Article paru dans La Voix du peuple, février 1962, p. 1 et 4
En ce début de l’année 1962, le monde entier est plus que jamais convaincu du caractère inéluctable de l’indépendance algérienne. Les soucis de tous les gouvernements, conscients de leurs responsabilités internationales, concernent bien plutôt les moyens et méthodes d’obtenir rapidement le rétablissement de la paix en Algérie, que l’issue finale du conflit. Car personne ne doute plus de la volonté des Algériens de vivre libres et de reprendre leur place au sein des nations souveraines. En France même, l’immense majorité du peuple appelle de tous ses vœux la paix et l’ouverture d’une nouvelle ère de coopération entre les deux rives de la Méditerranée.
Une seule voix discordante dans ce concert raisonnable et quasi-unanime : celle d’un groupe de fanatiques rétrogrades, de fascistes et d’assassins, qui se parent du titre de « patriotes » et se cachent sous le sigle OAS. Ces gens, qui en 1962 veulent imposer une politique coloniale digne des plus beaux temps de l’impérialisme du siècle dernier, qui tentent misérablement de faire reculer la roue de l’Histoire, qui prétendent contraindre tout un peuple à continuer de vivre sous le joug et cherchent même à obliger par la force leurs propres compatriotes à les suivre dans le gouffre, ces gens, où veulent-ils en venir en vérité ? On peut se demander en effet s’ils croient eux-mêmes à leur slogan « Algérie française », objet de mémorables symphonies de casseroles. Leurs chefs seraient-ils à ce point atteint d’infantilisme – ou de sénilisme – politique ?
Pour notre part, nous doutons fortement de leur bonne foi. La France, l’Occident et même la Chrétienté – nous voici revenus au temps des croisades ! – ne sont là que de beaux prétextes, qui dissimulent une réalité bien plus matérielle. Le vrai but des excitations au meurtre, des provocations en tous genres auxquelles se livre l’O.A.S. c’est – et nous avons déjà attiré l’attention de nos lecteurs à ce sujet – de semer la haine entre les communautés algériennes, d’anéantir à l’avance toute possibilité d’entente, de créer un fossé de sang infranchissable. Car, au fond, certains n’ont pas abandonné l’idée du partage et ils essaient ainsi de la justifier. Les gros colons, ceux de l’Oranie en particulier, y voient leur dernier espoir de pouvoir continuer à « faire suer le burnous » en toute tranquillité ; et c’est d’ailleurs pourquoi ils figurent en bonne place parmi les commanditaires de l’OAS qui n’est que leur sanglant instrument.
Ces messieurs, qui ne sont préoccupés que de leurs gros sous, ne sont pas difficiles quant aux méthodes. Ils ont choisi des hommes de main qui se mettent à cent pour assassiner un passant musulman attardé, ce qui est considéré comme un « acte patriotique » et une grande victoire. Des aventuriers haineux montent de toutes pièces des provocations dont ils s’empressent de fuir les conséquences. On ne peut même pas leur reconnaître le moindre courage personnel car, finalement, ils sont sûrs de l’impunité.
De hautes complicités protègent en effet les assassins. Puis, ils s’évadent avec une facilité stupéfiante ; toutes les mesures qui pourraient leur nuire leur sont connues d’avance ; ils ont des armes en abondance car il leur suffit de puiser dans les magasins de l’armée française. Le gouvernement français proclame quotidiennement qu’il va « prendre les mesures appropriées », mais son action se limite à ces proclamations. Comment expliquer, dans le cas contraire, que tout l’appareil policier et répressif de l’Etat français – qui s’exerce si volontiers contre les nationalistes algériens – soit si lamentablement impuissant contre la clique qui constitue l’OAS ? En vérité, si le gouvernement français voulait réellement agir, il n’aurait sans doute pas à chercher très loin les responsables qui se cachent bien près de lui.
Quoiqu’il en soit, le peuple algérien pour sa part est loin de craindre l’OAS. Mais il en a assez de ces « ratonnades » et autres agressions et est fermement décidé à en finir au plus tôt. Salan et compagnie ne trouveront pas de complices qui puissent les protéger de la juste colère des Algériens. Pendant sept longues années, notre peuple a tenu tête à toute une armée et il ne s’effraie pas aujourd’hui de la poignée de tueurs qui veulent lui en imposer. Car il ne s’agit là que d’un petit nombre, qu’il convient de ne pas confondre avec la communauté européenne toute entière où règne surtout la peur. Bien que certaines calomnies aient tenté d’accréditer l’idée contraire, le Mouvement National Algérien, défenseur du peuple, a pris sa place dans ce combat pour faire œuvre de justice. Il affirme clairement que les assassins n’échapperont pas à leur châtiment.
Toutefois, ceux qui ont le plus à perdre des activités de l’OAS sont avant tout les membres de la communauté européenne. Ne voient-ils donc pas que chaque meurtre amoindrit les chances qui leur sont réservées dans l’avenir ? Attendront-ils que tout soit perdu pour réagir et chasser de leur sein les brebis galeuses qui, par la menace, veulent leur faire endosser les pires infamies ? Comment pourraient-ils avoir foi en les affirmations hypocrites ou insensées des provocateurs ? L’Algérie « française » est morte et notre territoire national ne sera pas partagé. Ce sont là des évidences, des réalités que le peuple algérien saura faire respecter. Jouer sur un autre tableau, c’est jouer perdant !
Dans notre Algérie future, la communauté européenne à sa place ; le MNA l’a maintes fois affirmé. Mais cette place, il convient que les Européens d’Algérie la préservent eux-mêmes. Qu’ils ne souffrent donc pas qu’une clique de meurtriers et de gros colons – dont la retraite est d’ores et déjà assurée – hypothèquent si sombrement leur avenir ! Et c’est ce à quoi le Mouvement National Algérien les convie en les appelant à joindre leurs efforts aux siens et à ceux des Musulmans pour neutraliser et anéantir l’Organisation des Assassins de Salan.