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Sur la revendication des libertés démocratiques en Algérie

Article en deux parties paru dans Le Prolétaire, n° 371, 18 mars au 21 avril 1983, p. 6 et n° 372, 22 avril au 19 mai 1983, p. 5-6


Si le communisme a défini les caractéristiques essentielles du passage révolutionnaire de la société capitaliste à la société communiste, la lutte des classes ne se déroule pas selon un plan machiavéliquement tracé d’avance dans tous ses détails par le parti révolutionnaire. La stratégie et la tactique du parti dont l’éventail est certes délimité par la théorie et le programme, doit s’appuyer sur le mouvement réel.

Nombreux sont les exemples historiques où les dirigeants de la trempe d’un Marx ou d’un Lénine ont été surpris par le déroulement concret de la lutte des classes. Pour ne citer que ces exemples, la Commune de Paris et la révolution de 1905 en Russie ont énormément enrichi l’expérience stratégique et tactique du marxisme révolutionnaire.

A un degré bien plus modeste nous sommes aujourd’hui confrontés dans les différentes aires où nous intervenons, à un mouvement social qui s’est développé indépendamment de notre influence réelle et à des questions tactiques de plus en plus précises dans la mesure où nous avons l’ambition de prendre part aux luttes et de les influencer à notre échelle.

C’est ainsi qu’il est nécessaire de dégager une position claire par rapport à la revendication des « libertés démocratiques » qui est avancée en Algérie dans le cadre de la lutte sociale par centaines forces politiques.

Les enseignements de l’Histoire

Les expériences douloureuses du prolétariat dès le XIXe siècle (voir la révolution de 1848) et encore plus à l’époque impérialiste exigent une démarcation claire face aux illusions et aux pièges véhiculés par l’idéologie démocratique. Cela ne signifie nullement une aversion de principe, et au fond morale, à l’égard du concept démocratique : nous reconnaissons historiquement à la démocratie bourgeoise un rôle éminemment révolutionnaire qui a permis la maturation des antagonismes sociaux et révolutionnaires modernes ; même à la phase impérialiste du capitalisme les luttes « démocratiques » dans les pays colonisés ou dominés ont eu et ont encore dans certaines régions un caractère révolutionnaire ou au moins progressiste.

En outre, dans les aires de capitalisme ancien, face à des Etats bourgeois bien consolidés, le prolétariat est partie prenante des luttes pour assurer ou conquérir un certain nombre de droits dit « démocratiques » qui facilitent son organisation et sa lutte : liberté de presse, d’association, de réunion, de circulation, de manifestation, de grève ; égalité économique, sociale et politique entre travailleurs autochtones et immigrés, entre hommes et femmes… Mais il est clair que nul Droit bourgeois, nulle forme étatique capitaliste n’assure à la classe ouvrière et aux masses opprimées une réelle liberté d’action et de lutte. Au contraire le « gouvernement du peuple », le pouvoir démocratique, ne sont que des illusions qui masquent la domination de fer, la dictature réelle des classes possédantes. Pour la bourgeoisie, dès son ascension, la Liberté n’ était que la liberté de faire circuler les marchandises et d’exploiter la main-d’oeuvre salariée, l’esclave salarié n’ayant, lui, que la liberté de vendre sa peau au plus offrant !

Les précautions que prend notre parti, dans la tradition de la Gauche Communiste d’Italie et dans le prolongement de Marx et de Lénine, dans l’emploi des termes Démocratie et Liberté en général en régime capitaliste découlent des ravages perpétrés par l’idéologie démocratique dominante dans les rangs même des prolétaires et non pas d’un a-priori de principe ou d’une répulsion morale (1).

La fragilité politique des mouvements de la classe qui se développent aujourd’hui en l’absence d’une Interna­tionale Communiste véritable et après près de 60 ans de noire contre-révolution est un facteur supplémentaire de prudence. Il serait illusoire d’espérer que ces mouvements dépasseront spontanément et mécaniquement leurs illusions démocratiques. Il suffit d’observer ce qui se passe en Pologne ou en Amérique Latine pour s’en convaincre. La lutte armée elle-même ne constitue nullement un vaccin antidémocratique.

En Algérie aussi la lutte des classes connaît depuis plusieurs années un véritable réveil.

