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J’y suis j’y reste

Article paru dans Courant alternatif, n° 59, octobre 1986, p. 5-12


La nouvelle loi relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France a été définitivement adoptée le 7 août 86 par l’Assemblée nationale. Le Conseil constitutionnel, dernier recours, l’a entérinée le 3 septembre avec seulement deux modifications extrêmement mineures.

Cette loi fait partie de tout un arsenal répressif (contrôle d’identité généralisé, lutte contre la criminalité, la délinquance et le terrorisme, augmentation de la durée des incarcérations…) que la droite a voulu d’entrée de jeu mettre sur la table.

Mais cette loi, et c’est actuellement la seule, a suscité d’emblée, à la veille des vacances, des réactions qui ont eu un écho important : grève de la faim des Jeunes arabes de Lyon et de banlieues (J.A.L.B.) et création de comités « J’y suis, j’y reste » qui devraient faire parler d’eux cet automne.


JEU DE LOIS

Les dispositions de cette loi modifient une fois de plus l’ordonnance du 2 novembre 1945 sur 4 points : les conditions d’entrée en France, l’octroi de la carte de résident, la reconduite à la frontière et l’expulsion. Elle abroge la plupart des quelques dispositions favorables que la loi du 29 octobre 1981 avait introduite dans l’ordonnance de 45 et restreint la portée protectrice de la loi du 17 juillet 84 instaurant la carte de résident de 10 ans.

Sont, en revanche, conservées et parfois aggravées toutes les dispositions répressives, sauf une, que la gauche n’avait pas abrogée. En effet, cette loi a un et un seul point positif pour l’immigration : elle régularise, sans conditions, les mineurs que le décret du 7 décembre 84 avait écartés. S’ils étaient entrés en France après l’âge de 10 ans et s’ils n’avaient pas fait l’objet d’une procédure de regroupement familial, l’administration leur refusait à 16 ans un titre de séjour et prétendait les faire retourner dans leur pays d’origine afin d’accomplir l’ensemble de la procédure. Malgré les protestations des associations de défense des immigrés, le PS au pouvoir avait toujours refusé de modifier sa position. Avec la droite, ils pourront recevoir de plein droit un titre de séjour de même nature que celui de leur père ou mère autorisé à séjourner en France.

L’ENTRÉE EN FRANCE

A la liste déjà impressionnante des documents exigibles de l’étranger qui veut rentrer en France, est ajouté un document supplémentaire, relatif à ses moyens d’existence.

Jusqu’ici, c’est seulement lorsque l’étranger demandait un titre de séjour (autrement dit lorsqu’il comptait séjourner en France plus de 3 mois) qu’on exigeait de lui qu’il dispose de moyens d’existence suffisants.

Le refus d’entrée continue à devoir faire l’objet d’une décision écrite motivée, mais l’efficacité de cette garantie est quasiment réduite à néant dans la mesure où le refus d’entrée est immédiatement exécutoire sauf dans l’hypothèse (évidemment exceptionnelle) où l’autorité consulaire demande un sursis à exécution de 24 h.

On supprime donc la garantie qui résultait de ce que l’étranger ne pouvait être rapatrié contre son gré avant l’expiration d’un délai d’un jour franc, ce qui lui laissait le temps d’avertir ses proches ou un avocat (il continue formellement à pouvoir le faire… sur le papier).

L’accès du territoire est toujours refusé à tout étranger dont la présence constituerait une menace pour l’ordre public. Mais, par un arrêté en date du 30 juillet 86, l’absence de vaccination antivariolique et les notions de « tare grave » et « d’affection de longue durée » ne sont plus avancées pour s’opposer au séjour d’un étranger. En revanche, la toxicomanie, « maladie compromettant l’ordre public ou la sécurité publique » devient un motif de refus d’entrée sur le territoire français.

L’ATTRIBUTION DE LA CARTE DE RESIDENT

La loi du 17 juillet 84 instaurait la carte de résident (valable 10 ans, renouvelable automatiquement, et conférant le droit d’exercer toute profession). Elle avait d’ailleurs été adoptée à l’Assemblée nationale à l’unanimité. Mais la sécurité qu’elle procurait est amoindrie :

Même dans les hypothèses où la carte de résident est normalement délivrée de plein droit (voir ci-dessous), elle peut être refusée si « la présence de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public ».

Que recouvre la notion de menace pour l’ordre public ? Sont d’ores et déjà dans le collimateur : les toxicos et les délinquants. Quant aux faits de grève sauvage, participation à une manif interdite, et ce ne sont que des exemples…, tout dépendra très certainement de la situation sociale et politique. En fait, comme nous le verrons plus loin, si l’étranger constitue une menace pour l’ordre public, il sera expulsé à moins qu’il ne soit mineur, auquel cas il suffira à l’administration d’attendre qu’il ait atteint l’âge de 18 ans pour procéder légalement à l’expulsion.

