Article de Michel Collinet paru dans La Révolution prolétarienne, n° 343 – Nouvelle série n° 42, septembre 1950, p. 11-16

L’opinion et la presse évoquent souvent la présence des Nord-Africains dans la région parisienne, non généralement pour décrire leur misère et chercher à y parer, mais pour affoler le bourgeois sur leur prétendue criminalité. En avril dernier, j’ai donné au journal Franc-Tireur huit articles où, entre autres choses, je démontrais l’inanité de ces accusations. Je n’ai pas l’intention de reprendre pour les lecteurs de la R.P. tout ce que j’y ai écrit (je les renvoie au journal en question) mais je tiens ici à résumer brièvement mes articles précédents et à les compléter par des considérations inédites sur la spoliation officielle dont sont victimes les Nord-Africains, particulièrement les Algériens, formellement citoyens français.
Une statistique approximative
Il est impossible de dénombrer l’immigration algérienne en France : entre 300.000 et 500.000 peut-être, sur lesquels 100.000 travaillent effectivement. Beaucoup de travailleurs sont saisonniers. Ce sont ceux qui viennent s’embaucher dans les exploitations agricoles ou dans la construction des barrages hydroélectriques.
L’an dernier, la préfecture de la Seine avait recensé dans le département 100.000 Algériens, plus 8.500 Marocains et Tunisiens environ. Ces derniers, citoyens « protégés », ne peuvent venir en France qu’avec un passeport et un contrat de travail. Mais les Algériens viennent librement, logent les uns chez les autres, voués pour la plupart d’entre eux à une existence nomade. C’est pourquoi, le nombre de 100.000 est un minimum. Sur ces 100.000, 25.000 travaillent régulièrement. Que deviennent les autres ? Beaucoup, sinon tous, n’ont jamais travaillé et ne peuvent s’inscrire au chômage. Ils vivent ainsi aux crochets de leurs compatriotes plus débrouillards. On peut donc dire qu’un travailleur algérien nourrit, non seulement sa famille restée en Afrique, mais aussi trois camarades qu’il loge si possible chez lui. J’ai vérifié moi-même le fait.
Pour expliquer une immigration si misérable, il ne suffit pas de parler de nomadisme invétéré ou de propagande intéressée. La seule cause sérieuse est l’effroyable misère de l’Algérie, pays où les ouvriers agricoles gagnent 150 francs par jour. Chaque année, la population s’y accroit de 130.000 personnes. La récolte par tête de population musulmane y était de 5 quintaux en 1872, elle n’était plus que de 2 quintaux en 1948. Le salaire recueilli en France, si misérable soit-il, permet à 100.000 familles de ne pas mourir de faim au sens physiologique du terme. On évalue que plus de la moitié des salaires ainsi versés en France va en Algérie. A cela, il faut ajouter les allocations familiales sur la base de 1.875 francs par enfant et par mois. Nous reviendrons plus loin sur ce grave problème. En attendant, voici des exemples pris sur le vif lors de mon enquête effectuée l’hiver dernier.
Une vie entre mille
Des milliers d’Algériens s’entassent dans les passages poussiéreux du quartier des Grésillons entre Gennevilliers et Asnières. Chaque maison y est un hôtel et chacun y possède un « café » avec quelques tables et banquettes. Point remarquable : les bouteilles y sont rares, les verres pleins encore plus. C’est là, mobilier inutile pour la clientèle nord-africaine qui boit du thé quand elle boit ! Dans les coins, des groupes jouent au domino. Une jeune femme avec de longs cheveux blonds nous apporte à mes compagnons et à moi des verres de thé sucré. Elle aussi est immigrée … des Côtes-du-Nord.
Mahdi K … me parle. C’est un Berbère arabisé de Medjana, arrivé en septembre 1948 à Paris. Il a laissé en Algérie sa mère, sa femme et quatre enfants en bas âge.
– Pourquoi êtes-vous venu en France ?
– Où j’habite, il n’y a pas de travail ! Trois mois par an seulement comme ouvrier saisonnier, à 150 francs par jour, à travailler comme des bêtes, du matin au soir, chez des colons. Pas d’industrie non plus. Aller dans une ville d’Algérie ? Nous y sommes traités comme des étrangers, bien plus qu’ici où, au moins, on nous ignore le plus souvent, et puis, il y a encore moins de travail qu’ici. Chez moi, en vendant des figues, des olives et quelques légumes, j’arrivais à 2.000 francs par mois.
Il y en avait d’autres qui avaient expédié, au bout de 14 mois d’absence, près de cent mille francs à leur famille ! Alors, il faut partir. Celui qui ne part pas n’est pas un homme. Il ne veut pas jouer sa vie pour la gagner.
– Et comment avez-vous réglé votre voyage ?