Le cas de l’Algérie

Les luttes, qu’il s’agisse à l’origine de grèves ouvrières (ou étudiantes) ou de protestations de rue collectives contre la misère, les conditions d’existence, l’oppression ou la répression, y prennent très rapidement la forme d’émeutes qui s’attaquent directement à l’Etat, à ses symboles et à ses représentants. Notre presse s’est fait l’écho ces dernières années de ces événements soigneusement dissimulés par la presse officielle, aussi bien en Algérie qu’en France.

Le caractère explosif des luttes découle certes d’une pression économique sans cesse accrue sur les jeunes et les masses travailleuses dans ce pays (hausse des salaires, vie chère, chômage) mais aussi des revendications cruciales concernant la scolarité, les transports, le logement, le système de santé, la condition féminine, l’oppression culturelle des populations kabyles. Les masses laborieuses et les jeunes promis au chômage expriment violemment une frustration, retenue depuis l’indépendance, de ne pas pouvoir librement et indépendamment des rouages de l’Etat, du FLN et de l’UGTA, s’organiser et lutter. La bourgeoisie algérienne au pouvoir n’a pas tenu les promesses de son programme, certes bourgeois mais qui devait au moins assurer aux masses les libertés élémentaires de presse, d’association, de manifestation, de grève. Les mesures sociales et les prétentions socialistes du régime ne font plus illusion face au développement bourgeois et à l’accentuation des contradictions de classe, malgré le travail opportuniste accompli par les larbins staliniens du PAGS dans les usines, les quartiers et les lieux d’enseignement.

Les masses laborieuses et la jeunesse échappent aujourd’hui au contrôle des fractions bourgeoises et des appareils de collaboration de classe secrétés par le FLN. Dans un pays comme l’Algérie, une fois les bourgeois largement servis, il ne reste plus guère les moyens de cultiver une véritable « aristocratie ouvrière » capable d’amortir les contradictions sociales. Dans une certaine mesure ce rôle est dévolu aux classes moyennes et petites-bourgeoises, qui n’ont plus aucune potentialité révolutionnaire, mais qui revendiquent une meilleure place au soleil.

C’est l’armée qui reste le pilier principal de l’équilibre politique, en jouant hypocritement sur un prestige anticolonial d’ailleurs usurpé (car elle a attendu l’indépendance cantonnée aux frontières). C’est à travers l’armée et sous l’uniforme qu’a pu se développer une bourgeoisie moderne. C’est sous sa protection qu’une bourgeoisie civile a pris son essor et affirme aujourd’hui de nouvelles ambitions économiques et politiques.

Dans de telles conditions il est logique et nécessaire que le mouvement social agite, à côté des revendications matérielles, des revendications immédiates plus politiques concernant les « libertés » et « droits » élémentaires mentionnés ci-dessus, qui lui permettent de mieux manœuvrer et de s’organiser indépendamment des rouages de l’Etat.

De tels objectifs intéressent au premier chef la jeunesse prolétarienne ou en voie de prolétarisation et les masses laborieuses des villes et des campagnes. Mais il est vrai qu’ils intéressent aussi les classes intermédiaires et une partie de la bourgeoisie, qui s’estiment brimées et cherchent à détourner la colère dans une perspective réformiste : la démocratisation de l’E­tat bourgeois.

C’est dans ce sens qu’agissent différents courants en Algérie, comme les benbellistes, le FFS, l’UGSI (de Mohammed Harbi) etc. Il n’y a aucun argument sérieux qui puisse écarter pour l’Algérie un jeu politique bourgeois qui associe le bâton et la carotte en faisant miroiter devant les masses une illusoire libéralisation. Cette recette a fait ses preuves sous toutes les latitudes, sur­tout en l’absence d’une solide avant-garde ouvrière et d’un authentique parti révolutionnaire, en Iran comme en Polo­gne, en Tunisie comme au Pérou.

C’est dans ce contexte qu’il faut apprécier la revendication de « libertés démocratiques ».

Un mot d’ordre ambigu et dangereux

Cette expression a d’ailleurs en Algérie toute une histoire. Après avoir été poignardée dans le dos par le PCF et le PCA et dissoute par le Front Populaire, l’Etoile Nord-Africaine de Mes­sali Hadj s’était reconstituée en 1937 dans le PPA (clandestin après 1940) puis en novembre 1946 dans le MTLD : Mouve­ment pour le Triomphe des libertés Démocratiques. Partant d’une plate-forme internationaliste issue du Manifeste de Marx, mais trahis par l’Internationale Communiste stalinisée et par le PCF so­cial-impérialiste, le messalisme s’était replié dans une perspective certes révolutionnaire mais davantage nationaliste, ce qui l’a d’ailleurs amené par moments à une attitude flottante à l’égard du nationalisme bourgeois d’un Ferhat Abbas. Il n’en a pas moins constitué la matrice de la lutte armée.

