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G. Vataud : Contre l’O.A.S. certes. Mais aussi contre De Gaulle

Article de G. Vataud paru dans La Vérité des travailleurs, n° 122, janvier 1962, p. 1-2


Sommes-nous à la veille d’un nouveau putsch ? Telle est la question que se pose actuellement le mouvement ouvrier.

LE plastic contre des permanences et des militants ouvriers, le mitraillage du siège central du P.C.F., l’assassinat de Locussol, autant de faits qui obligent chaque militant à s’interroger sur la menace fasciste que fait peser l’O.A.S.

A Oran et à Alger, deux villes qui s’illustrent quotidiennement par les assassinats et les atroces « ratonnades » des colons, aucun doute ne semble permis, l’organisation des ultras de l’Algérie française domine le pavé face aux « autorités » gaullistes, et il est évident que les colons — enragés à l’idée de la victoire prochaine du peuple algérien — ne songent qu’à rejoindre ses rangs. Mais il ne s’agit que d’Oran et d’Alger et ce n’est pas seulement avec ces deux villes que l’O.A.S. peut risquer un troisième putsch.

En France même, ce qui a toujours manqué aux apprentis fascistes depuis la fin de la guerre lui fait toujours défaut : la base de masse. Donc l’O.A.S. en est réduite à s’appuyer sur ses complicités à l’intérieur de l’appareil d’État, dans la police et dans l’armée.

Cela n’est guère suffisant pour s’emparer du pouvoir et le conserver contre la coalition du mouvement ouvrier. Mais cela lui donne une puissance telle que sa pression sur le gaullisme peut entraîner un certain recul des négociations et aboutir à ce que le pouvoir s’oriente vers un soutien de la « partition ». Et si nous avons déjà dit que cette solution était utopique à long terme et qu’elle ne ferait que prolonger la guerre sous d’autres formes, il n’est pas exclu que de Gaulle sous la menace de l’O.A.S. et surtout sous la pression de son armée se tourne vers cette issue prolongeant ainsi l’équivoque qui lui a permis d’être l’homme du 13 mai.

La menace de l’O.A.S. apparaît donc clairement comme étant un courant fasciste, soutenu discrètement encore par des groupes capitalistes, qui dans l’ombre du pouvoir gaulliste se renforce constamment et tente de faire basculer entièrement dans son jeu tout l’appareil d’État.

Seulement, dans la lutte engagée, elle se heurte au fait que si le mouvement ouvrier a été atteint, frappé, par l’arrivée de de Gaulle au pouvoir, il n’a pas pour autant perdu toutes ses forces et ses possibilités de réaction ainsi qu’il a été démontré le 24 avril 1960 ne peuvent être négligées. Dans le dernier numéro de « La Vérité des Travailleurs » à la question : Comment vaincre l’O.A.S. ? nous répondions : groupes d’auto-défense, politique de front unique. Depuis lors, cette idée des groupes d’auto-défense a été reprise largement, et de nombreuses organisations, dont la S.F.I.O. (!), en ont discuté pour faire face à l’O.A.S. Ceci montre que le lit du fascisme n’est encore dressé.

Par contre, ce qui fait la faiblesse du mouvement ouvrier, sa division est loin d’être surmontée.

Voilà par où le fascisme peut s’introduire !

Se refusant à l’unité d’action avec le P.C.F., la S.F.I.O. s’en remet en fait au général de Gaulle et à son haut appareil militaire pour écraser l’O.A.S.

Or, il y a une leçon que chaque ouvrier doit méditer : c’est celle du 19 décembre :

A la manifestation contre l’O.A.S., la répression n’a pas été faite par des troupes fascistes mais bel et bien par la police gaulliste. En frappant ainsi sur les masses qui sortaient dans la rue, le pouvoir a très clairement déclaré qu’il ne tolérait pas une quelconque action autonome de la classe ouvrière.

La lutte contre l’O.A.S. est donc inséparable de la lutte contre de Gaulle. En les séparant, Guy Mollet entre dans le jeu du fascisme, tout comme il le fait en refusant le Front unique des organisations ouvrières.

Il n’est pas le seul. Thorez, sur un autre plan, ne fait pas mieux Lorsqu’il limite la lutte de son parti à la perspective de la « démocratie rénovée » il repousse l’énergie des masses qui, après avoir subi l’expérience de la IVe République ne veulent pas se battre contre la Ve pour un retour pur et simple sous une peinture fraîche au régime parlementaire bourgeois.

Il n’y a de perspectives réelles de lutte contre le fascisme que par un assaut constant des positions du capitalisme français et de son représentant de Gaulle en offrant aux masses un PROGRAMME DE REVENDICATIONS TRANSITOIRES conduisant non à la démocratie rénovée mais au socialisme…

Il n’y a de lutte réelle contre le fascisme qu’en créant une organisation commune aux partis ouvriers et aux syndicats de GROUPES D’AUTO-DEFENSE qui ne s’en remettront pas à de Gaulle pour écraser l’O.A.S. Dans la lutte contre l’O.A.S., le prolétariat français doit s’unir à la force fraternelle du F.L.N. qui vient de décider une lutte vigoureuse contre l’organisation fasciste.

Cette conclusion, nous demandons aux militants communistes de l’accepter et de l’imposer à Thorez telle que les communistes italiens nous la proposent dans « l’Unita » du 10-1-62 :

« … Une grand partie de la gauche française encore aujourd’hui n’accepte pas l’idée que pour combattre le gaullisme et le fascisme en France, soit nécessaire une alliance étroite et organique avec le F.L.N. De vieilles et absurdes raisons paternalistes demeure encore sur ce terrain, paralysant l’action anti-gaulliste en France, bien que le mouvement de libération algérien, combattant les armes au poing, ait démontré non seulement avoir un jeu parfaitement clair, mais se soit révélé dans les faits une des forces principales qui conduisent contre le fascisme en France un combat sans quartier. Telles sont fondamentalement les causes qui permettent à de Gaulle de « durer » et au fascisme français, en conséquence, de prospérer. »

G. VATAUD.

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