Editorial de Michieslazc Kokozcynski alias Michel Rouzé paru dans Alger Républicain, 8 mai 1947

IL y a deux ans, tandis que les troupes soviétiques achevaient de nettoyer les ruines de Berlin, les derniers chefs de l’armée allemande déposaient les armes. L’effort des peuples libres avait triomphé du monstrueux rêve hitlérien.
Cependant les forces mauvaises dont le fascisme germanique n’avait été que l’expression la plus atroce n’avaient pas encore disparu de notre route. L’Algérie eut le cruel privilège d’être la première à l’apprendre. Une monstrueuse provocation – dont on s’est refusé à rechercher les origines – fit que cette journée qui devait être une fête s’acheva en un deuil sanglant.
Des victimes qui tombèrent, aucune, certes, ne portait de responsabilité dans cette tragédie du colonialisme. Ni les malheureux gardes forestiers, ni un démocrate comme Deluca, président de la délégation spéciale de Sétif, ni le secrétaire de section communiste, Albert Denier, qui survécut, les deux poignets tranchés. Ni les milliers de paysans kabyles qu’une répression épouvantable décima pendant plusieurs semaines.
Mais tandis que la censure interdisait aux Algériens de savoir la vérité, tandis que les colonnes militaires et les milices civiles répandaient l’incendie, le pillage, le viol et le massacre dans les douars du Constantinois, la presse vichyste eut toute liberté pour développer la panique raciale et les Délégations financières découvrirent le jeu de la grande colonisation en réclamant la suppression de toutes les libertés démocratiques en Algérie.
La résistance opposée par les démocrates clairvoyants – à qui ALGER REPUBLICAIN donna un appui précieux dès le premier jour – empêcha les féodaux d’atteindre leurs objectifs politiques. Peu à peu, la vérité se fit jour.
C’est par la provocation raciale, c’est en dressant les uns contre les autres les divers éléments du peuple algérien que la réaction colonialiste veut perpétuer sa domination. C’est en resserrant leur union que les démocrates algériens, musulmans et européens, tiendront en échec leur ennemi commun.
La vigilance est aujourd’hui plus nécessaire que jamais. De toute part, des informations nous parviennent qui prouvent que nos adversaires n’ont pas renoncé à leur vieille technique de provocation. Dans le remaniement gouvernemental qui vient de se faire à Paris, ils cherchent un motif d’encouragement.
Au sein des armées victorieuses en Europe le 8 mai 1945, les combattants musulmans et européens venus d’Algérie étaient fraternellement confondus. C’est une lutte commune qui leur permettra, de même, d’établir une vraie démocratie dans leur pays.
Michel ROUZE.
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