Sans doute le souvenir de cette revendication de « libertés démocratiques » est-il resté gravé non seulement chez les anciens cadres de la lutte anti-coloniale, aujourd’hui plus ou moins embourgeoisés, mais aussi parmi les masses qui ont été frustrées des produits de leurs sacrifices. Mais il faut dire bien fort qu’une telle revendication n’a plus à présent le même contenu et que précisément le déroulement de la révolution algérienne a démontré l’inaptitude des forces bourgeoises et petites-bourgeoises à accomplir ces promesses. Après 20 ans d’indépendance et d’accumulation capitaliste nationale il serait catastrophique d’entretenir d’une façon ou d’une autre le mythe d’une révolution démocratique à poursuivre, alors que ce sont bien les conditions d’une révolution prolétarienne qui ont mûri en Algérie.

A notre avis ce mot d’ordre général n’est nullement innocent dans la bouche des forces politiques qui l’agitent parmi les masses exploitées. Il s’inscrit dans une perspective bien précise : pour­suivre la révolution algérienne en changeant de direction, dans le cadre d’un front interclassiste, et démocratiser les institutions. Et même si les classes exploitées des villes et des campagnes sont intéressées à conquérir par la lutte un certain nombre de « droits » et de liberté de manœuvre, il serait catastrophique qu’elles se fassent berner une fois de plus.

Quant aux forces politiques qui soutiennent à fond ce mot d’ordre en prétendant que spontanément les masses ne s’y trompent pas et déborderont les réformistes ils jouent un jeu dangereux et l’apprendront à leurs dépens. Il est clair évidemment que les révolutionnaires ne doivent en aucun cas déserter le terrain de telles revendications politiques et qu’ils y ont au contraire une responsabilité encore plus grande que dans les luttes de type « économique » : aider la classe ouvrière à déjouer les manœuvres réformistes et opportunistes.

Cet aspect tactique fera plus particulièrement l’objet de la suite de l’article, à paraître dans le prochain numéro du Prolétaire.


1) Cette question a été abondamment traitée dans nos textes classiques comme « le principe démocratique » (dans la brochure Parti et classe) et plus récemment dans Le Prolétaire 286 et dans les n° 6 et 7 d’ElOumami (1979). Nous pouvons faire parvenir ces articles aux lecteurs intéressés.


Dans la première partie de cet article nous avons essayé de montrer le contexte historique et politique dans lequel s’inscrit la revendication des libertés démocratiques en Algérie. Cette revendication constitue incontestablement une tâche démocratique qui est à l’ordre du jour dans la mesure où elle concerne non seulement le prolétariat mais aussi les autres couches laborieuses des masses exploitées et opprimées ainsi que d’importantes franges de la petite-bourgeoisie ; tâche démocratique dont cependant la réalisation complète, en raison même des caractéristiques du développement de l’Etat bourgeois algérien et de la trajectoire des classes possédantes et réactionnaires d’Algérie, est inséparable de la perspective de la Révolution prolétarienne.

Dire cela n’est pas suffisant. Les communistes ne peuvent, en effet, se contenter de considérer cette revendication d’un point de vue exclusivement théorique. Ils doivent, au contraire, s’efforcer de l’intégrer dans une stratégie politique dont l’objectif est de préparer activement l’affaiblissement de l’Etat algérien en vue de sa destruction et de renforcer la lutte des masses sur cette voie. Cela suppose donc un effort pour traduire cette perspective en termes d’actions au moyen d’une ligne tactique solide et conséquente. C’est bien pourquoi la revendication des libertés démocratiques en Algérie pose aux communistes, non pas en général mais en 1983, une question de tactique importante et complexe.

En effet cette revendication, de nature politique dans la mesure où elle conduit à un affrontement même limité avec l’Etat, exprime indiscutablement une exigence pressante pour les masses laborieuses et la jeunesse d’Algérie : pouvoir s’exprimer, manifester, lutter, s’organiser indépendamment des rouages de l’Etat et des organismes qu’il contrôle (UGTA,UNJA, etc.). De ce point de vue là, nous sommes résolument pour les « libertés démocratiques ». Dans ce sens cette revendication vise à arracher, au prix d’une mobilisation et d’une vive lutte, des positions qui constituent un espace de manœuvre pour les masses, et qui, dans les faits, en affaiblissant l’Etat, rapprochent et favorisent les possibilités concrètes de le détruire.