La loi limite par ailleurs les catégories d’étrangers auxquelles, sauf dans l’hypothèse précédemment examinée, la carte de résident ne peut être refusée. Continuent à obtenir cette carte de plein droit : les enfants étrangers ou les ascendants étrangers de ressortissants français, les réfugiés politiques et apatrides (ces derniers, s’ils justifient de 3 ans de résidence en France), les titulaires d’une rente d’accident de travail ayant un taux d’incapacité permanente égal ou supérieur à 20 %, les conjoints et enfants mineurs d’un étranger titulaire lui-même d’une carte de résident lorsqu’ils ont été admis à séjourner en France au titre du regroupement familial. La loi ajoute même au texte antérieur une nouvelle catégorie d’étrangers qui peuvent obtenir la carte de résident : tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, ont servi dans l’armée française !

Le Front national n’a pas désavoué sur ce point le texte de loi…

Par contre, pour les conjoints de ressortissants français, il faudra être marié depuis au moins un an à la condition que la communauté de vie des 2 époux soit effective.

Bonjour le contrôle social ! Haro sur le mariage blanc !

De plus, les parents d’enfants français n’obtiennent de plein droit la carte de résident que s’ils exercent sur eux, même partiellement, l’autorité parentale.

Cela signifie que le père d’en enfant naturel, sauf s’il a obtenu du tribunal de grande instance, conjointement avec la mère, l’exercice de l’autorité parentale, mais aussi le père ou la mère divorcée qui n’a pas obtenu la garde de l’enfant, n’auront plus aucun droit à obtenir la carte de résident. De plus, les parents d’enfants majeurs n’auront plus droit non plus à la carte de résident puisque par définition ils n’exercent plus sur eux l’autorité parentale (sauf, bien sûr, s’ils l’ont obtenue alors que l’enfant était encore mineur).

S’il suffit désormais, pour obtenir la carte de résident, de résider en France depuis 10 ans et non plus 15 – ce qui constitue apparemment un progrès – c’est à 2 conditions qui aboutiront nécessairement à une régression :

– le nouveau texte parle d’une résidence habituelle en France en situation régulière (seront donc exclus par mal de clandestins régularisés en 81-82)

– le droit à la carte de résident se perd en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement de 6 mois sans sursis, ou 1 an avec sursis, ou à plusieurs peines dont le total est égal à ces durées.

Les étrangers entrés en France avant l’âge de 10 ans ont obtenu, in extremis, (grâce au Sénat), le maintien du droit d’obtenir la carte de résident.

LA RECONDUITE A LA FRONTIÈRE

L’entrée et le séjour irréguliers continuent, bien sûr, à être des délits punissables d’un emprisonnement de 1 mois à 1 an (sans changement) et d’une amende de 2000 à 20 000 F (au lieu de 180 à 8000 F). Dans le cas où l’étranger est déféré devant un tribunal correctionnel pour ce motif. le tribunal se borne à prononcer la peine d’amende et d’emprisonnement. Il n’a plus à prononcer la reconduite à la frontière car celle-ci est automatique à l’expiration de la peine (sauf si l’étranger « établit qu’il ne peut regagner son pays d’origine, ni se rendre dans aucun autre pays » ???). Le tribunal peut toutefois prononcer en outre l’interdiction d’entrée pour une durée allant jusqu’à 3 ans.

Mais les préfets se voient reconnaître compétence pour prendre eux-mêmes les décisions de reconduite à la frontière. C’est donc une décision purement administrative.

Les seules garanties de procédure, bien maigres, consistent d’une part en ce que l’étranger, dès notification de l’arrêté, est « immédiatement mis en demeure d’avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix », d’autre part « l’étranger qui a fait l’objet d’une mesure administrative de reconduite à la frontière et qui défère cet acte au tribunal administratif peut assortir son recours d’une demande de sursis à exécution ».

Une des principales innovations de la loi du 29 octobre 81 avait été de confier aux autorités judiciaires, et non plus à l’administration, le soin de décider de l’éventuelle reconduite à la frontière d’un étranger en situation irrégulière. Avec cette loi de 86, nous revenons donc à la situation antérieure à 81. Mais, comme nous le verrons plus loin, il faut aujourd’hui faire un bilan de cette innovation de gauche pour laquelle la JALB se sont battus pendant leur grève de la faim et qui est la pièce maîtresse du discours contestataire actuel des démocrates.

L’EXPULSION

L’expulsion était subordonnée à une « menace grave » pour l’ordre public. Une simple menace suffit désormais.

La garantie de procédure sont amoindries. L’avis de la commission d’expulsion s’imposait au ministre lorsque cet avis était défavorable à l’expulsion ; il redevient purement consultatif. L’étranger devait être convoqué au moins 15 jours avant la réunion de la commission d’expulsion, le délai n’est plus que de 8 jours. Dans les départements d’outremer les arrêtés d’expulsion seront pris par les préfets.

L’infraction à un arrêté d’expulsion reste un délit, puni de 6 mois à 3 ans d’emprisonnement, à l’expiration desquels l’étranger est reconduit à la frontière (sans changement par rapport à la loi de 81). Mais d’une part la tentative est punie des mêmes peines, d’autre part le tribunal pourra prononcer en outre l’interdiction du territoire pour une durée pouvant aller jusqu’à 10 ans !