– J’ai emprunté dix mille francs, à 25 pour cent. Le trajet jusqu’à Alger m’a coûté 1.100 francs, le bateau et le train jusqu’à Paris, 5.400 francs. J’ai débarqué dans cette rue et je ne l’ai plus quittée.
– Et vous avez trouvé un logement et du travail ?
Pour le lit, heureusement que l’hôpital en pompe quelques-uns, mais les candidats sont nombreux. Pour le travail, je suis dans le vernis depuis janvier 49, comme manœuvre gros travaux.
Il me tend sa feuille de paie. En novembre, pour 160 heures normales plus 28 supplémentaires dont 5 de nuit, il a touché 12.961 francs dont il faut retirer 778 francs de Sécurité sociale, soit 12.183 francs net.
– Et avec ça ?
– Avec ça, j’ai payé en dix mois mon usurier et envoyé à ma famille de 2.000 à 4.000 francs par mois ; moi je vis avec 7.000 à 9.000 francs par mois ; mon lit me coute 900 francs, ma part de charbon (nous sommes trois sur le poêle) 300 francs. La cantine d’usine me donne pour 80 francs un plat garni et un dessert. Cela fait 100 à 110 francs avec le pain et la bière. Aussi j’aime mieux me faire une gamelle moi-même.
– Et le couscous ?
– Tous les vendredis, nous nous mettons à quatre pour acheter un kilo de mouton, un kilo de semoule. Avec les ingrédients (beurre, piments, légumes), nous en avons pour 1.000 francs.
En dehors de ce « luxe » hebdomadaire, la vie de Mahdi K … se déroule entre le morceau de viande trop rare et le vêtement trop rapiécé. La sous-alimentation creuse ses joues bronzées et ce « manœuvre gros travaux » me semble terriblement faible pour manipuler de lourdes masses …
– Quand je ne mange pas de viande, je bois un litre de lait. Tout irait bien si je pouvais avoir les deux à la fois !
– Votre famille touche-t-elle des prestations ?
– Oui, au taux algérien, 1.875 francs par mois et par enfant. Nous obtenons 22.500 francs par trimestre, payés à nous par la caisse d’Alger ; mais après quelles complications de papiers et de procurations ; et un retard de plus de six mois !
– Si votre famille habitait la France, elle recevrait des prestations au taux de la métropole, ce qui vous ferait, si votre femme ne travaillait pas, 18.250 francs par mois au lieu des 7.500 qu’elle reçoit en Algérie.
– D’accord ! Je le sais, mais comment voulez-vous que je la loge ?
Ainsi, à chaque moment se pose le problème le plus grave de notre époque, celui qui conditionne tout le reste : à quoi bon créer de l’emploi pour les Algériens si la question élémentaire de leur logement n’est même pas abordée !
Une chambre noire et humide
– Peut-être, dit son camarade A … H …. , qui n’était pas intervenu jusque-là ; mais le travail c’est tout. Si on le perd, la famille perd tout d’un seul coup, non seulement ce qu’on lui envoie mais aussi les prestations.
– Moi, je ne me plains pas. A mon usine d’accus j’ai fait un mois de 255 heures avec des journées de 12 heures dont 11 de travail. Pour cela, j’ai touché 20.500 francs net. J’en envoie la moitié à ma femme et mes trois enfants.
Cet homme ne soutient sa famille qu’au prix de sa santé et du chômage de ses camarades. Il m’invite à visiter son hôtel.
Nous traversons la rue et poussons une petite porte : une cour étroite comme un puits. Je distingue au-dessus de ma tête des passerelles métalliques qui relient un bâtiment à l’autre. Nous montons un escalier en plein air dont la rampe en bois est gluante et trempée.
Sur le palier des ordures piétinées donnent un certain relief à une épaisse couche de boue. La raison en est que le poste d’eau du palier sert en même temps de déversoir à ordures, d’évier à vaisselle pour tout l’étage et il est souvent bouché ! A côté, une porte désarticulée s’ouvre sur une tinette qui doit servir aussi de déversoir pour objets divers. Nous franchissons la passerelle, pour pénétrer dans le second bâtiment dépourvu d’escalier. A … H … frappe à une porte.
– C’est là qu’habitent mes cousins, me dit-il, je vais vous présenter. Moi j’habite au-dessus.
