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Algérie : déclaration du PST

Déclaration du PST parue dans Inprecor, n° 423, avril 1998, p. 14-15


Le Parti socialiste des travailleurs (PST) a réuni plus de 600 délégués provenant de 35 willayas (départements) lors de son congrès extraordinaire le 5 mars 1998 à Alger. Parmi les invités présents qui ont salué le congrès on remarquait une délégation du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), celle de l’Association pour l’émancipation des femmes (AEF) et celle de la Fédération nationale des travailleurs retraités de l’UGTA. Outre la présence d’un représentant de la LCR de France, le congrès a reçu des messages de solidarité d’organisations européennes et américaines.

La tenue de ce congrès a été imposée au PST par une nouvelle loi sur les partis politiques, qui exige qu’ils fassent preuve d’au moins 100 adhérents dans au moins 25 willayas sur les 48 que compte l’Algérie, pour prétendre à une existence légale. Le PST a dû présenter à cette occasion au contrôle administratif la preuve de plus de 4000 adhésions de soutien qu’il a recueillies dans 44 willayas. Pour une organisation petite dont le fiancement dépend entièrement de ses militants et sympathisants, alors que la situation dans le pays est marquée par une paupérisation croissante, répondre à ces exigences administratives représentait un véritable défi. Nous publions ci-dessous la déclaration politique adoptée par ce congrès.


Une loi scélérate soumet l’activité politique au bon vouloir de l’administration. Elle oblige le PST à tenir un congrès pour prouver son existence. C’est là un exemple éloquent du cours antidémocratique dans lequel le pays est engagé, aussi éloquent que la fraude électorale et le matraquage des manifestations de protestation.

Le verrouillage du paysage politique et les agressions contre les libertés ne sont cependant qu’un aspect d’un contexte tout de misère, de mort et de répression. Un contexte qui pénalise l’expression démocratique et contrarie les tentatives d’opposition au suicide libéral et à sa logique autoritaire.

Les groupes armés intégristes continuent à prendre les plus humbles pour cible dans les villages isolés et à semer la panique des colis piégés dans les grandes villes. La force de la répression s’est avérée, elle, ne protéger efficacement que les nantis, que les locataires du Club des Pins et autres résidences d’État. Elle a souvent raté le rendez-vous avec la détresse des masses rurales rackettées, assassinées et violentées par un islamisme armé qui a atteint les sommets d’inhumanité et ne peut prétendre à représenter ne serait-ce qu’une infime minorité des Algériens. Le Premier ministre M. Ouyahia a beau expliquer les chiffres de la complexité technique des questions de sécurité, il ne pourra pas masquer la responsabilité du pouvoir dans la situation actuelle et, plus que tout, dans la protection des populations contre les bandes d’égorgeurs.

Le PST réitère, à l’occasion de ce congrès, sa ferme dénonciation des crimes intégristes et exprime à leurs victimes toute sa solidarité et tout son soutien. Il ne doute pas de l’identité des assassins d’enfants, des sinistres héritiers de toute l’histoire de la barbarie. Mais il ne peut non plus oublier de rappeler son attachement au droit de tout Algérien, de toute Algérienne, quelles que soient ses opinions politiques, au respect de sa dignité et de son intégrité physique. Aujourd’hui comme demain, il dénoncera les enlèvements, les exécutions sommaires et la pratique de la torture comme des atteintes impardonnables aux droits de l’homme.

Le PST n’hésite pas à faire sien le désir des peuples du monde de savoir la vérité sur la situation en Algérie, une vérité prisonnière des partis pris des médias et des politiciens. Mais il refuse de s’associer aux propagandistes des commissions d' »enquêtes internationales ». Il dénie à Clinton, à une ONU aux ordres de la Maison Blanche et à tous les « gendarmes du monde » qui affament les enfants irakiens et assiègent Cuba le droit de s’ériger en conscience de l’humanité. Il ne participe pas non plus aux campagnes d’un pouvoir qui fait semblant de rejeter l’ingérence étrangère après qu’il en a fait son lit en autorisant le F.M.I. à gérer nos ressources financières et à alterner à notre endroit satisfecit et avertissements. Il estime qu’un régime qui promet l’Algérie au destin de zone franche du capitalisme mondial ne peut sincèrement invoquer le principe de souveraineté nationale.