Pour les catégories d’étrangers non expulsables, on retrouve les mêmes restrictions que pour les étrangers auxquels la carte de résident ne peut être refusée.

Par contre, si le mineur de 18 ans reste protégé contre l’expulsion, c’est avec une réserve. La loi dispose en effet que le mineur de 18 ans ne peut être expulsé sauf si les personnes qui subviennent à ses besoins sont elles-mêmes expulsées et si personne d’autre n’est susceptible, en France, de subvenir à ses besoins. Le Sénat a fait adopter l’ajout suivant : « Pour l’étranger mineur de 16 ans, l’avis de la commission départementale d’expulsion doit être conforme ».

Autrement dit, si ses parents sont expulsés, le mineur sera automatiquement expulsé… sauf pour quelques cas particuliers.

Sont toujours considérés comme non expulsables :

– l’étranger entré en France avant l’âge de 10 ans

– l’étranger qui justifie par tous les moyens avoir sa résidence habituelle en France depuis plus de 10 ans (et là, c’est un progrès par rapport aux 15 ans de la loi de 81) et qui n’a pas été condamné à une peine au moins égale à 6 mois fermes ou 1 an avec sursis ou à plusieurs peines au moins égales, au total, à ces mêmes durées (recul par rapport au 1 an ferme de la loi de 81).

Le texte adopté en 81 s’était bien gardé d’abroger la procédure d’expulsion dérogatoire, en cas d’urgence absolue et de nécessité impérieuse pour la sûreté de l’Etat ou la sécurité publique. Dans ce cas, toutes les garanties disparaissaient, tant en ce qui concerne les garanties de procédure que les personnes non expulsables (sauf les mineurs de 18 ans). Le texte adopté en 86 maintient bien sûr cet article de loi en en modifiant son libellé. L’urgence absolue sera désormais utilisée « lorsque la présence de l’étranger constitue pour l’ordre public une menace présentant un caractère de particulière gravité ».

Cet article de loi a, depuis 1945, permis à l’administration d’expulser qui elle voulait! C’est ainsi que c’est grâce à cette procédure que des Basques, réfugiés en situation régulière, sont actuellement expulsés vers l’Espagne ! Comme on ne connaît pas la différence entre la « menace grave» et « la menace d’une particulière gravité », l’administration continuera de plus belle à appliquer le régime dérogatoire d’urgence absolue à chaque fois qu’elle souhaitera expulser n’importe quel étranger (c’est-à-dire quelle que soit sa situation).

LE DROIT EST UNE CHOSE… LA RÉALITÉ, UNE AUTRE

Au niveau du droit, il y a effectivement recul moins important tout de même que le laissait présager le projet de loi… Reste maintenant à attendre les décrets d’application, les diverses circulaires et surtout les pratiques de l’administration.

Le droit est une chose… L’arrivée de la gauche qui avait amené aux étrangers quelques mesures positives sur le papier a vite débouché sur des désillusions sur le terrain.

LE RECOURS JUDICIAIRE

Dès que le projet de loi a été adopté par le gouvernement (11 juin 86), la Ligue des droits de l’homme, les organisations de soutien aux immigrés, rapidement rejoints par toutes les organisations humanitaires, syndicales et politiques de gauche ont publié des appels à la mobilisation générale. Tous ces appels mettent l’accent sur la suppression de toute garantie judiciaire. Il est peut-être temps de faire un bilan de ces garanties judiciaires instaurées par la gauche en 81.

Ainsi, la chancellerie, par des circulaires datées du 19 janvier 82 et du 15 novembre 82, demandait clairement aux parquets de requérir automatiquement la reconduite aux frontières, elle conseillait même aux parquets de faire immédiatement appel au cas où un magistrat n’ordonnerait pas l’expulsion !

En juin 83, le Syndicat de la magistrature conclut :

« L’idée initiale que l’expulsion des étrangers devrait être confiée à l’autorité judiciaire offrant à ceux-ci des garanties plus importantes que l’administration au niveau du respect des droits individuels s’efface devant les impératifs économiques et politiques ; l’institution judiciaire à qui a été confiée le contrôle des flux migratoires doit prendre en considération ces circonstances et ne faire preuve d’aucune faiblesse.

L’incarcération des contrevenants, l’exécution forcée de reconduite à la frontière, la détention prolongée le temps nécessaire à l’administration pour organiser le départ des intéressés, l’interdiction d’un recours exercé valablement sont donc devenus la règle et la pratique quotidienne des parquets et des juridictions.

On peut, dès lors, se demander en quoi la procédure judiciaire est plus protectrice des libertés individuelles que celle mise en œuvre antérieurement par l’administration ».

L’évolution des reconduites à la frontière prononcées par la justice est significative :

1982 : 2861
1983 : 7384
1984 : 8482

Fabius s’était d’ailleurs félicité de ces chiffres obtenus par la gauche dans un débat télévisé avec Chirac !

