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Abdelaziz Menouer : Le scandale des fraudes électorales d’Alger

Article d’Abdelaziz Menouer alias El Djazaïri paru dans Le Paria, troisième année, n° 35, août 1925, p. 2

Conformément à la politique coloniale de son impérialisme, le Conseil de préfecture d’Alger vient de donner son mot sur le scandale des élections municipales indigènes : il approuve pleinement les fraudes, la violence et l’arbitraire de son gouvernement, et les légalise par un long arrêté puant l’hypocrisie et le cynisme.

Voilà une belle leçon pour les indigènes, car c’est une de leurs plus chères illusions sur la démocratie bourgeoise qui tombe.

Rappelons les faits. Au premier tour de scrutin, la liste indigène du Bloc ouvrier-paysan eut un succès éclatant. Elle obtint autant de voix que la liste administrative et deux fois plus que celle du Dr Bentami.

L’Emir Khaled, en tête de liste et symbolisant la protestation des indigènes algériens, obtint à lui seul 558 voix, Mahmoud ben Lekhal, le héros de Mayence : 474.

Le candidat gouvernemental lui-même, le millionnaire Chekiken, n’eut que 472 voix et son triste colistier : Kaïd Hamoud : 398.

Le soufflet que la masse indigène appliqua sur la face du gouvernement général, a été magistral. Le colonialisme en frémit d’épouvante. Le silence qu’observa toute la presse esclavagiste en fut la démonstration éloquente, mais, par contre, le gouvernement prépara, avec le concours de ses valets indigènes, les manœuvres malpropres qui devaient assurer l’élection de ses pantins.

Comment ! l’élite algéroise, c’est-à-dire 1.600 électeurs triés au volet sur une population de 60.000 indigènes et comprenant ceux sur lesquels l’impérialisme français avait le plus de confiance, puisqu’il leur donne le droit de vote : voilà que plus d’un tiers de cette élite flétrit la politique gouvernementale en soutenant la liste révolutionnaire !

Alors la clique coloniale, voyant qu’elle ne peut plus prendre les indigènes par la ruse, emploie la force et les procédés classiques d’arbitraire brutal dont elle se sert aux Antilles et aux Indes françaises, elle les applique à l’Algérie.

La police et l’armée furent mobilisées, les bulletins outrageusement fraudés, les électeurs violentés, les candidats du B. O. P. expulsés des bureaux de vote et, pour comble, les présidents de ces bureaux s’arrogèrent du pouvoir exceptionnel de déclarer inéligibles ceux des candidats adverses qui avaient été élus !

De tels procédés nous expliquent pourquoi les Antillais, si paisibles, mais imbus des sacrés principes de 1789, eurent recours, eux aussi, à la violence pour faire respecter leurs droits de citoyens : il fabriquèrent des bombes et les lancèrent sur la clique.

Certes, ce ne sont pas des actes individuels de violence qui pourront transformer l’horrible organisation capitaliste et sa politique coloniale, conséquence naturelle de son impérialisme, ce ne sont pas non plus les interpellations parlementaires qui modifieront de beaucoup la situation des opprimés coloniaux.

La tribune du Parlement bourgeois peut être utilisée par les partis vraiment révolutionnaires pour flétrir les crimes du capitalisme, lui jeter à la face toute l’hypocrisie de ses institutions et réveiller à la lutte la masse des exploités qui peuvent encore être dupés par la démocratie bourgeoise.

Mais encore faut-il que la masse des indigènes s’organise elle-même, rejette ceux de ses frères de race qui ne sont que ses ennemis de classe et s’allie au prolétariat mondial pour abattre l’impérialisme mondial.

EL DJAZAIRI.