Article d’Idir Amazit paru dans Le Libertaire, cinquante-sixième année, n° 285, 19 octobre 1951, p. 3

LE camarade I. Amazit, secrétaire de la Fédération de France de l’Union Démocratique du Manifeste Algérien, protagoniste du courant d’unité d’action qui se fait jour dans la région Parisienne sur le plan du combat anticolonialiste, a bien voulu offrir aux lecteurs du « Libertaire » la primeur d’un article sur la conférence colonialiste de Nairobi.
Cette conférence, dont nous avons rendu compte en son temps, réunissait 49 nations impérialistes désireuses d’asseoir plus solidement leurs menées anti-populaires en Afrique. Il convenait, comme le fait I. Amazit, de mettre le fait en relief.
LANÇONS un pavé dans la mare et troublons la ripaille des maîtres-crapauds. Il y a quelques semaines l’internationale des négriers et pillards colonialistes tenait une conférence à Nairobi, au Kenya. Son but ? Elaborer un plan stratégique commun aux puissances colonialistes africaines pour resserrer l’étau de l’esclavage sur les masses autochtones et drainer plus facilement les richesses de notre continent vers les coffres-forts des requins milliardaires des cartels financiers internationaux. L’aveu ? Le journal « Le Monde » connu pour ses attaches avec le Quai d’Orsay et les sphères financières nous le donne en ces termes combien cyniques ! « L’Afrique est un immense réservoir d’hommes et de matières premières dont les puissances occidentales ne pourraient se passer ». Matières premières et chair à canon ! Le 20e siècle est bien l’âge d’or de l’esclavage pour les impérialistes. Ces maîtres du moment disposent de notre peau tout comme de vulgaires maquignons de la Villette le font de celle du bétail ! Les crimes de la colonisation ont une nouvelle couverture inespérée, les nécessités de la stratégie atlantique qui commandent que l’on bâillonne les frondeurs anticolonialistes. Ces Messieurs n’oublient qu’une chose, c’est qu’ils comptent sans NOUS, peuples d’Afrique ! Et nous ne croyons pas manquer de modestie en affirmant que NOUS sommes un élément déterminant dans la solution de leurs problèmes :
Il y a ce point sur lequel nous sommes d’accord avec tous les hommes libres du monde, c’est que nous ne serons les mercenaires ni de TRUMAN ni de STALINE. C’est un solennel avertissement que nous adressons à tous les sangliers fauteurs de guerre et partisans des blocs internationaux. La cause de leurs boutiques n’étant pas la nôtre, peuples africains, il est fortement probable que nous soyons absents lorsque leurs trompettes sonneront le Rassemblement sur le sentier de la guerre. Si j’étais une culotte de peau de l’état-major de la mare atlantique, comme Juin ou de Lattre de Tassigny, je me garderais bien cette fois d’enrégimenter par force les peuples coloniaux. C’est un risque gros et sérieux. Piétinés, bafoués, lorsqu’ils ne sont pas assassinés par centaines de milliers, il se pourrait qu’ils fassent partir les fusils et les mitrailleuses dans une direction qui n’est pas celle indiquée. En Indochine « les volontaires » coloniaux passent avec armes et bagages de l’autre côté de la barricade. Rappelons à ces messieurs, la révolte des mercenaires de Carthage. Ce que les peuples africains exigent, c’est leur indépendance totale et l’évolution vers une fraternité humaine, chacun dans le cadre de sa personnalité. Ils se refusent d’envisager toute solution transactionnelle avec des adversaires aussi déloyaux que les colonialistes. Cela serait un marché de dupes dont ils seraient victimes. Nous détruirons les régimes colonialistes sur le continent africain à la première occasion, et prenant exemple sur nos maîtres nous ne seront pas tellement scrupuleux sur le choix des moyens à employer. Non ! les peuples africains n’oublient pas. Vaincus mais insoumis, leur volonté de libération est inéluctable !
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