Mais 64 à 65 % de ces reconduits à la frontière ont été effectivement exécutées (ce qui donne tout de même pendant la législature de gauche plus de 20 000 reconduites à la frontière exécutées, sans compter les 217 000 refus d’entrée ; ce dont s’est encore félicité le député PS G. Collomb à la tribune du Parlement en juillet dernier). Pour la droite, ce pourcentage est trop faible et c’est seulement pour des raisons d’efficacité et de rapidité qu’elle a tenu à revenir aux dispositions antérieures : la police exécutera immédiatement les reconduites à la frontière prononcées par l’autorité administrative.

Il est donc complètement démagogique ou malhonnête de se battre pour un retour aux soi-disantes garanties judiciaires. C’est ainsi que la CIMADE (d’obédience protestante) préfère mettre l’accent sur les recours suspensifs.

LES COUPS FOURRES DES PRÉFECTURES

La loi du 17 juillet 84 était une avancée quant à l’attribution de la carte de résident, valable .10 ans, attribuée de plein droit à une majorité d’étrangers. Or, dans la pratique, il n’a pas été rare devoir certains étrangers attendre 8 à 10 mois avant de recevoir cette fameuse carte indispensable pour trouver un emploi (déclaré !) à laquelle ils avaient droit. Ces lenteurs administratives doublées de tracasseries bureaucratiques ne sont évidemment pas neutres. Certains étrangers ont même été traduits en justice et condamnés à la reconduite à la frontière alors qu’ils devaient bénéficier de plein droit à la carte de résident… Les permanences des ASTI (Association de soutien aux travailleurs immigrés) n’ont pas désempli. Etait-ce des coups montés par des bureaucrates de droite qui sabotaient ainsi le PS au pouvoir ? Globalement, on ne peut que réfuter cet argument quand on sait que les ministères chargés de l’application des textes de loi, pourtant constamment alertés, n’ont jamais pris les mesures nécessaires pour éviter les dérives administratives et ne pas les encourager.

Il va dans dire qu’avec le retour de la droite aux affaires, les coups fourrés des préfectures ont continué de plus belle.

Mais revenons-en aux mesures, dites positives, prises par la gauche pendant sa législature. Il ne faudrait tout de même pas oublier qu’elles furent largement contrebalancées par un certain nombre de décisions (barrage au regroupement familial ; construction de centres de rétention ; introduction dans la loi de la notion de récidive afin de pouvoir expulser des « délinquants d’habitude » ; légalisation des contrôles d’identité avec ses conséquences : les rafles ; renforcement du contrôle de la circulation transfrontalière, etc.)

Par cette nouvelle loi, la droite achève donc le travail de la gauche; il y a continuité.

UN BEAU CONSENSUS

Dans l’exposé des motifs de cette nouvelle loi, l’axe central est bien entendu la lutte contre l’immigration clandestine.

Depuis plus de 10 ans, l’Etat veut maîtriser les flux migratoires et il reconnaît qu’il n’y arrive pas : « L’action menée depuis 1974, à la suite de la décision de suspension de l’introduction de nouveaux travailleurs étrangers pour parvenir à une meilleure maîtrise des flux migratoires, n’a donné que des résultats limités » (1). L’Etat explique ce phénomène par « le maintien de régimes conventionnels de libre circulation avec certains Etats africains, source d’une immigration importante, à l’obligation constitutionnelle d’assurer aux étrangers régulièrement autorisés à résider en France l’exercice du droit au regroupement familial et au souci d’assurer pour des raisons de politique culturelle, un régime libéral d’admission des étudiants étrangers » (2)… mais il y a des détournements de procédure ou même des fraudes auxquels l’Etat veut mettre un terme ! … d’où les nouvelles modifications de la loi de 45.

Sur ces motivations, il faut bien avoir toujours en mémoire que la droite et la gauche sont unanimes. il est utile de rappeler dans une période où le PS tente d’engranger les contestataires de cette nouvelle loi que Mitterrand lui-même déclara à l’issue d’un conseil des ministres d’août 83 : « Il faut renvoyer les immigrés clandestins chez eux… à leur égard, on appliquera toutes les rigueurs de la loi de manière implacable et avec sévérité ».

Avec cette nouvelle loi de 86, seules les rigueurs évoluent mais le fond n’a pas changé.

GEORGINA DUFOIX PRISE AU PIÈGE

Dès la fin de l’opération régularisation des clandestins en 82 (avec ses exclus : les expulsables), la mission Recherche Expérimentation du ministère des Affaires sociales et de la Solidarité nationale commanditait une recherche sur l’immigration clandestine au Groupe de recherche et d’analyse des migrations internationales (GRAMI). Trois chercheurs se mettaient au travail… et remettaient leur rapport au ministère dirigé par une certaine Georgina Dufoix (2) … qui n’a pas reconnu son enfant.