Ses cousins logent à deux dans une étroite chambrette. Il est huit heures du soir et une épaisse vapeur sort de la marmite sur le poêle. La fenêtre qui donne sur le puits de la cour est hermétiquement fermée. L’eau ruisselle sur les murs où s’écaillent des morceaux de peinture verte. Deux lits militaires avec des draps de même origine. Du linge sèche (?) pendu à des ficelles ; un plancher en ciment. Le prix de ce cabinet noir est modique : 1.920 francs par mois. Ce n’est pas exagéré alors qu’à la porte de Clichy, on paye 250 francs par jour avec de la vue, il est vrai. Les deux hommes sont manœuvres à la même usine qu’A … H … , mariés et pères de quatre et deux enfants. Ils viennent du douar Colla au nord de Sétif, et le premier en est à son second séjour à Paris. Il était reparti dans son douar en 48, mais la vie y était impossible. Mieux vaut mille fois le trou noir à 1.920 francs que le Tell ou l’on ne travaille ni ne mange. Relativité dans la misère !
Au mur, quelques photos tâchées de rouille : des jeunes mariés en habit bourgeois, un uniforme kaki de l’armée d’Afrique, un calendrier arabe avec un panorama de la grandiose rade d’Alger, etc. Entre ces témoignages d’une vie banale mais normale et ces deux solitaires qui tisonnent leur feu, au milieu d’une vapeur froide, il y a l’escalier où la joie de vivre a fini par s’engluer.
Une communauté de travailleurs et de chômeurs
Rue de P … , à Gennevilliers. On traverse un bâtiment, puis une cour ; au fond, d’anciens ateliers ou remises sans étage. On y entre de plain-pied par une porte vitrée au verre dépoli. Une chambre de 5 mètres sur 4 est éclairée par une ampoule suspendue au bout d’un fil. Je dis « éclairée » par convention, car j’ai l’impression d’y voir les choses à travers un brouillard malodorant. Il y a cinq lits en fer munis de sommiers mais non de matelas. Une paillasse roulée entre les lits et un polochon fait d’un sac de grosse toile bourré de copeaux indique qu’une sixième couchette est normalement disponible. Sur le sol de terre battue, une carpette décolorée montre sa corde. Une septième personne peut à la rigueur s’étendre là. Il n’y a ni armoire ni chaises : quelques vêtements et couvertures de type militaire pendent à des ficelles qui vont d’un mur à l’autre ; une table sur laquelle je découvre un morceau de graisse dans du papier et une cuvette en fer désémaillée et enfin dans l’angle des murs un poêle rond d’où suinte doucement une petite fumée piquante. Dehors, le ciel est brumeux et le poêle tire mal. Assis sur une caisse, un homme jeune pèle des pommes de terre. Cuites dans de la graisse, elles constitueront le plat unique du diner des huit occupants de cette chambre.
– Sur les huit que nous sommes, me dit-il, quatre seulement travaillent. Notre situation s’est améliorée. La semaine dernière nous avons logé à douze et les quatre, aujourd’hui partis, ne travaillaient pas non plus. J’ai vingt-trois ans et suis depuis quinze mois en France. Avant d’être ici, j’avais travaillé sept mois à Montbéliard ; maintenant je suis dans le caoutchouc.
Il me tend sa feuille de paie. A l’entreprise W … il vient de toucher 5.500 francs net pour une quinzaine de 96 heures.
Trois de ses camarades viennent d’entrer et se groupent autour du poêle. Je regarde l’un d’eux : un homme entre deux âgés avec une assez forte moustache et un béret basque ; il reste assis comme hébété au bord d’un lit, ma présence ne lui semble nullement insolite. A un geste du regard, mon interlocuteur répond :
Celui-là n’a pas de veine, il est trop vieux et ne parle guère le français ; ça fait cinq mois qu’il est ici. Il n’y a jamais rien pour lui. Malheureusement, il a des enfants là-bas.
Là-bas, c’est le territoire de la commune mixte de Guergour, d’où viennent les hommes qui se succèdent dans cette chambre ; là-bas, chacun gratte sa terre comme il peut, mais ici la solidarité est absolue dans cette petite escouade de naufragés, perdus dans la foule anonyme des banlieues surpeuplées
Les deux qui sont entrés avec lui travaillent. L’un dans une usine de pneus touche 5.745 francs par quinzaine ; il a une femme et trois enfants en Algérie ; il leur envoie 3.500 francs par mois. Le dernier, dans une entreprise de charpentes, se fait 2.406 francs par semaine; c’est un homme petit et sec ; il a deux enfants et se lamente car il ne sait encore s’ils ont touche l’allocation : celle-ci n’est versée chaque trimestre qu’au bout de longs mois d’attente, par la caisse algérienne … et le douar est loin !
Huit hommes vivent ici sur un budget mensuel qui ne doit pas dépasser 20 à 25.000 francs. Leur nourriture est monotone : pommes de terre et haricots ; du mouton, une fois par semaine !
