Article paru dans El-Oumami, n° 24, avril 1982, p. 13
La situation des jeunes dans les quartiers ouvriers de Roubaix, dont beaucoup font partie de la « 2e génération » d’immigrés, s’aggrave continuellement.
Qu’ils aient pris la nationalité française ou gardé celle de leurs parents, ces jeunes connaissent une situation matérielle terrible et sont pris dans l’engrenage école-chômage-répression. A Roubaix et dans les communes aux alentours toutes les municipalités sont socialistes et leur politique est bien connue : mépris et répression. Des centres sociaux misérables, souvent fermés aux heures où les jeunes sortent et qui n’ont de toute façon rien à proposer aux adolescents, l’absence complète de distraction et de lieu de rencontre autre que la rue… Lorsque la révolte gronde, on lâche alors quelques éducateurs pour la « prévention » c’est-à-dire pour contrôler les jeunes et leur prêcher la soumission.
Par contre dès qu’une activité échappe au contrôle on s’acharne à la
rendre difficile (l’affaire de l’école de la Limace Bleue, où le maire de Roubaix fait tout pour empêcher la présence de quelques jeunes immigrés dans l’école en est un exemple).
Mais le problème le plus brûlant est celui de la présence policière dans les quartiers qui s’est considérablement accentuée ces derniers mois (campagne de presse sur l’insécurité, les vols de voiture…). Certains quartiers sont aujourd’hui occupés par les CRS (appelés comme dans les Hauts Champs à Hem par le maire lui-même). Les brimades et les tabassages sont quotidiens : contrôles répétés de papiers, injures racistes. Les flics ont même tiré sur une voiture et passé à tabac une personne âgée : la terreur n’est pas seulement dirigée contre les jeunes. Au commissariat les interrogatoires musclés sont monnaie courante ; un jeune a dû être hospitalisé après s’être jeté de la fenêtre du premier étage pour échapper aux coups.
Ces persécutions policières ont déjà provoqué quelques réactions spontanées (un car de flics a brûlé…) mais il est difficile de dépasser la réaction individuelle pour parvenir à s’organiser. De plus, les faits sont la plupart du temps cachés par la presse (qui reprend toujours la version des flics) et la plupart des organisations ne s’aventurent pas sur le terrain et font silence.
L’isolement des quartiers est donc très fort. Un travail de dénonciation est donc indispensable, mais il ne sera efficace que si on travaille en même temps à organiser un minimum de défense face aux exactions des flics.
Des affrontements ne manqueront pas de se produire dans les cités, mais pour constituer une force capable de résister durablement il faut travailler à développer les liens entre les groupes de jeunes des différents quartiers.