Pour les libertés les plus larges

Le PST constate toutefois que la mort qui rôde et l’angoisse de lendemains plus sanglants n’a pas nivelé le malheur des Algériens. A la terreur et à la misère des uns, de la majorité laborieuse, continue de s’opposer l’enrichissement scandaleux de la minorité possédante. Car il y a bien des Algériens pour qui la moisson macabre de la guerre demeure une abstraction ou une aubaine, pour qui l’argent n’a jamais d’odeur et surtout pas celle de la tragédie des plus démunis. Il y a bien une Algérie des milliardaires et des importateurs, avec ses protecteurs du sérail et ses serviteurs au nom de la rationalité économique et de la fatalité du F.M.I.

Pour le PST, la seule solution au drame actuel s’appelle justice sociale, démocratie et respect des libertés individuelles et collectives. La seule issue est dans la défense des acquis démocratiques que les textes et les pratiques ont réduit à la portion congrue, dans la défense du droit des travailleurs et des masses populaires au bien-être et à la dignité. Peut-on freiner l’engrenage de la guerre par la seule multiplication des brigades de gendarmerie quand la majorité du peuple est humiliée, trompée et écartée de toute décision sur son avenir sous prétexte de l’inéluctabilité de l’économie du marché ? Peut-on arrêter l’enrôlement des jeunes dans les groupes armés intégristes, quand on leur offre, pour tout avenir, le chômage et la mal-vie ?

Mais cette solution est aussi un combat. Car, pour l’imposer, il faudra faire échec au hold-up sur les acquis d’Octobre 1988, à la confiscation de nos libertés.

Le PST se fait un honneur de n’avoir jamais déserté le terrain de la lutte démocratique au plus fort de l’adversité. Il s’est engagé sur tous les fronts où il était question de repousser les assauts de l’autoritarisme, que ce fût pour dénoncer le scandale du bourrage des urnes ou pour faire avancer les combats des femmes et des masses berbérophones, le combat pour la laïcité, pour la liberté de conscience, contre le diktat religieux intégriste, le combat pour le respect des droits de l’homme. Il n’abandonnera pas ce terrain. Mais il fera toujours valoir sa conception globale de la démocratie, une conception qui ne sacrifie pas les luttes féminines et les droits culturels sur l’autel des urgences politiciennes. « Ni Etat islamique ni matraque policière » reste sa devise plus que jamais valable maintenant que les soutiens du régime reviennent de leurs illusions et que les Algériens vérifient dans leur chair la réalité du paradis islamiste.

Les droits sociaux, encore un combat !

Reste que l’identité du PST ne se résume pas à la plus large démocratie, que la démocratie sans justice sociale n’est qu’une vue de l’esprit.

La guerre n’a pas arrêté le libéralisme. Elle lui a même fourni l’occasion d’un forcing anti-populaire auquel l’UGTA, de compromission en compromission, ne répond que par des menaces jamais suivies d’effets. Des dizaines de milliers de travailleurs licenciés, des centaines d’entreprises publiques fermées et une escalade vertigineuse du chômage devant laquelle 14 000 emplois qui font la fierté du gouvernement, ressemblent à une mauvaise blague.

Ce décor désastreux ne s’accompagne d’aucune relance économique. Les taux de croissance des deux dernières années sont moins le fait de l’habileté du gouvernement que des aléas de la pluviométrie et du marché pétrolier. Celui de l’année en cours risque, selon tous les pronostics, d’être plus fidèle à la réalité, c’est-à-dire à la panne de l’industrie et à la fragilité de l’agriculture. Et que propose-t-on aux travailleurs ? Rien, sinon plus de patience et plus de sacrifices.