Ce rez-de-chaussée est naturellement humide : avec le mur de briques minces apparaissant derrière les déchirures du plâtre, l’absence de perron et de grenier. La popote étant faite dans la pièce, la vapeur se dégage et va se condenser en gouttelettes à toutes les écaillures de plâtre. L’atmosphère bleutée pique la gorge; ce mélange d’humidité et de fumée, quel merveilleux véhicule pour les bacilles pulmonaires ! Gennevilliers ne tient-il pas la tête pour la tuberculose ?…
La tuberculose décime les Algériens
La tuberculose, d’après les témoignages médicaux, fut introduite en Algérie dans les fourgons de l’armée française. Chose inouïe : sauf exceptions, cent ans après la conquête, c’est encore en France que l’Algérien vient contracter le terrible mal. Le paysan berbère passe brusquement d’une atmosphère sèche et riche en oxygène à l’air humide, chargé de gaz carbonique et de poussières virulentes des taudis parisiens ; il est alors réceptif comme un enfant. Saleté, promiscuité et sous-alimentation sont les grands agents de propagation. Ajoutons à cela que les Algériens, presque tous manœuvres dans la métallurgie et les produits chimiques, font les travaux les plus pénibles, passent brusquement d’un four brulant à la brume glacée des nuits d’hiver … De plus, à travaux identiques, la sensibilité pulmonaire du Nord-Africain est plusieurs fois supérieure à celle de son camarade français. Aucune statistique n’existe, mais d’après les dépistages des dispensaires, et les entrées à l’hôpital franco-musulman, les compétences pensent que le quart des Nord-Africains est atteint par le bacille.
La streptomycine, ce nouvel antibiotique, guérit radicalement en deux mois. Malheureusement ce que la science fait, l’anarchie sociale le défait. Pour le Nord-Africain guéri, il faut une convalescence de six mois au moins, pendant laquelle une surveillance est nécessaire.
S’il retourne en Afrique, il perd automatiquement le versement de la Sécurité sociale pour son congé de longue maladie. De plus, n’étant pas surveillé en Algérie, où la lutte antituberculeuse est presque inexistante, il récidive et contamine sa famille.
S’il reste en France, les présanatoria manquant, il retourne à son taudis, récidive et contamine ses camarades. De plus, sa famille ne recevant ni surplus de salaire ni allocations familiales, il se remet, si possible, à travailler et alors …
Quand, par hasard, il trouve une place dans un sanatorium, isolé et incompris, dévoré d’angoisses, il le quitte à la première occasion.
La lutte contre la tuberculose doit, pour être efficace, s’attaquer aux causes sociales : la misère et le taudis ; sur le plan strictement médical, les mesures suivantes devraient être prises :
a) Création d’un fichier sanitaire et d’un carnet individuel de santé ;
b) Vaccination préventive à l’arrivée en France ;
c) Construction de présanatoria pour les convalescents.
On voit ainsi que les Nord-Africains sont victimes non seulement de leur condition particulièrement pénible de salarié mal payé mais en plus de l’état d’exception où le gouvernement tient les territoires africains.
Le Nord-Africain est-il condamné à rester manœuvre ?
Il n’y a pas que la tuberculose qui ronge les poumons, il y a aussi l’ignorance, qui laisse le travailleur nord-africain sans défense. Aujourd’hui, moins de 10 % des enfants algériens reçoivent une instruction primaire. L’écrasante majorité des Algériens qui travaillent à Paris ne sait lire ni le français ni même l’arabe. Par des moyens de fortune, on essaye de parer à cet état de choses. Des entreprises (comme la régie Renault), des œuvres privées, le ministère de l’Education nationale (celui-ci avait 3.000 élèves dans la Seine en 1949) ont monté des cours de français. Ils n’atteignent que des minorités : celles que la chance ou plus généralement une énergie farouche poussent à quitter leur triste condition. Beaucoup de gens, patrons et même ouvriers, nient que le Nord-Africain ait une aptitude à diriger des machines et – à plus forte raison – à devenir un travailleur qualifié. Cette opinion assez répandue semble un préjugé et une méconnaissance des conditions réelles de transplantation qu’il a subies. On m’a cité une usine du Nord où près du tiers des Nord-Africains est qualifié. La Commission algérienne de l’industrialisation (U.N.I.T.E.C.) écrivait sur les apprentis algériens :
« Nous avons vu des ouvriers, même débutants, avoir rapidement au plus haut point l’amour de leur métier ou de leur machine … La où certains craignaient paresse, négligence, incapacité, nous n’avons trouvé que curiosité, désir d’apprendre, fierté d’avoir réussi, estime et respect de l’instructeur et du chef compétent. »
Mais ce ne sont pas les cours du soir – si utiles soient-ils – qui redresseront l’Algérie, et sa population musulmane, de l’abîme d’ignorance et de misère où elle est plongée. Là encore le problème dépasse les initiatives particulières et les velléités administratives. C’est le problème de la faillite du colonialisme à « civiliser » les populations soumises.
