Article d’Abdelaziz Menouer alias El Djazaïri paru dans Le Paria, n° 31, novembre-décembre 1924, p. 2

La grande presse prostituée a mené une campagne d’injures contre les ouvriers algériens qui travaillent en France.
C’était un prologue pour justifier les terribles mesures qu’on allait appliquer contre eux. Ces « sidis », au contact de leurs frères européens, et plus exploités que ces derniers, commencent à revendiquer leurs droits, se réveillent à la lutte de classe et se groupent dans les organisations révolutionnaires.
Alors, l’abject gouvernement du radical Herriot, « pour protéger les indigènes de l’immoralité » (sic), applique des mesures d’exceptions afin de livrer à la merci des gros industriels les ouvriers nord-africains. Car il en faut de cette main-d’œuvre avilie pour renflouer l’économie nationale que la guerre impérialiste a fait sombrer.
Dans tous les coins de l’Europe et des colonies, les racoleurs du capitalisme français recrutent des travailleurs pour un morceau de pain et, par une propagande criminelle, dressent contre eux le prolétariat français pour mieux profiter des forces ouvrières inorganisées.
Les soi-disant « indésirables » italiens, tchéco-slovaques, espagnols, etc., sont souvent embauchés par le Ministère du Travail ; certains contrats, comme celui de la maison Japy, dénoncé par l’Humanité, offraient des salaires si dérisoires que le Gouvernement italien, lui-même, a dû parfois s’opposer à l’émigration de ses nationaux pour ne pas supporter les frais de leur rapatriement.
Aujourd’hui, les Algériens, qui ne sont ni des citoyens d’une nation indépendante, ni des citoyens français, sont implacablement écrasés. La loi sur l’émigration (avec ses certificats de médecin, contrat de travail, etc …) les empêche de se rendre en France sur leur propre initiative ; tandis que des négriers franco-indigènes, avec la complicité du Ministère du Travail, peuvent vendre à Citroën, à Say, à Schneider et consorts, le matériel humain sans rencontrer aucun obstacle administratif et en s’autorisant d’une prétendue visite médicale.
Pris à la gorge, les travailleurs algériens signeront des contrats de travail pour des salaires de famine. C’est l’esclavage libre dans sa forme la plus aiguë.
Des bourgeois indigènes servent de courtiers !
Un vœu, déposé par le traditionnel Dr Benlami et des maquignons : Lakhdar Zarrouk Mahieddine, Chekiken, Si Salah Hamida, Smaël Saïd, Ameur Tahar demande au ministère de l’Intérieur, afin de « protéger » les Algériens, de vouloir bien étudier la création d’offices ou de foyers comme ceux créés pendant la guerre (et ils étaient fameux, ceux-là !) et de placer ces organismes sous l’autorité du Ministre du Travail ! Quel cynisme ! Au lieu d’organiser leurs frères pour la lutte, protester, comme le firent énergiquement les notables de Tizi-Ouzou, ils instaurent des comptoirs d’esclaves, sous le contrôle du Ministre du Travail ! : ce gérant officiel de l’Etat capitaliste (en matière à esclavage), ce larbin de la grosse industrie !
Hypocritement, celle escouade d’élus indigènes jettent des cris d’indignation, tout en exhortant leurs frères à la veulerie, et ils osent se présenter en Musulmans ! Jésuites ! Jean Melia, aussi, est un parfait musulman ; tout, dans les articles qu’il étale dans ce torchon de l’Ettakadoum, le démontre. Nous savons que, depuis que les peuples islamiques secouent le joug des impérialistes européens, tous les négriers des capitalismes anglais et français flirtent avec l’Islam. Mais, qu’ils se ravisent ! De par le monde, les masses musulmanes se réveillent, aucune propagande idéologique ne pourra les toucher, si elle n’exprime pas leurs revendications et ne leur apporte pas un soulagement réel et matériel. Et s’ils affluent au communisme, c’est que celui-ci a pris véritablement la défense de tous les opprimés.
Déjà, en France, le Parti Communiste organise les travailleurs nord-africains, non seulement politiquement, mais économiquement. Il les soutient dans leur lutte contre le capital. Partout, les indigènes adhèrent aux syndicats unitaires et montrent par là leur conscience de classe.
Ces indigènes se sont rangés au côté de leurs camarades français dans les grèves du Gaz, de Citroën, des laveurs de taxis, des mines de Saint-Etienne, du Nord, etc …
Les résultats sont si éloquents que le P. C., en accord avec la C. G. T. U., a organisé pour eux le Congrès du 7 décembre dernier. Les délégués ouvriers nord-africains de la région parisienne ont apporté leurs suggestions sur les directives de lutte contre les lois iniques et contre l’exploitation dont ils souffrent.
Unis aux prolétaires français, ils ont établi leur programme de revendications économiques et politiques et ont jeté les premières bases de l’action concrète à mener pour l’obtention des droits qu’on leur refuse.
Et ils ont su se passer de leur « élite », cette clique d’arrivistes, de politiciens indigènes tarés qui ne sont que de plats valets de l’impérialisme français et des négriers de leurs frères de race.
EL DJAZAIRI.

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