Jusqu’à quand la majorité des Algériens se laissera-t-elle donc affamer, licencier, humilier, sans réagir ? Jusqu’à quand se résignera-t-elle à accepter une direction de l’UGTA fidèle au secours du pouvoir, empressée à engloutir la colère des salariés dans le rituel des journées de protestation à l’approche des tripartites ?

Les travailleurs ont aujourd’hui besoin d’un vrai grand syndicat, d’une organisation qui assume ses engagements statutaires de préservation de l’emploi et de l’outil économique public. L’UGTA « officielle » ne l’est pas. A tous les syndicalistes authentiques et aux sections syndicales combatives, à tous les militants honnêtes, de la transformer en instrument de lutte au service de ses adhérents, de se battre pour l’empêcher de rester un fond de commerce au service d’une politique antisociale. Charge à nous de nous battre pour une UGTA réellement indépendante, démocratique et combative. Cette bataille est celle de tous les jours, de la lutte pour les libertés syndicales au combat contre les licenciements et les dissolutions d’entreprises, contre le libéralisme.

Partout dans le monde, le libéralisme est à l’épreuve de ses limites : crashs boursiers, chômage massif et misère endémique. La résistance à son diktat, à sa prétendue validité universelle, est aujourd’hui l’affaire de tous les opprimés : travailleurs, chômeurs et petits agriculteurs. Elle est l’affaire de tous ceux qui estiment qu’une autre politique est possible.

Car une autre politique est possible. Pourvu qu’on ne reste pas prisonnier de la logique libérale.

Une autre politique est possible qui redéfinisse radicalement les priorités nationales vers la satisfaction des besoins de la majorité et n’hésite pas à puiser l’argent nécessaire au développement du pays et à l’amélioration de la rentabilité des entreprises là où il se trouve, dans les grosses fortunes qui échappent au fisc et collectionnent les exonérations d’impôts sans créer d’emplois. Une autre politique est possible qui combatte le chômage par la réduction du temps de travail, garantisse aux travailleurs et aux retraités des revenus décents calculés sur le coût de la vie et ne fasse plus des services publics (santé, éducation…) la première victime de l’austérité budgétaire. Une politique qui serve de relais vers une société durablement plus juste, plus démocratique.

Pour une convergence politique anti-libérale !

Le PST a toujours préféré aux salons la lutte parmi les masses. Six années de guerre n’ont pas eu raison de son existence. Il a été de toutes les batailles contre les licenciements et le démantèlement du secteur public, contre la sélection à l’université et l’oppression des femmes et des masses berbérophones, pour un rassemblement de résistance sociale et démocratique. Il continuera à se construire malgré l’adversité en accompagnant les combats des travailleurs et des opprimés.

La convergence démocratique nécessaire pour défendre les maigres libertés acquises et les étendre ne peut que se heurter à la politique libérale qui a besoin d’imposer sa main de fer pour empêcher les protestations des victimes du programme de paupérisation généralisée.

L’aboutissement des revendications populaires est de la responsabilité de tous ceux qui refusent la fatalité du libéralisme, le chômage et la dépendance économique, le totalitarisme islamiste comme l’autoritarisme libéral. Le PST reste ouvert à toute les possibilités d’union durable ou ponctuelle, à toutes les propositions d’unité contre le parti de la bourgeoisie.

Les travailleurs et les démunis en général ont besoin d’un grand parti socialiste qui porte leur voix contre les partis des milliardaires, qu’ils soient islamistes ou « modernistes ». Notre parti sera toujours disponible pour participer à sa construction et espère que ses convictions unitaires seront partagées des militants de gauche et de tous les syndicalistes combatifs. Il continuera, en attendant que se réalise cette unité à laquelle il souscrit, de faire de ses sections le point de convergence de toutes les batailles contre l’arbitraire.


Erratum

Une erreur de la rédaction nous a conduit à présenter dans le n° 412 d’Inprecor le PST d’Algérie comme la « section algérienne de la Quatrième internationale », ce qui est inexact. La direction du PST oppose un « démenti formel » à l’encontre d’une telle présentation, précisant qu’« une législation réactionnaire a contraint le PST à se refuser toute appartenance ou affiliation internationale ».

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