Dans les centres d’hébergement
Le département de la Seine gère cinq centres d’hébergement pour les Nord-Africains ; situés à Boulogne, Nanterre, Gennevilliers, rue de Tocqueville et rue Lecomte. Celui de Boulogne, rue Damiens, est un grand immeuble en ciment armé avec de larges terrasses en escalier. Construit en 1935 pour une société des foyers ouvriers nord-africains, il ferma en 1939, faute de clients. S’y logèrent successivement des Allemands, des Américains et des refugies. Depuis 1947, il est rendu à sa première destination et on y héberge environ trois cents Nord-Africains. Ils payent 35 francs par jour pour un lit avec draps et couvertures (plus 9 francs pour les douches, 20 francs pour les bains). Les chambres aérées de deux, trois ou quatre lits possèdent des fourneaux à gaz surmontés de hottes pour la cuisine. N’oublions pas qu’a dépenses égales, les Nord-Africains donnent toujours la préférence à la cuisine faite par eux. Lavabos et w.c. n’y sont pas mieux installes que dans les traditionnels casernements de l’armée française ; mais, me dit le gérant, ses pensionnaires s’accommodent mal de lavabos émaillés (?).
Dans un tel centre, le chômeur n’est pas admis. Les pensionnaires travaillent chez Renault, Ripolin ou Gevelot. Là, l’embauchage se fait par tribus. Au centre, une majorité d’Oranais (Tubesche, Achache … ) et une minorité de Kabyles (Tizi-Reniff, Dra el Mizan … ). Les salaires sont de 12 à 18.000 francs, mais ces travailleurs arrivent à vivre avec 5.000 francs par mois. Chaque mois des centaines de mille francs sont expédiées aux familles algériennes …
Les centres de Nanterre, de Gennevilliers et de la rue de Tocqueville sont régis de la même façon que celui de Boulogne. Là encore, il ne s’agit que de Nord-Africains ayant un emploi et payant un léger loyer chaque mois. Au contraire, le centre de la rue Lecomte est réservé aux seuls indigents. La durée du séjour ne peut y excéder un mois. Un millier de Nord-Africains y passent chaque année. Inutile d’insister sur ce que l’expulsion d’un sans-travail peut avoir de dramatique et d’inhumain … Chaque nuit des pensionnaires clandestins viennent se cacher sous les lits de leurs camarades !
Au total, le département entretient un millier de lits environ pour héberger les Nord-Africains. Ajoutons à cela, l’hospice de la Croix-Rouge à Vaugirard et le fort de la Double-Couronne à Saint-Denis créé par le ministère du Travail avec des subventions patronales (1), soit au total 400 lits environ ; nous avons fait le tour de l’assistance aux Nord-Africains dans le département de la Seine. On le voit : une goutte d’eau dans l’océan.
Des projets sont en cours pour créer six nouveaux centres de 300 lits chacun à Gennevilliers, Stains, Montreuil, Vitry, Issy-les-Moulineaux, Asnières, mais cela coûterait 600 millions au département ! De 1946 à 1950, le département a dépensé 260 millions en assistances diverses (sauf l’hôpital franco-musulman de Bobigny), il a reçu en plus du ministère du Travail une subvention de 6 millions et du gouvernement général d’Algérie, la somme vraiment astronomique de 250 mille francs ! Ainsi ce que les colons refusent de payer retombe sur les contribuables parisiens.
La charité privée ou publique n’a jamais résolu un problème social qui est d’ailleurs lui-même la conséquence du problème africain. Cela dépasse la compétence d’un département et relève plutôt des Nations Unies ou de tout autre organisme international. L’assistance ne peut être autre chose qu’individuelle ou exceptionnelle. Ce ne peut être le cas ici : emploi, qualification, sécurité, santé sont des problèmes créés par l’expansion capitaliste en Afrique, dont les répercussions se font sentir dans la métropole. Leur solution aboutirait à faire du Nord-Africain, aujourd’hui un paria hors de la société, un travailleur appartenant à la société.
L’Algérien est un citoyen formel
Les musulmans d’Algérie sont citoyens français. On le leur a dit et ils voudraient le croire. Ils sont citoyens cent pour cent quand ils se font tuer, mais dans la paix ils ne bénéficient pas de la même législation que les vrais citoyens, ceux de la métropole. A la place de l’égalité des droits, il n’y a encore de réelle que l’égalité des risques devant la guerre et ses horreurs. Sur tous les autres plans, ceux qui intéressent un homme du berceau à la tombe, il n’y a qu’inégalité et injustice.