Le danger du réformisme

Mais il faut préciser que le mot d’ordre de « libertés démocratiques », même s’il correspond à une exigence impérieuse pour les masses, n’est pas uniquement avancé de manière spontanée par celles-ci. Il est également utilisé de façon nullement innocente par des forces politiques petites-bourgeoises et réformistes qui ont une trajectoire précise et des visées politiques bien déterminées. Ces forces politiques prennent en réalité appui sur les besoins réels du mouvement social pour se préparer à voler les fruits de la lutte en détournant la colère des masses dans une direction contraire aux intérêts réels des classes exploitées : l’aménagement de l’Etat bourgeois au moyen de changements à sa tête et de « réformes » destinées à paralyser la lutte des masses et à maintenir intactes les bases mêmes de l’instrument d’oppression et de domination qu’est l’Etat ; en d’autres termes le véritable objectif de ces forces est une démocratisation de l’Etat. Une telle perspective permet de plus d’envisager une solution aux différentes rivalités entre fractions de la bourgeoisie et de la pe­tite-bourgeoisie, qui datent de la lutte d’indépendance et qui restent vivantes, sans compromettre les privilèges des classes possédantes.

Même si cette démocratisation semble pour l’instant peu probable, l’Etat ayant, dans l’immédiat, les moyens de contrôler la situation sans être obligé d’accepter une solution qui de plus supposerait un effort coûteux d’adaptation, cette perspective permet néanmoins d’entretenir des illusions réformistes et interclassistes en définitive démobilisatrices, et surtout laisse le terrain politique libre aux initiatives des forces bourgeoises, comme le mouvement Ben belliste. En tout cas il serait dangereux et criminel de laisser planer l’illusion qu’une réforme démocratique puisse constituer une étape nécessaire et un facteur automatiquement favorable au développement de la lutte de masse. En réalité tout dépend du niveau de mobilisation et d’organisation de la classe ouvrière et des masses sur des bases indépendantes et de la présence d’une avant-garde active capable de conduire la lutte avec d’autant plus de sûreté qu’elle est consciente des pièges de la démocratie bourgeoise.

Les critères d’une bonne tactique

Précisément parce que dans la lutte des classes les forces bourgeoises et petites-bourgeoises sont capables d’initiatives politiques pour détourner la lutte des masses ou voler les fruits de leurs actions, il serait puéril de n’envisager l’utilisation tactique de la revendication des libertés démocratiques que du seul point de vue des besoins immédiats des masses. Cela est d’ailleurs valable pour l’utilisation tactique de toute revendication. A chaque fois il est du devoir des communistes de s’appuyer sur les exigences avancées par la lutte pour renforcer l’expérience des masses et les instruire afin qu’elles puissent, autant que possible, se protéger contre les pièges et les embûches qui se dressent inévitablement au moment du combat. C’est d’ailleurs là le fondement même de la conception bolchevique de la tactique-plan qui a été reprise par la Gauche Communiste d’Italie (cf. Thèses de Rome). Toute revendication, au cours de la lutte, doit être intégrée dans un plan d’action qui corresponde aux exigences du mouvement de masse ainsi qu’aux objectifs spécifiques pour permettre la satisfaction complète de ces exigences et qui soit, en même temps, susceptible de s’adapter aux rapports de force imposés par la réalité. C’est pourquoi, pour les communistes, les revendications tactiques, si on les considère du point de vue de leur utilisation politique et pas seulement du point de vue d’une évaluation théorique générique, doivent être avancées de manière à obtenir plusieurs résultats :

– satisfaire les exigences des masses en renforçant leur mouvement de lutte par la définition d’objectifs précis.

– favoriser l’organisation sur des bases indépendantes du prolétariat et des masses exploitées dans un terrain  où bougent également des forces bourgeoises et petites-bourgeoises.

– contribuer à l’émergence, autour d’une direction communiste qui en constitue le noyau, d’une avant-garde combative, consciente et éprouvée susceptible de diriger pratiquement la lutte à travers tous les obstacles et les pièges qu’elle comporte inévitablement.