En effet, les conclusions de ce rapport étaient en complète contradiction avec le discours de la gauche, comme bien entendu celui de la droite aujourd’hui :

« Il y a bien eu un ralentissement de l’immigration depuis 1974, mais jamais fermeture en Europe occidentale. Le trompe-œil de la fermeture est de l’ordre du fantasme.
Une telle fermeture jamais réalisée dans le passé est impossible à l’avenir sauf à des coûts économiques, sociopolitiques si élevés que personne ne sera disposé à les assumer.
Il convient donc de tirer sans ambiguïté la leçon de cet état de fait en instaurant ou réinstaurant un dispositif d’ouverture légal » (2).

Après avoir apporté les preuves que les clandestins répondent en fait à un appel d’offre de certains secteurs économiques, ce rapport démontre que si tous les clandestins étaient expulsés de France, certaines industries de l’habillement et de la mode quitteraient le sol français, certains secteurs de l’agriculture, du tourisme, du bâtiment battraient de l’aile… il s’ensuivrait des milliers de licenciements de Français de souche et d’immigrés réguliers !

Les clandestins sont une des pièces maîtresses du système capitaliste dans sa restructuration actuelle. C’est ainsi qu’un rapport remis à l’administration Reagan conclut au caractère bénéfique pour la croissance économique américaine des migrations clandestines.

Le patronat, tous les gestionnaires de droite et de gauche de l’Etat le savent et tout ce beau monde dit le contraire !

Reste à savoir pourquoi ils sont amenés à nier leurs intérêts… tout du moins en parole ! Quoiqu’en prétende cette loi, elle n’est pas faite pour lutter efficacement contre l’immigration clandestine car elle ne s’attaque pas, et ce n’est pas un hasard, aux facteurs d’appel à ce type de migrations (et pourtant toutes les principales entreprises en question sont connues de l’administration).

LE MASQUE FAVORI DU RACISME

En fait, derrière l’immigration clandestine c’est l’ensemble de l’immigration tout court qui se trouve visé et en particulier les secondes générations, composantes de peuplement issues de l’immigration. C’est là le sens profond de cette loi… comme ça a été le sens profond de toute la politique menée par la gauche.

Annoncer une politique draconienne de lutte contre l’immigration clandestine qu’on sait pertinemment intenable et non souhaitable pour sa propre gestion de la restructuration du capitalisme, ne pouvait qu’encourager un réflexe de repli, voire de racisme parmi les populations autochtones… et ceci depuis 1982. Et lorsque l’immigration clandestine persiste, l’Etat franchit un degré supplémentaire en présentant à la vindicte populaire les migrants irréguliers comme un péril social. L’Etat est alors tout naturellement amené à contester les quelques droits civils que les migrants avaient réussi à arracher par leurs luttes. Quant aux droits politiques, ils sont reportés aux calendes grecques.

La lutte contre la migration clandestine est devenue le moyen d’une attaque en règle contre les droits des immigrés et le masque favori du racisme pur et simple à l’égard de citoyens d’origine étrangère.

L’ASSIMILATION OU LA VALISE

Cette politique dite de fermeture des frontières et de chasse aux clandestins n’est pas l’apanage de la France. Tous les pays européens la mènent depuis plus de 10 ans. L’Occident judéo-chrétien a peur ! Son identité est en crise ! Il a peur de ne pas arriver comme précédemment à assimiler la grande vague migratoire des années 60 venue de ses anciennes colonies… et surtout il a peur de ces jeunes issus de ces immigrations qui n’ont pas d’autres lieux de vie que le territoire national et qui entendent y rester.

Ce n’est donc pas un hasard si dans la loi d’aujourd’hui comme celle d’hier, à des nuances près, ce sont les étrangers qui « constituent une menace pour l’ordre public » qui se verront interdire l’entrée en France, ou refuser la carte de résident ou expulser ; s’ils font partie de l’une des catégories encore définies comme non expulsables, l’Etat peut encore et toujours recourir comme pour les Basques actuellement à la procédure implacable d’urgence absolue. Là, sont clairement visés les délinquants, les déviants, qu’ils soient sociaux, politiques, et… « les personnes sans ressources bien définies qui ne s’assimilent que mal aisément à la population locale » (1).

L’assimilation constitue bien une part de l’idéologie nationale française, dite jacobine. Au niveau historique, si pour la droite le nationalisme a agi fréquemment comme racisme latent en traçant une barrière naturelle entre étrangers et nationaux, pour la gauche l’assimilation a constitué la France par l’école, la conscription obligatoire, la devise de liberté et d’égalité redoublée en fraternité des races… mais une France qui a toujours aboli les minorités et refusé les autres nationalités tout en prétendant élever tous ses enfants à la civilisation en les faisant participer au génie national, en les incorporant à la grande France mythique qui remplit une mission mondiale. L’assimilation a toujours été un pivot de l’idéologie des gauches nationalistes françaises… et la gauche ne peut que se féliciter que la droite au pouvoir en 86 la reprenne à son compte !

Mais les secondes générations issues de l’immigration maghrébine n’entrent pas ou mal, dans leur majorité, consciemment ou inconsciemment, dans un processus d’assimilation !

