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Deux poids, deux mesures !

Textes parus dans Le Prolétaire, n° 371, 18 mars au 21 avril 1983, p. 3-7


Nasser M’Raidi, Youssef S., Robert Kéchichian, trois noms pour une même justice, une justice de classe ; trois noms pour un même arbitraire, un arbitraire de classe.

Chatenay-Malabry, cinq heures du matin le 13 février, Nasser rentre de chez sa copine en vélomoteur, il croise des flics qui font « leur travail », rondes de nuit ça s’appelle, c’est contre l’insécurité… Nasser a oublié son casque à la maison. Tarif : une balle dans la tête. Le brigadier assassin était « en état d’ébriété » comme disent les journaux. Sans doute buvait-il pour oublier que cinq ans auparavant un autre brigadier, lui aussi du commissariat de Sceaux, avait abattu de cinq balles un autre jeune, Algérien celui-là, Mustapha Boukhezer.

Youssef S., dix sept ans, « sans papier », arrêté pour recel et défaut de carte de séjour le 15 février, incarcéré à Fleury-Mérogis. Tarif : la mort, il a mis fin à ses jours, il s’est pendu dans sa cellule le 19 février.

Le ministre Badinter est parait-il très préoccupé par la détention des mineurs… Il y a cinq mille adolescents en prison aujourd’hui.

Robert Kéchichian, c’est autre chose… Pour « cent briques t’as plus rien,
mais pour 80 tu sors de taule quand tu veux ». En même temps que la « bavure » de la Butte Rouge et le suicide de Youssef, venait a la une des journaux l’affaire des « grâces médicales » de la prison hôpital des Baumettes.

Kéchichian, c’est un maître du crime organisé, pièce centrale dans la reconstruction d’une filière italo-française après le démantèlement de la « French-Connection ». Casier judiciaire presque aussi blanc qu’une dose d’héroïne marseillaise. Il a le privilège d’être un inconnu pour le fisc… Pourtant il sera incarcéré le 7 juin 1980, considéré comme le pourvoyeur de morphine base du laboratoire de drogue de Chambon-sur-Lignon. Tarif : 18 ans de prison… par défaut, parce que Kéchichian ça fait longtemps qu’il a mis les voiles. Tarif réel : croisière et champagne.

Kéchichian et ses amis, ils sont riches, très riches. Pensez, avec trente cinq kilos de morphine base, si la « soupe » prend bien, si le chimiste est compétent, en trente-six heures, cela fait plus de quatre milliards à la revente. Avec autant d’argent on ne reste pas longtemps en prison.

A Paris et à Marseille, une liberté médicale se négocie entre 300 000 et
600 000 francs selon la réalité de la maladie. L’argent est versé par la famille aux avocats intermédiaires qui répartissent les parts. Mais avec un cancer, le nec plus ultra du trafic, Kéchichian a dû s’acquitter de 80 briques. Menue monnaie pour un salarié de la Mafia. La pourriture et la corruption semblent bien remonter haut, très haut. Le magistrat instructeur a dû entendre une dame TROISIER, médecin inspecteur de l’administration pénitentiaire, chef de service à Fresnes. Une de ses lettres a été déterminante pour la libération de Kéchichian. Ne parlons pas des médecins spécialistes impliqués, etc. Le prédécesseur de Madame Troisier, sans doute plus intègre et moins coopérant, avait eu la malchance d’ouvrir un colis piégé qui l’avait expédié au paradis des médecins inspecteurs.

C’est aussi tout cela la justice de classe, les combines, les magouilles, ça se paie, c’est réservé aux riches. L’article pourrait s’arrêter là, ajoutons deux mots.

Il n’y a pas « de bavures policières », il n’y a que des formes d’oppression plus visibles que d’autres. C’est toute cette oppression qu’il faut dénoncer. De l’intimidation, mitraillette au poing, à l’assassinat pur et simple, en passant par le passage à tabac dans les commissariats.

C’est sur une solidarité réelle, morale et matérielle que nous devons nous appuyer pour montrer que chaque attaque n’est qu’une des mailles du filet policier répressif qui nous enserre toujours plus, pour tendre à rassembler les premiers éléments qui devront constituer demain de larges organisations d’auto-défense et de Secours rouge.

La bourgeoisie a tout intérêt à minimiser toutes ces affaires, à les faire considérer comme des exceptions. C’est notre rôle de les exploiter, d’attiser la haine justifiée qu’elles suscitent et de traduire cette haine en mots d’ordre immédiats et en cri de guerre à long terme :

A BAS LES FLICS !
A BAS LES JUGES !
A BAS L’ETAT !


Tract distribué par nos camarades

Contre les flingues des flics et des racistes organisons une riposte de masse !

Une balle de magnum 357 dans la tête de NASSER M’RAIDI : Pour les flics la chasse est ouverte toute l’année !

5 heures du matin, lundi 14 février à Chatenay-Malabry (région parisienne) : Nasser, 17 ans, est abattu d’une balle en pleine tête par le brigadier Lapeyre (très bien noté par ses supérieurs, 1,6 g d’alcool ce matin-là). A cette heure il reste encore entre la vie et la mort.

Son crime ? Avoir, paraît-il, circulé sans casque en mobylette.

Le brigadier affirme, appuyé bien sûr par ses collègues, mais démenti par les témoins, avoir tiré accidentellement ! On connaît les suites habituelles des crimes et sévices perpétrés par les flics à l’encontre d’immigrés et de jeunes : rien ou au plus quelques peines symboliques. Les exemples ne manquent pas.

A Vitry, un gardien d’immeuble a abattu Kader parce qu’il faisait, parait-il, trop de bruit dans l’entrée d’un immeuble (le procès de l’assassin de Kader avait-tourné à l’émeute, tant l’avocat général et le président de la Cour d’Assises avaient essayé de minimiser son « geste »). A Gonesse (cité « la Fauconnière »), à Nanterre également, 2 jeunes exécutés. A Strasbourg Yacid Naili sauvagement descendu. A Strasbourg toujours, plusieurs immigrés torturés par des flics et des douaniers… la liste est longue. DANS TOUS LES CAS les responsables écopent des peines avec sursis ou de simples remontrances administratives quand il n’y a pas de non-lieu.

Bavures regrettables ? NON ! VOLONTE DELIBEREE DE REPRIMER !

En fait il s’agit plutôt d’exemples connus particulièrement saillants de la
politique systématique de flicage, de brimades, d’insultes racistes ; DE TERREUR exercée contre les immigrés et les jeunes, sous couvert de démocratie, par l’Etat bourgeois.

Gouvernements de gauche ou de droite, municipalités de gauche ou de droite, les conditions de vie de tous les exploités ne font que se dégrader. Sans parler du chômage et de l’austérité : renforcement du dispositif policier dans les cités, multiplication des « bavures » officiellement couvertes par Defferre (un connaisseur…), promesses bidon de libéralisation juridique et de réforme pénitentiaire. Quant aux immigrés, c’est le grand nettoyage : contrôle renforcé, même pour les touristes de pays peu développés et pour les réfugiés politiques, expulsions massives après l’opération de fichage-régularisation, propos racistes de Mauroy à propos des grèves dans l’automobile…

D’un côté on a le grand cinéma comme le procès Barbie, tortionnaire recyclé dès 1945 au service des Alliés et de la CIA contre les masses d’Amérique Latine. Aujourd’hui il est mis à la retraite après 40 années d’activité supplémentaires dans la répression anti-ouvrière en Amérique Latine et est utilisé dans le cadre d’un procès-spectacle pour renforcer la patine démocratique de l’Etat impérialiste français qui a une longue tradition d’oppression coloniale en Afrique du Nord, en Afrique Noire, à Madagascar et en Indochine, et qui a envoyé ses contingents au Zaïre et au Liban plus récemment.

De l’autre côté, l’amnistie totale pour les massacreurs et les tortionnaires de la guerre d’Algérie dont les méthodes étaient exactement analogues, même si elles étaient appliquées sur une échelle plus réduite. Mais bien sûr, la vie d’un étranger immigré ne vaut pas celle d’un bon français, n’est-ce pas ?

La violence qui s’exerce tous les jours contre les jeunes et les immigrés est révoltante. Pour contre-carrer cette terreur permanente, il n’y a pas le choix : il faut riposter le plus collectivement possible contre tous les cas de répression et aujourd’hui lutter aux côtés des jeunes de Chatenay contre la violence qui a gravement frappé Nasser M’Raidi.

A chaque fois,à Chatenay, à Nanterre, Vitry, Strasbourg, les jeunes et la
population des quartiers frappés par la violence des flics et des racistes se sont mobilisés et ont manifesté leur colère.

Il importe d’approfondir les mouvements de protestation et d’élargir la mobilisation contre la terreur imposée par la société bourgeoise contre les jeunes et les immigrés. Cela suppose une organisation active, constitution de comités de quartiers et manifestations contre la violence des flics et des racistes pour ne pas leur laisser le terrain libre. Quand il n’est pas possible de mener dans l’immédiat un tel travail d’organisation il est possible au moins de mener un travail de sensibilisation et d’information sur les marchés, les lieux de travail et dans les quartiers : panneaux explicatifs, réunions de discussion, etc.

Le souvenir de Kader, Yacid et de tous les immigrés, jeunes abattus doit rester vivant. Demain Nasser, comme tous les autres, SERA VENGE.

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