Article paru dans Et-Thaoura, n° 2, août 1981

« Les événements qui secouent depuis Samedi plusieurs villes marocaines dont ( … ) Casablanca ( … ) viennent confirmer la gravité de la situation que vivent les masses marocaines exploitées par le grand Capital et les multinationales et acculées à subir les conséquences désastreuses de la guerre d’agression que mène le régime de Rabat contre le peuple Sahraoui ».
C’était là (El Moudjahid du 22-6-1981) la prise de position officielle du pouvoir algérien face au soulèvement des masses populaires marocaines contre le régime monarchiste compradore de Hassan II. Seulement l’A.P.S. oublie qu’il y a quelques semaines, l’armée, la police et le parti de la bourgeoisie algérienne étaient en train d’écraser dans le sang, les arrestations et la torture les manifestations des masses populaires à Bejaïa-Alger pour donner juste après l’assaut aux ouvriers grévistes de la Base Sonatrach de Beni-Mered dont le bilan est de 8 morts, 98 blessés et 100 arrestations. Quoique la nature politique des bourgeoisies maghrébines diffère, leurs répressions respectives contre les masses de leur pays respectif sont les mêmes. Il y a un an, à la suite de l’attaque de Gafsa par un commando armé, Bourguiba en réprimant sévèrement cette action, ne s’est pas privé, en même temps, de réprimer les masses populaires de GAFSA, répression vis-à-vis de laquelle l’Etat bourgeois algérien s’est illustré par un opportunisme brillant ; la même complicité passive que lors de la répression de l’UGTT et de la classe ouvrière tunisienne par Bourguiba.
D’autre part, la façon dont la presse bourgeoise en Algérie a rendu compte de la répression au Maroc n’est pas neutre et dénuée de significations. Cette presse s’est servi et a cité le soulèvement des masses marocaines uniquement pour illustrer que c’est l’effet de la guerre au Sahara (ce qui est vrai, en partie seulement). La presse officielle algérienne avait l’air de dire : « Arrêtez la guerre et vous aurez la paix interne certainement ». Cela nous rappelle que le régime de Boumédienne a contribué à la répression des maquis de l’Atlas marocain en 72-73 en leur fermant ses frontières pour leur couper toute possibilité de repli, les offrant ainsi au rouleau compresseur de l’armée de Hassan II.
Non ! La révolte populaire au Maroc n’est pas causée uniquement par la guerre en tant que telle mais par la nature bourgeoise, compradore, du régime marocain, nature politique qui fonde cette guerre elle-même. Les masses marocaines poursuivront la lutte jusqu’à la victoire finale, même si la guerre injuste et expansionniste menée par Hassan II contre le peuple Sahraoui venait à cesser demain. Il en va de même pour les masses tunisiennes malgré les flirts entre les bourgeoisies algérienne et tunisienne et malgré tous les « jumelages » et complicités.
« Le régime monarchiste met les événements de Casa sur le dos d’éléments manipulés de l’étranger » annonçait la radio algérienne cette semaine. Rappelons que les soulèvements populaires en Algérie depuis Mars 80 sont mis sur le dos de l’impérialisme, du SDECE, voire de la CIA.
En vérité, le rôle de la classe ouvrière dans le soulèvement populaire au Maroc est fondamental, même si au niveau de l’action violente (manifestations-casse) la composante majoritaire était sous-prolétaire. Rappelons que c’est à l’occasion d’une grève générale à laquelle avait appelé la CDT, suite aux hausses des prix. Cette participation du sous-prolétariat urbain est même un progrès et une base concrète pour construire ces alliances de classes nécessaires au prolétariat révolutionnaire. Cela à condition que les révolutionnaires marocains s’en saisissent.
« Le roi en tant que chef de l’Etat aurait dû tenir compte du mécontentement » et n’aurait pas dû « refuser tout dialogue avec l’USFP et la CDT » affirmait à Paris Mr Abderrahim Bouabid. Ces propos ressemblent étrangement chez nous à ceux du PAGS qui répand l’illusion sur l’esprit démocratique de Chadli et appelait à substituer le « dialogue permanent » à la lutte concrète contre la bourgeoisie.
Ainsi sous des cieux différents, les propos des bourgeoisies « différentes » se ressemblent lorsqu’il s’agit de faire face à la révolte populaire.
De même que par dessus leurs divergences secondaires, les bourgeoisies du Maghreb sont unies face aux masses du Maghreb. C’est cela que les révolutionnaires maghrébins dispersés, divisés, voire sans contact aucun entre eux, c’est cela qu’ils n’ont pas compris assez tant qu’ils n’auront pas consenti à un débat franc entre eux pour aboutir à des formes d’entraide, voire, pourquoi pas, à une stratégie commune.
Pour l’heure, conscients de notre devoir internationaliste, nous appelons à la mobilisation pour arracher aux griffes des bourgeoisies maghrébines tous les prisonniers politiques et nous affirmons notre soutien total aux masses populaires marocaines en lutte pour abattre le régime compradore de Hassan II.

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