Ceci est essentiellement la cause de la panique de tous les politiciens depuis 10 ans. Même si la gauche se garde bien de parler aujourd’hui d’assimilation en privilégiant dans son discours le droit à la différence, ce changement est loin d’être aussi clair qu’il n’y paraît car la reconnaissance de la différence n’amène pas l’égalité des droits. D’ailleurs, elle a toujours été une forme voilée d’exclusion et de marginalisation.

On comprend mieux pourquoi la contestation de cette nouvelle loi tant du côté du PS et du PC que du côté de beaucoup d’antiracistes évite soigneusement de poser les problèmes de fond. Il y a un consensus général concernant la chasse aux clandestins et l’assimilation ou la valise qu’il va falloir briser.

LA GREVE DE LA FAIM

Les J.A.L.B.
A son apparition en 85, l’association des Jeunes Arabes de Lyon et Banlieue (JALB) avait essuyé une volée de bois vert sur le principe même de son appellation. Le terme « Jeunes Arabes » était alors interprété comme un gage à l’intégrisme et au nationalisme arabe des jeunes femmes issues du groupe « Zaâma d’banlieue » (CA 13 et 19). Leur création, leur philosophie se résumait en deux mots : autonomie et auto-organisation (lire à ce propos leur propre présentation dans CA 51). Depuis, ils ont continué en occupant l’espace lyonnais au détriment de SOS-racisme, en particulier sur les questions de justice.

OU EN EST LE MOUVEMENT DES JEUNES ISSUS DE L’IMMIGRATION ?

Depuis les meurtres successifs et l’intensification des contrôles de police, nombre de jeunes des cités se terrent chez eux. Après la rage au ventre, la peur prend le dessus.

Ceci est aussi vrai à Lyon où la préfecture se permet, depuis l’automne 85, de refuser la carte de résident à certains jeunes pour des histoires de baston ou pour absence de ressources.

Le milieu associatif, quant à lui, s’est développé ; il n’en reste pas moins vrai que bon nombre d’associations ont quitté le terrain et constituent bien souvent une couche-tampon entre les jeunes des quartiers et certaines institutions socio-culturelles. Malgré tout, des associations se sont mobilisées autour des procès de crimes racistes ou sécuritaires ou sur la préparation des différentes marches qui ont d’ailleurs eu un succès décroissant au fil des années (83-84-85) marquant une certaine lassitude.

L’autonomie prônée par le mouvement associatif de jeunes issus de l’immigration ne peut se poser que si ce mouvement est capable de créer lui-même une dynamique.

L’idée d’une manifestation nationale fut vite abandonnée début juin par peur de l’échec. Lorsque l’avant-projet de la loi fut connu, la parano ambiante gagnait du terrain et à l’approche des vacances il y avait un gros risque de vide.

L’idée d’une grève de la faim traînait dans l’air, mais plus d’un Jeune arabe de Lyon et banlieue (J.A.L.B. : voir encart) était réticent. L’initiative a été prise par 2 personnes : Djida et Nacer. Il leur a déjà fallu convaincre leurs propres copains.

Le 3 juin, à Paris, Djida et Nacer sont venus la proposer lors d’une réunion organisée par le Réseau d’information et de solidarité (regroupant le conseil des associations immigrées en France, la Fédération des associations de soutien aux travailleurs immigrés, le MRAP, le Syndicat des avocats de France…) pour parer aux projets de la droite. Cette idée de grève de la faim fut considérée alors comme pouvant être une initiative parmi d’autres et se perdit entre les différents appels, communiqués de presse et rassemblements.

Mais au regard du projet de loi rendu public le 11 juin, qui ciblait particulièrement les jeunes issus de l’immigration, Djida et Nacer, soutenus par les JALB (dont ils sont membres) étaient de plus en plus déterminés. Leur grève de la faim démarre le lundi 16 juin dans une ambiance d’incrédulité quasi-générale.

LES CURES N’ONT PAS CHÔMÉ

Le père Delorme, le curé protecteur de la seconde génération de l’immigration sur la région lyonnaise, convaincu que rien ne pouvait retenir les JALB malgré ses réserves, s’engageait lui aussi à observer un jeûne de solidarité… dans un monastère. Son collègue, J. Costill aidait les JALB à éplucher le projet de loi afin de le vulgariser. Ils devaient rapidement convaincre d’autres gens, et en particulier les associations de jeunes, de la rejoindre dans un mouvement de grève de la faim d’ampleur nationale. Djida et Nacer ayant débuté leur grève de la faim, aucune discussion sur le mode d’action n’était possible, il n’y avait pas d’autres alternatives pour le mouvement que de les soutenir à moins de se taire… avec toute la mauvaise conscience que cela sous-entendait. Certains militants associatifs ont alors dénoncé le côté chantage de ce type d’action.

Le but des JALB était clair : infléchir les décisions du nouveau gouvernement concernant l’immigration. En conséquence de quoi, les JALB étaient principalement porteurs de 3 revendications :

– Maintien des catégories dites non expulsables,

– Maintien de l’automaticité du renouvellement de la carte de 10 ans,

– Maintien des garanties judiciaires.

