusés à prendre en considération, au lendemain de la rupture de l’union, le cri d’alerte, lancé par le P.P.A. contre le spécialiste de la volte-face Ferhat Abbas et son équipe de professionnels de la trouille.
Au nom d’un sentiment de vénération aveugle pour les personnalités, ils furent sourds à la vérité et insensibles aux arguments les plus sérieux. Ils ne purent admettre que de tels hommes puissent sacrifier, avec autant de facilités, les légitimes aspirations nationales du peuple Algérien et faire, par là même, le jeu de l’impérialisme français.
A tort ou à raison, cette attitude simpliste s’expliquait à un moment donné par le fait même que l’atmosphère politique précédant les élections, était extrêmement confuse et que l’abus de confiance battait son plein.
Mais depuis et selon nos prévisions, des faits nouveaux lourds de conséquences sont intervenus.
La monstrueuse « escroquerie morale » que nous avons dénoncée se précise clairement et il nous est possible de justifier notre légitime méfiance vis-à-vis de l’Union démocratique du Manifeste et, aussi, d’arracher, à leur dangereuse illusion, ceux de nos frères odieusement trompés par une phraséologie abondante mais d’inspiration purement électorale.
Nous le ferons en toute objectivité, avec le seul souci de la vérité et sans le moindre esprit sectaire.
Deux grands quotidiens de France, « Franc Tireur » du 4 juin et « Combat » du 12 du même mois, ont reproduit, le premier, sous le titre de « Ferhat Abbas m’a dit : Nous sommes le dernier barrage » et le second, sous le titre « Ferhat Abbas préconise la constitution d’un Etat fédéral » un interview de ce dernier dont la teneur est vraiment édifiante sur la pensée politique réelle des élus du Manifeste Algérien.
Citons quelques extraits :
« Quant à Messali, je n’ai accepté de le défendre qu’après qu’il m’eût dit qu’il était pour une solution française.
« Mes amis et moi ne voulons à aucun prix porter atteinte à la mission civilisatrice de la France en Afrique du Nord.
« Au-dessus, voilà le Parlement Algérien ou si vous préférez une autre expression la Chambre consultative. Elle exercerait le pouvoir législatif sauf en matière militaire et diplomatique, apanage du pouvoir central de Paris. Cette chambre serait composée par autant d’élus européens que d’élus musulmans. Vous voyez que nous ne faisons pas jouer la loi du nombre. Le petit cercle que vous voyez là, c’est le gouvernement général responsable devant l’assemblée. Il serait dirigé par un Haut-Commissaire de la République française assisté par une douzaine de commissaires généraux choisis à égalité entre musulmans et européens.
« C’est votre dernière chance. Nous sommes le dernier barrage.
« Ne vous y trompez pas, je suis le plus francophile des nationalistes. »
Ces quelques phrases suffisent pour donner une idée de l’ensemble et nous permettent d’arrêter là nos citations. Elles établissent, d’une façon péremptoire, qu’Abbas a tenu un langage différent au cours de la campagne électorale et que sa profession de foi était rédigée dans un autre esprit. En un mot, il a menti au peuple pour le gagner à sa mauvaise cause.
Voilà donc que M. Abbas montre le bout de l’oreille et avoue presque son inqualifiable duplicité. Il ne s’intéresse à la défense de Messali que si ce dernier est pour une solution française. Hors cette condition, c’est donc un ennemi dont l’exil constitue une mesure de stricte justice. On ne peut vraiment pas être plus infâme vis-à-vis d’un martyr dont le seul crime est d’être un ardent patriote. De plus, sans rougir, ce nationaliste en peau de lapin, ose attribuer à Messali qui est trop intelligent pour engager aussi bêtement que lui, l’avenir du peuple ; ces propos que dément toute l’histoire de sa vie militante. Mais cette spéculation déloyale du prestige du héros de la libération nationale pour couvrir des turpitudes inavouables ne trompera plus personne comme, d’ailleurs, la criminelle manœuvre de division que d’autres ont tenté [ill.] lui et qui tend à opposer Messali à son vaillant parti.
En tout cas, nous dénions à M. « la France, c’est moi », le droit de parler de Messali Hadj qui est un pur principe, un vrai chef et un vrai fils du Peuple Algérien.
Que M. Abbas, le plus francophile des nationalistes éprouve le besoin de faire des déclarations de loyalisme : rappelant le bon vieux temps du béni-oui-ouisme, cela ne nous étonne nullement. Son trémolo sur la mission civilisatrice de la France ne nous émeut pas pour cela et nous pousse à lui rafraîchir la mémoire. Il oublie, en effet, que c’est au nom de ce slogan absurde que des milliers de ses compatriotes, hommes, femmes et enfants ont été sauvagement massacrés à Sétif et à Guelma, que des milliers d’autres ont été jetés en prison, après avoir subi d’atroces tortures, que lui même a failli être fusillé.
En vérité, la mission civilisatrice de la France n’est-elle pas synonyme d’esclavage, de racisme, de misère, de mort lente ?
Pour connaître la joie de vivre pleinement, pour être libre et heureux, le Peuple Algérien ne doit-il pas, avant tout, haïr cette « prétendue mission », raison sociale de l’impérialisme pour camoufler son horrible égoïsme, ses crimes et ses lâchetés?
Quant au programme dont M. Abbas se fait le porte-parole, ce n’est pas celui qu’il a présenté aux électeurs, ce n’est pas celui du Manifeste, ce n’est même pas celui de l’Additif. C’est un programme d’abandon où il tend une main secourable à l’impérialisme moribond et essaie de le sauver. Et pour bien faire ressortir ses bonnes intentions, ce « grand démocrate » sacrifie les principes de la démocratie puisque la majorité constituée par les autochtones aura une représentation égale à celle de la minorité européenne. Avec un tel programme que la plupart des journaux colonialistes semblent adopter, l’impérialisme français peut continuer en toute quiétude son œuvre de domination et d’exploitation. La terminologie changera, mais l’esprit restera le même et le Peuple Algérien connaîtra toujours la loi du bâillon, la vie de misère et du dénuement, le désespoir d’une expérience douloureuse.
C’est pour cela donc que M. Abbas déclare qu’il est la dernière chance de la France impérialiste et son dernier barrage.
En vérité, c’est sur lui et son équipe de jouisseurs que l’impérialisme fonde ses espoirs pour échapper à sa ruine inévitable. Il est, comme le prouvent ses interviews, le dernier barrage contre les profondes aspirations nationales du Peuple Algérien et le P.P.A. qui en est l’avocat infatigable.
Il ne reconnaît comme étant l’instrument de l’impérialisme et se met à la disposition de ceux qui sont la cause de tous nos malheurs et de notre esclavage.
Il peut dire, avec juste raison, qu’il est le plus francophile des nationalistes. Il peut même s’en vanter puisqu’il a réussi à tromper la bonne foi de ceux qui ont cru en lui.
Par le mensonge, la duplicité, l’abus de confiance et la calomnie, il a escroqué, en quelque sorte, un mandat dont il se sert contre le Peuple Algérien et pour la grandeur de l’impérialisme français.
M. Ferhat Abbas a trahi le Manifeste ;
M. Ferhat Abbas a trahi le P.P.A. ;
M. Ferhat Abbas a trahi le Peuple Algérien.
Traître et parjure comme Bendjelloul, il aura à rendre des comptes devant le Tribunal du Peuple.
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