Il n’y a pas de risque maladie dans la caricature de Sécurité sociale existant en Algérie. Le contrôle médical y est d’ailleurs pratiquement nul. Le résultat est qu’un travailleur en France, ayant besoin d’un congé de plusieurs mois, ne peut rentrer le passer dans sa famille, en Algérie. Comme il n’existe pas de maison de repos pour lui en France, il passera son « congé » dans son taudis. Inutile de commenter ce qui en résultera pour lui-même et pour l’hygiène publique.
Une source d’inégalités : les allocations familiales
L’inégalité et l’injustice sont encore plus flagrantes dans la question des allocations destinées aux familles restées en Afrique.
Pour les Marocains et Tunisiens, il n’existe à l’heure où j’écris aucune allocation pour leurs familles restées en Afrique ; ils sont purement et simplement considérés comme des ouvriers étrangers. On se demande alors au nom de quelle conception logique on dénie au Maroc et à la Tunisie la qualité de nation étrangère et partant souveraine.
Les Algériens, « citoyens français », n’ont pas droit au bénéfice des lois françaises ; ils doivent travaillant en France – se contenter de la loi algérienne. L’article 25 de la loi du 22 août 1946 réorganisant les prestations familiales nous dit :
« Le régime des allocations familiales, existant en Algérie … est étendu aux salariés, qui travaillent en France métropolitaine dans les professions visées par ce régime, et dont les enfants résident en Algérie. »
Or, dans le régime algérien, seuls 200.000 salariés de l’industrie et du commerce bénéficient des allocations. La masse des ouvriers agricoles, à 150 francs par jour, n’a rien. Conséquence : les travailleurs agricoles en France n’en bénéficient pas non plus. On ne s’étonne pas alors qu’il n’y ait que 750 Algériens dans l’agriculture sur 100.000 travailleurs. Des personnes bien intentionnées demandent que les Algériens se mettent en France à la garde des troupeaux. Avant d’entendre cette nouvelle symphonie pastorale, il serait bon de modifier l’article 25 !
De même, les versements à la famille cessent dès que le travailleur est mis en chômage. Le chômeur inscrit ne touche rien pour ses enfants. Je suis convaincu que la négligence des Algériens à se faire inscrire dans un bureau après avoir quitté un travail, serait très atténuée s’ils avaient les mêmes avantages que leurs camarades de la métropole.
Bien que les versements en Algérie émanent des caisses françaises, il est avéré qu’il faut environ neuf mois entre la présence au travail et le versement de la première allocation. En plus de l’absence d’état civil régulier (les musulmans n’ont pas de livret de famille), les paiements trimestriels font de longues stations entre Paris et l’administrateur de la commune, ou un parent doit venir – de fort loin souvent – pour le toucher. On ne peut qu’approuver l’Assemblée de l’Union française qui a préconisé le versement direct des caisses françaises par la voie postale.
L’inégalité entre Français et musulmans devient particulièrement révoltante quand on compare les taux d’allocations versées. L’Algérien ignore l’allocation de salaire unique bien que sa femme ne travaille jamais. Sa famille reçoit une allocation uniforme de 1.875 francs par mois et par enfant, à partir d’un salaire mensuel de 12.500 francs (au-dessous, elle touche 15 pour cent du salaire mensuel). Or les familles de quatre enfants sont fréquentes en Kabylie. Pour notre lecteur, nous avons dressé le petit tableau comparatif suivant :
Nombre d’enfants | Allocations payées aux familles algériennes | Allocations françaises (avec salaire unique) | Différence en faveur des Français |
0 | 0 | 1.200 | 1.200 |
1 | 1.875 | 2.400 | 525 |
2 | 3.750 | 7.850 | 4.100 |
3 | 5.625 | 13.350 | 7.725 |
4 | 7.500 | 18.250 | 10.750 |
Il est inutile d’insister sur la pénalisation qui frappe ainsi les familles habitant l’Algérie. Or les entrepreneurs versent pour les Algériens le même pourcentage que pour les Français, soit 16 pour cent du salaire versé, mais les Algériens ne bénéficient pas des mêmes prestations. Nous aboutissons ainsi à une véritable escroquerie aux dépens des Algériens (2). Ajoutons encore que ces derniers n’ont aucune autre allocation (maternité ou prénatale). Quelle est donc la solution pour un ouvrier algérien ? Elle est de faire venir sa famille en France pour qu’elle touche intégralement les allocations. « Bravo, dira-t-on, voilà une solution saine moralement et physiquement ! » Il y a un petit malheur à cela : pas de logement pour la femme et les gosses.