Au niveau du contenu, il ne s’agissait donc que de défendre des droits acquis sous la gauche. Pour peser dans la balance où l’interlocuteur des 2 grévistes ne pouvait être que Chirac et le gouvernement, les JALB ont eu recours à des médiateurs dont Decourtray (primat des Gaules) sensibilisés par le côté outrancier du projet de loi. Ce haut dignitaire de l’Eglise catholique fréquente un certain nombre de personnalités de droite et se prévaut de « la confiance des jeunes arabes » (3) : Il permit tout d’abord aux 2 grévistes de la faim d’avoir accès aux média. Avec le soutien du recteur de la mosquée de Paris, Cheikh Abbas, représentant officieux de l’Algérie, les JALB ont réussi, un temps, à dresser les autorités religieuses contre le projet de loi. Des négociations officieuses et officielles, des échanges et même des propos aigres-doux entre le gouvernement et les médiateurs ont eu lieu. Le gouvernement mettra une quinzaine de jours à faire rentrer dans le rang la hiérarchie catholique qui a estimé que « la société civile doit prendre le relais » ! L’Eglise avait fait son travail… Place à la démocratie!

Parallèlement au recul bien prévisible de l’Eglise catholique, des manifestations de soutien se sont multipliées fin juin – début juillet. A l’initiative d’une quarantaine d’associations et d’organisations, un jeûne national de solidarité (4, 5 et 6 juillet) a mobilisé plusieurs dizaines de personnes dans différentes villes. Plus de 150 associations, organisations… dont le PC et le PS, se sont solidarisées avec les revendications des grévistes. 20000 personnes signeront l’appel « J’y suis, j’y reste ».

Extrait d’un interview de Fawzi des JALB
Vous demandez de revenir au contrôle judiciaire. Y-a-t-il moins d’expulsions avec la justice ?

Le problème du recours judiciaire ne se pose pas en ces termes. Il se pose simplement en terme de droits fondamentaux ou pas. C’est sûr que le recours judiciaire tel qu’il est pratiqué ne nous satisfait pas. Mais, même dans les limites actuelles, c’est une garantie, un recours. Enlever tout recours, c’est mettre les populations immigrées dans un état de non-droit absolu, ce qui est complètement inadmissible.

Des personnalités importantes du PS apportent leur soutien à la grève de la faim. Peut-on oublier que le PS a été au pouvoir et qu’il a mis en place des lois qui annonçaient la couleur de Pasqua ? acceptez-vous ce soutien ?

Là se pose la question de l’autonomie d’un mouvement de jeunes. La vraie question n’est pas celle de savoir qui soutient et qui ne soutient pas mais : est-ce que ce mouvement est capable de créer une dynamique ? Est-ce une force de proposition ? Sur la grève de la faim et les revendications précises, tout soutien même venu du PS sera bienvenu. Maintenant sur le projet de société général, sur le message que veulent donner les grévistes de la faim, c’est loin d’être l’apanage du PS. Au pouvoir, ils ont fait ces choses positives – on ne peut pas non plus jeter l’anathème n’importe comment – puis, il y a eu pas mal de points négatifs. Un mouvement des jeunes peut être une force de proposition ; le PS, lui, est un petit peu sclérosé dans une vie politicienne, et il est incapable de proposer ce genre de projet.

Vis-à-vis des média et du pouvoir, vous avez choisi de vous faire représenter par un groupe de médiateurs composés de personnalités surtout religieuses. Est-ce qu’il n’y a pas le risque de se voir confisquer la parole par ces personnalités ?

Moi, je rapproche cela d’un problème très simple : c’est celui des avocats dans une cour d’assise. Quel rôle ont-ils ? Ils ont le rôle de porter la parole des jeunes ou la parole des victimes. On ne peut pas contourner ce problème. Il s’agit de créer un rapport de force avec les avocats pour pouvoir faire passer le message. C’est ce qui se passe avec les médiateurs, ils doivent strictement concevoir leur rôle, leur fonction, au service d’un message. C’est sûr qu’ils ont des tendances naturelles à parler un peu à la place des grévistes de la faim. On en est très conscient et on reste vigilant.

Réalisé à Paris le 20 juin après 4 jours de grève.
Le soutien d’Hernu
Deux familles immigrées, accusées par une partie de la population d’un quartier de Villeurbane de dégradations, ont été expulsées de leurs logements par le Maire de Villeurbane. Banal, le PS et le PC en ont fait d’autres !

Mais, le sinistre Hernu est allé plus loin. Il a fait appel au Préfet de police de Lyon pour que ce service de Charles Pasqua expulse du territoire français les chefs de famille concernés (procédure d’urgence absolue). Pendant ce temps le PS soutenait les grévistes de la faim…

SAVOIR TERMINER UNE GREVE

Après 3 semaines de grève de la faim, une question primordiale et humaine se posait : comment arrêter ?

Le 5 juillet, Delorme ouvrait la voie en déclarant à l’AFP « qu’une des exigences essentielles des jeunes immigrés a été satisfaite ».