Aussi la fonction de la tactique dans l’élaboration d’un plan d’action est-elle de répondre aux exigences des masses tout en renforçant la lutte autour d’une solide ligne politique. En cela la revendication »libertés démocratiques » devrait du point de vue de son utilisation tactique à la fois satisfaire les besoins immédiats et les intérêts à moyen et long terme en les articulant les uns aux autres. C’est la raison pour laquelle une autre erreur serait de considérer cette revendication tactique comme un levier capable de pousser automatiquement la lutte au maximum de ses possibilités, comme un objectif transitoire susceptible d’ébranler immédiatement l’Etat bourgeois et d’ouvrir des possibilités immédiates de révolution. Cela supposerait, pour qu’on puisse envisager une telle hypothèse, une situation hautement révolutionnaire en Algérie, ce qui n’est pas le cas. Les mouvements de grève et d’émeute sont encore sporadiques et isolés, même si la colère des masses gronde de plus en plus fort. La classe ouvrière doit encore s’organiser sur une vaste échelle aussi bien pour mener une lutte immédiate que pour se donner une direction éprouvée et influente capable de conduire la lutte révolutionnaire jusqu’à la victoire. Enfin les différentes fractions bourgeoises rivales sont loin d’être paralysées dans leur capacité de gouvernement et de répression.

Nos orientations

Ainsi du point de vue de l’utilisation tactique de la revendication des libertés démocratiques, parce que l’objectif des communistes révolutionnaires est de participer à tout mouvement de lutte en cherchant à le pousser au maximum de ses possibilités tout en lui apportant ce que seul le communisme peut lui donner, il faut se préserver de 2 erreurs. Il convient de se garder à la fois d’une interprétation réformiste (démocratisation de l’Etat comme but ou cousue étape nécessaire) et d’une interprétation mécaniste (selon laquelle cette revendication serait, par elle-même, une étincelle mettant le feu aux poudres et engageant automatiquement un processus révolutionnaire en l’absence des conditions politiques qui en sont les facteurs indispensables).

Pour conclure il convient de rappeler que les libertés démocratiques (c’est-à-dire liberté d’expression, d’organisation, de manifestation, droits culturels, droits sociaux, égalité des femmes, etc.) constituent des objectifs importants et vitaux qui doivent être conquis de haute lutte car ils ne sont jamais garantis aux exploités dans la société bourgeoise et qui sont autant de points d’appui précieux dans le mouvement même de la lutte des masses. Mais cette revendication est utilisée en même temps comme un tremplin par les forces réformistes et collaborationnistes qui ont pour objectif de la transformer en étendard pour la Démocratie (d’ailleurs l’expérience a déjà montré que le slogan « libertés démocratiques » pouvait devenir « Démo­cratie » dans la bouche de certains).

C’est pourquoi chaque fois que nous pourrons développer des initiatives de parti dans le cadre d’une tactique directe nous préférons avancer une formule comme « libertés politiques » expression classique du marxisme ou mieux « liberté pour les masses ». Une telle formulation tout en répondant aux besoins des masses nous fournit dans le même temps l’occasion de dénoncer les manœuvres et les pièges tendus par les faux amis de la lutte des masses.

Pour que les choses soient claires et dans le but de briser dans l’œuf toute tentative de polémique vicieuse et immature précisons que les objections que nous faisons quant à l’utilisation, en tant qu’organisation communiste révolutionnaire, du slogan « libertés démocratiques » ne découlent ni d’un indifférentisme à l’égard des luttes politiques partielles ni d’un formalisme puriste ou académicien. Il s’agit pour nous de mettre réellement en pratique l’ambition des communistes qui est de chercher à renforcer le mouvement de lutte contre les dangers rencontrés.

C’est pourquoi nous dirons clairement que le fait de brandir la revendication « libertés pour les masses » ne signifie nullement que nos militants et sympathisants doivent se détourner des mouvements et des comités qui avancent la revendication de « libertés démocratiques » pour autant que cela soit sur le terrain de la lutte réelle. Dans ce cas, qui correspond à une situation de tactique indirecte où le parti révolutionnaire doit se déterminer non pas par des initiatives spécifiques nais par rapport aux initiatives prises par le mouvement social ou d’autres forces combatives, notre objectif est d’intervenir au sein de la lutte pour donner à cette revendication un contenu dynamique capable de satisfaire les exigences incompressibles des masses et pour l’intégrer dans une perspective de combat classiste en rupture avec les criminelles manœuvres réformistes dont le but est de trahir les masses.

Pour nous, en ce sens, mais en ce sens seulement, la revendication « libertés démocratiques » signifie « liberté pour les masses » car les masses et elle seules seront capables de mener à bien leur propre émancipation !

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