Dossier paru dans Sans Frontière, n° 12, 22 avril 1980, p.10-11
La culture en question
Dans un Maghreb en ébullition, l’Algérie manifeste une revendication qui, pour être relativement localisée, n’en est pas moins universelle par ses motivations et capitale par son intérêt : l’identité culturelle d’un peuple.
Le 10 Mars, les étudiants de l’université de Tizi-Ouzou invitent l’universitaire et romancier Mouloud Mammeri à tenir une conférence sur la poésie kabyle ancienne. La conférence est interdite par le wali de Kabylie sans que les motifs soient formulés, de la manière sournoise et hypocrite qui est la marque même de ce régime d’oppression, né du putsch du 19 Juin 1965 et qui se réclame du socialisme, des libertés, de la démocratie, du droit des peuples à l’autodétermination : coup de téléphone anonyme dans la nuit pour signifier à M. Mammeri d’annuler sa conférence, barrages de police à Drâa Ben Khedda puis refoulement sur Alger de l’écrivain qui avait persisté dans son entreprise.
Les étudiants du comité de la cité de l’université de Tizi-Ouzou projettent d’inviter l’écrivain Mouloud Mammeri à faire une conférence concernant son ouvrage « Poèmes kabyles anciens ». Les autorités universitaires ne se sont pas prononcées contre le principe d’une conférence, mais elles étaient pour son report.
A près de trois mois d’agitation des étudiants « arabisants », qui revendiquent l’utilisation systématique de l’arabe comme langue officielle, a succédé en Kabylie un mouvement populaire pour la reconnaissance de la langue berbère. C’est à la suite de l’interdiction d’une conférence de Mouloud Mammeri sur la poésie kabyle que se sont développées ces manifestations qui ont abouti, après une répression policière, à la visite du Ministre de l’enseignement supérieur Bererhi puis finalement, le 20 avril dernier, à l’investissement de la faculté de Tizi Ouzou par les flics, le quadrillage policier de la ville, l’arrestation d’un certain nombre d’étudiants et de travailleurs, et la répression féroce des manifestations, à Alger comme en Kabylie. La grève générale du 16 avril paralysant toute la Kabylie, atteignant Alger et même Annaba, montre s’il en est besoin le soutien populaire rencontré par ces revendications culturelles.
Le 10 mars à Tizi Ouzou, une conférence sur la culture berbère qui avait été appelée par un comité d’ étudiants et devait accueillir Mouloud Mammeri, écrivain algérien renommé, a été interdite. La préfecture de police (Wilaya), sous prétexte de risque de trouble de l’ordre public, a retenu quelques heures l’écrivain afin d’empêcher que la réunion ne se tienne.