En effet, la commission des lois du Parlement proposait que, comme auparavant, les jeunes immigrés résidant en France depuis l’âge de 10 ans ne puissent pas être expulsés. Il s’agissait là pour Delorme « d’une réelle victoire qui pourrait amener les 2 jeunes lyonnais à cesser leur mouvement » (4). Le lendemain Djida et Nacer arrêtaient effectivement leur grève de la faim mais les explications qu’ils donnèrent firent bondir bon nombre de militants présents dans le soutien. En effet, ils ne voulaient pas exercer de pressions pendant le débat parlementaire et désiraient tenir compte d’acquis substantiels et d’engagements pris par des membres de la majorité !

Pour beaucoup, les 2 grévistes de la faim se sont égarés dans le labyrinthe des institutions… ce qui les a amenés à manger des petits fours à l’Elysée le 14 juillet ! Mais les motivations profondes de cette argumentation sont vraisemblablement à rechercher dans le fait que malgré leur discours radical (C.A. n° 51), ils respectent profondément la démocratie parlementaire ! (5).

Quoi qu’en disent les 2 grévistes de la faim, leur action n’a eu que très peu d’influence sur la loi qui est restée conforme au projet : déstabilisation de la population immigrée avec d’un côté les bons (assimilables) et de l’autre les mauvais (expulsables).

Mais, grâce à cette grève de la faim, quelque chose a bougé dans un contexte qui n’était pas favorable. On a assisté dans quelques villes à une recomposition de forces vives de l’immigration ou issues de celle-ci et c’est loin d’être négligeable. L’initiative de Djida et Nacer a relancé, avec le slogan « J’y suis, j’y reste », l’affirmation de la légitimité des jeunes et des moins jeunes immigrés à demeurer en France. Sursaut appréciable quand on sait comment le PS avait réussi à endormir les « non expulsables » sur des lauriers de plus en plus aléatoires.

LES PERSPECTIVES

Lors de la réunion nationale de bilan de la grève de la faim, le 12 juillet à Lyon, les comités de soutien se sont transformés en un réseau de comités « J’y suis, j’y reste ». Ce réseau n’entend pas se substituer aux structures existantes (associations de jeunes, organisations de l’immigration, structures de soutien…), mais il devrait s’appuyer sur elles pour organiser une campagne « J’y suis, j’y reste » pour les libertés.

Cette campagne ne serait pas l’apanage exclusif du mouvement des jeunes immigrés même si elle en est issue. Elle n’a pas pour vocation d’organiser spécifiquement les jeunes – les associations sont là pour ça – mais de favoriser un vaste front commun contre les expulsions.

Elle pourrait débuter localement par des concerts « Rock against Police » dans les cités, tantôt sous la forme de grandes kermesses « antiracistes » : des personnalités seraient contactées afin qu’elles s’engagent à héberger des expulsés. Le tout devant aboutir à une manifestation nationale le 6 décembre à Paris.

Mais rien n’est réglé, en particulier :

– Quelle articulation entre les immigrés – les premiers concernés – et le
soutien (du MRAP à SOS-Racisme en passant par la gauche et son extrême !) ?

– Quels seront les moyens mis en œuvre pour organiser sur le terrain la résistance aux expulsions, reconduites à la frontière, flicage, refus administratifs de délivrance de papiers… ?

– Quel contenu ? La gauche a tout intérêt à un mouvement pour la défense des droits acquis en 81 et 84. Cela lui donne une nouvelle virginité à bon compte. En d’autres termes, va-t-on marcher le 6 décembre pour le retour de la gauche au pouvoir en 88 en ne dénonçant pas les excès de Pasqua et Chirac ? Ou va-t-on essayer de poser le problème en s’attaquant réellement au consensus national concernant l’immigration clandestine et la recherche de la fermeture des frontières, l’assimilation ou la valise ?

Si ce mouvement tombe dans la rhétorique démagogique anti-Pasqua afin de ratisser large, ce serait un net recul quant à la lutte pour l’égalité des droits et un feu de paille électoraliste quant à une lutte réelle contre les expulsions.

Encore de bien belles empoignades en perspective, sans oublier tous les débats liés à la question de la nationalité et de la citoyenneté (6).

Reims, le 10/9/86

(1) Tiré de l’exposé des motifs du projet de loi, signé par Chirac le 11 juin 86.

(2) Ce rapport vient d’être publié dans un livre : « Economie politique des migrations clandestines de main-d’œuvre » : Y. Moulier-Boutang, J.-P. Garson, R. Silberman ; chez Publisud (138 F !).

(3) Déclaration de Decourtray le 23 juin à Lyon.

(4) Dans les faits, cette clause sera repoussée par le Parlement quelques jours plus tard malgré l’avis favorable de la commission présidée par Ph. Mazeaud. Mais elle sera rétablie dans la loi grâce au Sénat.

(5) … Ce ne sont ni les premiers, ni les derniers à avoir de telles contradictions.

(6) Nous traiterons ce problème dans un prochain article. Signalons tout de même que le projet de modification du Code de la nationalité a été repoussé au printemps 87 pour des raisons de divergences dans la droite.

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