Article paru dans Le Prolétaire, n° 97, 1er février-14 février 1971, p. 1-4
Chacun sait que les difficultés surgies entre la France et l’Algérie au sujet du prix du pétrole ont inauguré une demande de hausse plus générale de la part des pays producteurs. La bourgeoisie des grands pays capitalistes crie son indignation tandis qu’en face on parle de pillage et d’impérialisme.
Parions cependant que les adversaires parviendront à un résultat « honorable pour tous ». En effet, les moyens de pression des Compagnies pétrolières sont puissants et leurs soi-disant opposants, trop corrompus pour être vraiment dangereux.
La classe ouvrière, dans le monde entier, n’a pas à prendre parti dans ces querelles d’épiciers. Ce qui intéresse les Compagnies ce n’est pas de livrer du pétrole, mais de réaliser des bénéfices. Quant aux pays dont le sous-sol renferme le précieux combustible, ils se comportent comme des propriétaires et réclament un loyer aux Compagnies chargées de l’extraction. D’où viennent ces bénéfices et d’où vient ce loyer ? Tout simplement de cette partie du travail employé par les capitalistes et qui n’est pas payée. En un mot, bénéfices et loyers de l’Etat sont de la plus-value capitaliste.
Les travailleurs du pétrole pourraient dire aux responsables des deux parties :
« Vous prétendez chacun que l’un de vous vole l’autre. Mais l’objet de l’affaire n’est-il pas de partager entre vous les trusts du travail non payé que vous nous avez extorqué ? Que nous importe lequel d’entre vous sera le plus riche. Une chose est claire, votre objectif est, le même : c’est de nous exploiter au maximum. Ne nous parlez plus de conférences ou d’arbitrages : le seul sujet qui vous intéresse est de savoir à quelle sauce nous serons mangés ».
Les divergences qui naissent au sein de la bourgeoisie mondiale, ne doivent pas détourner l’attention des ouvriers du monde entier, Partout, leur but est le même : destruction des Etats bourgeois, dictature du prolétariat, et abolition de toute exploitation. Face à l’unité des intérêts capitalistes (unité… par-delà les marchandages) doit se dresser le front uni des ouvriers de tous les pays. Mais qu’en est-il de cette unité, de sa réalité dans la vie sociale et les luttes politiques en France aujourd’hui ? En vérité peu de choses. La solidarité internationale des travailleurs n’est qu’une parole folklorique qui « fait bien » dans les congrès des partis prétendument communistes. Ce n’est même plus un souvenir, c’est une partition pour chorale. Et pourtant, travaillant côte à côte avec leurs frères français, des centaines de milliers d’ouvriers étrangers sont là pour nous rappeler que « les travailleurs n’ont pas de patrie et qu’on ne peut leur dérober ce qu’ils ne possèdent pas ».
Cinquante ans d’insultes au communisme intégral ont abouti à cette chose bien douce pour la bourgeoisie : le nationalisme chauvin et le racisme au sein de la classe ouvrière. Le P.C. français se moque totalement de la situation des travailleurs étrangers. Après avoir versé des larmes de crocodile l’an passé au sujet des malheureux Noirs morts asphyxiés à Paris, n’a-t-il pas eu l’audace de proposer une loi visant à faire participer les pays d’origine de ces travailleurs à la construction de logements décents ? Dans l’esprit de ces « communistes » l’envoi à l’étranger d’une bonne partie des salaires payés en France ferait mieux de s’investir en logements. Autant dire à ces travailleurs de se cotiser pour bâtir.
Nous, communistes révolutionnaires, savons que le capitalisme fleurit sur les taudis, les bas salaires et les journées de travail épuisantes. Dans ce domaine les travailleurs étrangers sont gâtés. C’est tout juste, lorsqu’ils tombent malades, si on ne les accuse pas du déficit de la Sécurité Sociale. Leurs grandes familles font frémir le petit-bourgeois apeuré et raciste : il se lamente sur ces « fainéants qui vivent des Allocations ». On ne répond pas à de telles insanités, on crache par terre. Si les Allocations et la Sécurité Sociale étaient en faillite du fait de la main-d’œuvre étrangère, les communistes révolutionnaires s’en réjouiraient et exigeraient davantage, jusqu’à faire crouler le système. Il n’est de salut que dans la Révolution ouvrière. Mais le comble n’est pas là : un récent article paru dans »Le Monde » nous apprend que le budget de la Sécurité Sociale et des Allocations Familiales est largement excédentaire pour la catégorie des travailleurs étrangers. C’est peut-être le seul.
Si l’on se tourne du côté des syndicats, on trouve une belle théorie, des paroles pleines de solidarité. Mais peut-on nous citer une seule action de grève dans laquelle la C.G.T. ait décidé l’unité d’action des ouvriers français pour soutenir les revendications de ces couches les plus pauvres ? Ou l’un ou l’autre : ou bien on patauge parmi les grilles de salaires, la promotion sociale, l’intéressement aux bénéfices et la hiérarchisation, ou bien on lutte pour la progression massive des salaires les plus bas et par là, des travailleurs étrangers. Finalement le syndicat rejette ces indésirables et se met à la remorque des parvenus de « l’aristocratie ouvrière ». La chose paraît incroyable mais ce sont des curés et des « gauchistes » qui tentent l’alphabétisation de ces déracinés. Le syndicat n’est pas dans le coup. Comment en serait-il autrement, alors qu’il a renié toute perspective de classe ? Rien de sérieux n’est réalisé pour souder les deux communautés ouvrières. Elles n’ont pourtant qu’un seul et même intérêt : l’abolition du capital.
Cela est utile à rappeler en des jours où le chômage ne cesse de croître, où la concurrence entre les ouvriers augmente les conditions du travail empirent et le travail devient rare. On en tendra certainement des brebis galeuses réclamer des mesures contre « ces étrangers qui mangent notre pain, prennent notre travail et qui veulent augmenter le prix de l’essence. » Quand des prolétaires en arrivent à penser cela, les bourgeois peuvent dormir tranquille et licencier des flics.
Mais déjà se dessinent les contours de la crise et, avec elle, du chômage, du « niveau de vie » difficile après tant de promesses, tant d’efforts. Le prolétariat traîne à ses pieds le boulet du capitalisme : le temps de la prise de conscience approche. Elle se fera par la transformation révolutionnaire des syndicats, la destruction des mensonges du P.C.F. et de ce parti lui-même. Dès aujourd’hui nous défendons le programme communiste intégral, nous affirmons que la distinction entre pays développés et pays sous-développés est stérile. L’opposition fondamentale réside entre les classes bourgeoises et la classe ouvrière. Le Manifeste de 1848 disait déjà :
« Ce n’est pas sans raisons que les classes dominantes tremblent devant la menace d’une révolution communiste. Les prolétaires ne risquent d’y perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à y gagner ».
Les chemins de la victoire passent par ceux de l’unité prolétarienne sur la base du programme communiste : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »