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Mohammed Harbi : Il est permis d’interdire

Tribune de Mohammed Harbi parue dans Le Nouvel Observateur, 26 octobre-1er novembre 1989 et reprise dans Les Cahiers d’Article 31, n° 1, premier trimestre 1990, p. 96


Une hypothèse obscurcit le débat actuel sur le port du « foulard ». C’est la confusion faite entre les croyances religieuses de l’islam et l’intégrisme musulman, qui, lui, est une idéologie politique. Ce débat s’inscrit dans la même logique que l’affaire Rushdie.

Ce qui se dissimule derrière les paroles patelines des islamistes, qui feignent d’assimiler le port du foulard au respect dû aux femmes, c’est la volonté de maintenir celles-ci dans un état de subordination. Et c’est au nom de ce même « respect » qu’on demandera demain que soient séparés filles et garçons, que les filles soient dispensées enseignements qui offusqueraient leur pudeur, etc. Aussi, ce qui passe aux yeux d’un démocrate français pour un geste de compréhension à l’égard d’adolescentes en difficulté psychologique – une exigence de la loi du cœur, en somme – prend pour nous une signification tout autre. En acceptant, au nom de la tolérance, l’exhibition de signes qui se veulent religieux, on donne un argument irremplaçable à ceux qui, dans les pays musulmans, font obstacle à l’égalité entre les sexes et s’opposent à la démocratie. Si les Français valident une interprétation obscurantiste de la tradition religieuse, comment pourra-t-on défendre l’idéal laïque en pays musulman dès lors qu’il nous sera objecté qu’en France…

Notons que ceux-là même qui, ici, au nom de la liberté individuelle, demandent le droit au port du voile dans les écoles, exigent, ailleurs, que toutes les femmes musulmanes le portent et n’hésitent pas à recourir à la terreur contre celles qui s’y refuseraient.

Il faudrait une fois pour toutes que chacun se persuade que la communauté musulmane n’est pas une et indivisible mais qu’elle est traversée par de multiples courants. Chacun doit savoir qui il soutient : un islam ouvert à l’autre et qui accepte le pluralisme et les droits de l’homme ou un islam fermé qui cherche, en piégeant l’opinion publique, une légitimité qu’il retournera contre ses adversaires, qu’ils soient croyants ou qu’ils ne le soient pas.

Prenons garde que céder aux intégristes sur la question de l’école, c’est rendre plus difficile les résistances des filles musulmanes au chantage affectif de leurs parents et au prosélytisme de groupe, et les priver de ces appuis extérieurs qui leur permettraient une prise de distance sans drame ni rupture familiale.

Mais surtout, le souci légitime d’intégrer les musulmans dans la communauté française ne doit pas empêcher de comprendre le cynisme des islamistes. Ils se réfèrent aux valeurs démocratiques quand elles les servent et les nient radicalement partout où ils dominent.

Certes, on peut soutenir que l’interdiction du voile présente des inconvénients dans la mesure où elle permet aux islamistes de se présenter en victimes. Cela est vrai. Mais il ne faut pas oublier que satisfaire leurs exigences poserait à des États tels que la Turquie et la Tunisie des problèmes encore plus difficiles à résoudre.

Mohammed HARBI

2 réponses sur « Mohammed Harbi : Il est permis d’interdire »

En effet… Rien à ajouter. Mais je publierai ces prochains jours un second texte du même auteur sur ce sujet.

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