Article d’Abdelkader Hadj Ali alias Ali Baba paru dans Le Paria, troisième année, n° 28, août 1924, p. 2

Vraiment, la bourgeoisie indigène d’Algérie est exécrable. La candidature coloniale présentée par le Parti Communiste et le succès obtenu par notre camarade Hadj Ali a ouvert démesurément les appétits de « l’élite » algérienne. Déjà tous les lèche-culs du colonialisme, tous les traîtres, tous ceux qui, en 1921, avaient accompli cette besogne infâme : la prorogation de l’indigénat, espèrent une ère nouvelle d’accaparement de sièges et des postes de trahison.
Le geste fait par le Parti a eu sa répercussion à travers le monde d’esclaves coloniaux, et les voix de revendications, longtemps étouffées, ont commencé à gronder. Certes, nous demandons cette représentation des indigènes et appuierons tout mouvement mené par les masses quand cette réforme sera pour les masses ; mais nous ne tolérerons pas qu’elle soit caricaturale et devienne une source de corruption et de trahison au profit d’une clique de vendus indigènes. Il faut que les élections soient générales : le khammes comme le portefaix doivent y participer. Et qu’on ne vienne pas objecter imbécilement que, seuls, les décorés, les patentés et d’autres privilégiés sont capables de « bien » voter ; les travailleurs indigènes sont assez conscients de leurs intérêts pour discerner ceux qui les défendent sincèrement. Dans les deux conférences données par l’Emir Khaled, à Paris, nous avons pu constater leur réveil à la lutte de classe, leur colère contre l’administration despotique et leur résolution de s’organiser pour se libérer du joug qui les écrase.
Les prolétaires accourus à l’appel de l’Union Intercoloniale et du Comité franco-musulman ont acclamé avec enthousiasme les communistes. Le gouvernement général de l’Algérie a été si épouvanté qu’il a dépêché son larbin Mirante et sa bande de lèche-bottes et de flicaille indigènes. Tout l’appareil fut mis en branle. La presse pourrie mena sa campagne d’injures contre Khaled. On vit jusqu’au Libertaire s’associer aux gens de l’Action Française pour souiller un homme qui présentait de modestes réformes : représentation des Indigènes au Parlement, suppression de l’indigénat, liberté d’association pour les ouvriers, liberté de presse, etc. Avec eux se sont ligués tous les arrivistes, tous ceux qui ne s’étaient mis à la suite de Khaled que pour satisfaire leurs appétits électoraux. Aussi, avec quelle joie l’Echo d’Alger, tout heureux de trouver un renégat pour appuyer sa campagne anti-arabe, publie-t-il la lettre d’un certain Brizène Mohammed et pose-t-il hypocritement cette question de savoir si l’Humanité aurait « l’impartialité » de la publier.
Jésuites ! L’Humanité n’a pas de place pour ignorer toutes les ignominies cuisinées dans les officines du Gouvernement Général. Notre Parti est un parti de classe ; il ne comprend pas cette « impartialité bourgeoise » qui rythme avec « démocratie » en régime bourgeois.
Nous soutiendrons tous ceux qui, énergiquement, auront pris la défense de leurs frères et nous les rejetterons dès que leur action sera néfaste. Chez nous, l’individu est une quantité d’une valeur relative. Au-dessus de lui, nous plaçons l’intérêt des masses.
Que cette clique se désillusionne ; le Parti Communiste n’est pas un refuge pour les carriéristes. Nos élus sont des militants éprouvés ; ils remettent jusqu’à leur indemnité parlementaire à leur Parti et ne sont que de simples propagandistes, de simples ouvriers de la Révolution.
Si nous nous sommes résignés à entrer dans un Parlement bourgeois, nous y entrons le mouchoir sur le nez, afin de dévoiler au prolétariat les basses cuisines qu’on y fait et de crier à la face de la Bourgeoisie les crimes dont elle est coupable.
Le suffrage universel, comme le parlementarisme en régime bourgeois sont une duperie pour la classe ouvrière. Les dernières élections des Antilles, de l’Inde, en sont la preuve flagrante. Il est, pour nous et pour la grande majorité des indigènes, une réforme plus urgente : c’est l’abolition de l’indigénat.
Le Parti Communiste combattra cette ignoble iniquité avec vigueur. Que les coloniaux s’organisent pour soutenir notre action ; qu’ils rejettent leurs mauvais bergers, tous ceux qui sont alliés au colonialisme, et qu’ils se pénètrent de cette vérité : l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes.
ALI BABA.
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