Malgré cela, on voit se dessiner, depuis quelques mois, un mouvement de caractère nouveau. Avant la guerre, le nombre de femmes musulmanes à Paris était inexistant (une vingtaine d’après Louis Massignon). Aujourd’hui, on en voit de plus en plus de ces malheureuses, transplantées brusquement dans un monde qu’elles ignorent, et où elles doivent, sans trop déroger à de vieilles habitudes d’isolement, assurer la vie du ménage. On en rencontre à Boulogne, dans le 15e, le 14 et jusque dans une maison de passe de la rue Quincampoix, entassées avec leurs enfants dans une chambrette d’hôtel, et couchant par terre. Et voilà de nouveaux nids à tuberculose, de nouvelles sources à faits divers pour les journaux spécialisés et … vive la famille, n’est-ce pas ?
Le travailleur algérien assis entre deux chaises
Le travailleur algérien vivant en France subit dans sa vie quotidienne les effets contradictoires du statut organique de l’Algérie. D’après l’article 4, il jouit en France de tous les droits attachés à la qualité de citoyen français ; sa femme et ses enfants restés en Algérie ne jouissent que des droits agréés par l’Assemblée algérienne, d’après l’article 14 du même statut. En France, le travailleur algérien a la même protection que son camarade français ; en Algérie, sa famille n’a aucun des avantages dont bénéficie celle de son camarade.
Telle est la contradiction qu’un système bâtard additionne d’une fausse démocratie provoque dans la vie de la famille algérienne. Citoyen français diminué, mais non plus citoyen d’une puissance libre, associée ou non à la France métropolitaine ; ce problème politique ne peut à nos yeux qu’avoir une solution politique dans l’un ou l’autre sens que l’histoire finira bien par imposer !
Aujourd’hui, l’Assemblée algérienne s’occupe d’une pseudo Sécurité sociale (risque maladie) qui impliquerait la création d’un réseau de caisses professionnelles, incapables de remplir leur but. Il est certain que de l’assemblée introuvable d’Alger, on ne peut espérer une unification des prestations familiales entre les deux pays.
Ici, j’entends la voix désintéressée des statisticiens :
« Augmenter les prestations familiales dans un pays où il y a déjà trop de naissances serait un contresens démographique et économique. Il faudrait au contraire décourager la natalité par leur suppression. »
Si l’on admet cette manière statistique de raisonner, il faut le faire loyalement et admettre en contrepartie d’une diminution des prestations une augmentation du salaire individuel. L’expérience montre que les salaires individuels élevés n’ont jamais favorisé le « lapinisme ». Je doute cependant que cette solution soit très bien accueillie par les employeurs algériens …
Le jour où le niveau de vie algérien tendrait à se rapprocher du niveau de vie français, l’équilibre serait rétabli entre les deux vases communicants. Cela signifierait que la misère et la surpopulation qui lui est liée sont également vaincues. Ce n’est pas pour aujourd’hui.
Donner aux Algériens ce qui leur appartient
Imaginons un instant que surmontant l’obstacle du logement, les familles des 100.000 ouvriers algériens viennent habiter la France et supposons, ce qui n’a rien d’exagéré, qu’elles aient chacune deux enfants, la caisse des allocations familiales serait obligée de débourser un supplément de 4.100 francs par mois par famille, c’est-à-dire 410 millions en tout, ou par an près de 5 milliards (ceci n’est qu’un ordre de grandeur, qu’un calcul exact modifierait peut-être de 1 à 2 milliards).
Ajoutez-y les allocations prénatales et de maternité inconnues en Algérie et le maintien de ces allocations en cas de chômage. La Sécurité sociale devrait y ajouter ses allocations de maladie … Or, répétons-le, rien légalement ne saurait empêcher que ces citoyens français changent de « domicile » (si on peut appeler domiciles leurs niches à chien !). Il est absurde logiquement et juridiquement, il est contraire au principe de l’indivisibilité de la République d’admettre qu’un changement de domicile modifie un droit que le citoyen tient à la fois de la loi et de sa fonction sociale.
Le principe de la compensation, base des allocations, est nettement violé aux dépens des Algériens. Il faut leur rendre les milliards que l’on retient par une mesure discriminatoire injustifiable.
Faudrait-il pour cela augmenter la cotisation patronale de 16 pour cent sur les salaires versés ? Nous pouvons répondre catégoriquement : non. Le rapport du ministre du Travail (J.O. du 7 juin 1950) nous fournit les chiffres suivants pour l’année 1949, en ce qui concerne les seuls travailleurs salariés :
Recettes : 191.498 millions de francs.
Dépenses : 184.515 millions de francs, sur lesquelles les prestations (allocations familiales et allocations de salaire unique) représentent 172.437 millions auxquels il faut ajouter 6.514 millions de crédits pour l’action sanitaire et sociale.
Il existe donc un excédent d’environ sept milliards, au moins, qui couvrirait largement ce que l’on doit aux travailleurs algériens de la métropole.
