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Paul Bénichou : Révolution et pseudo-révolution. Propos sur des fabricants de vieux neuf

Article de Paul Bénichou paru dans Masses, n° 19, juillet 1934, p. 2-4

Des jeunes gens ont brûlé une effigie de Frot, ministre de l’Intérieur nommé par le nouveau président du Conseil Daladier en remplacement de Chiappe et qui est à l’origine de l’émeute, à Paris, France en février 1934. (Photo by KEYSTONE-FRANCE/Gamma-Rapho via Getty Images)

Il y aurait toute une étude à faire sur l’apparition des idées et des lieux communs pseudo-révolutionnaires du fascisme dans les milieux de la gauche bourgeoise en France. Nous voulons simplement faire à ce sujet quelques remarques qui s’imposent aujourd’hui. Le sujet que nous évoquons devrait commencer au point où la vieille gauche française, en présence des difficultés du capitalisme d’après-guerre, a cessé d’avoir, autrement qu’en paroles, une politique propre. L’incapacité des partis de la démocratie bourgeoise, menés en laisse par la réaction, n’a pu manquer de discréditer leur idéologie, qui est apparue de plus en plus caduque, désuète et ridicule à mesure que ses représentants se montraient plus impuissants. Depuis la guerre, le radical-socialiste de province, anticlérical farouche et démocrate impénitent, est devenu, dans les milieux intellectuels de toutes nuances, un sujet habituel de dérision. C’est là une chose bien connue. Ce qui est plus curieux, c’est qu’en même temps le radicalisme, de plus en plus décrépit et domestiqué, célébrait sans cesse son « rajeunissement » et sous les étiquettes du réalisme et de la nouveauté, élevait ses abdications à la hauteur d’une doctrine.