Il y a deux façons de rendre cet argent à son véritable propriétaire. La première est de l’envoyer directement à sa famille en Algérie qui bénéficierait ainsi des mêmes avantages que si elle habitait la France. Ce serait conforme sinon à la justice du moins à l’égalité. Cependant, il existe trois arguments contre cette solution.
D’abord, elle accentuerait l’inégalité au sein des populations algériennes, tant que l’Assemblée d’Alger qui tient ses pouvoirs du Statut n’aura pas relevé le taux des allocations distribuées là-bas. Cette inégalité accentuerait l’immigration vers la France et rendrait impossible l’amélioration du prolétariat algérien de la métropole. Ensuite, elle encouragerait une fécondité élevée dont le besoin ne se fait nullement sentir. En troisième lieu, elle ne modifierait en rien la triste situation du travailleur vivant en France, qui ne peut être améliorée que par des mesures collectives.
Avec une Algérie au niveau de vie transformé ces arguments tomberaient, mais alors le problème de l’immigration serait bien près d’être résolu. Nous avons au contraire à travailler dans l’état déplorable d’aujourd’hui et à en tenir compte.
Pour une gestion collective des allocations
Il faut donc remettre collectivement cet excédent d’allocations aux travailleurs algériens en France, afin qu’il soit utilise pour l’aménagement de sanatoria, de foyers d’hébergement, la construction rapide, en matériaux légers, de cités ouvrières, et la formation professionnelle.
Ici se pose le problème de la gestion de ces fonds. Pour cela, il faut tenir compte de deux éléments psychologiques : le premier est la solidarité spontanée qui lie entre eux les immigrants nord-africains, surtout quand ils n’ont pas – ce qui est encore le cas général – amené leurs femmes avec eux ; solidarité de famille, de tribu, qui les pousse à s’agglomérer suivant leur village d’origine, mais qui dépasse la tribu pour devenir une véritable solidarité nationale et religieuse ! Le second est l’extrême méfiance parfois justifiée vis-à-vis des initiatives purement françaises et administratives à l’esprit desquelles ils resteront toujours étrangers.
Il ne faut donc pas songer à une organisation bureaucratique, nid à gaspillages et source de méfiance ou tout au moins d’indifférence. Il faudrait que l’on mette sur pied une vaste mutuelle entre Algériens – le cas des Marocains et Tunisiens doit être provisoirement disjoint, étant donné les statuts différents des trois pays (3). Mais, dans l’état actuel du niveau des travailleurs, il faudrait une mutuelle contrôlée avec participation de représentants de la métropole.
A côté des délégués – manuels et intellectuels – de la communauté algérienne musulmane en France, on pourrait adjoindre des représentants des différentes forces syndicales ouvrières et patronales de la métropole, enfin des représentants de l’Etat – ceux-ci en minorité. On aurait ainsi une sorte d’office public à gestion autonome, soumis au contrôle parlementaire, disposant des fonds de prestations familiales aujourd’hui non distribués, office qui, en plus, pourrait recevoir des subventions de personnes ou de collectivités (villes, départements … ).
La participation des Algériens à cet office devrait se faire par le canal d’associations à créer par eux-mêmes et qui pourraient se fédérer en une association unique. On me demandera : pourquoi pas une centrale syndicale algérienne en France ? A cela je réponds non, pour les raisons suivantes :
1) La place des travailleurs algériens est dans les syndicats de leurs camarades métropolitains ; il y a aujourd’hui assez de centrales de tendances différentes pour qu’ils obtiennent, sans trop de difficultés, de s’y faire une place ;
2) Une centrale syndicale purement algérienne ne serait certainement pas acceptée par le ministère de l’Intérieur qui trouverait des prétextes à sa dissolution ;
3) Une centrale syndicale ne pourrait accepter l’adhésion d’étudiants, de membres de professions libérales, de commerçants qui, dans le stade actuel des choses, pourraient jouer un rôle utile en contact avec les ouvriers industriels ;
4) Le rôle de cette association algérienne serait surtout de prendre une responsabilité dans la gestion d’œuvres collectives, fonction très différente de celle d’une centrale syndicale qui reste avant tout un organe revendicatif et combattant.
L’office ainsi créé aurait à prendre en charge l’instruction, la santé et l’hygiène des travailleurs algériens. Cette charge pourrait être étendue à leurs camarades marocains et tunisiens, si on modifiait les droits de ceux-ci, considérés comme étrangers, dans le sens d’une assimilation aux travailleurs français. (Aujourd’hui, leurs familles, résidant en Afrique, ne touchent pas d’allocations). L’office aurait à distribuer du travail, utiliser dans ses services et entreprises le maximum de main-d’œuvre algérienne compatible avec la qualification exigée. Il pourrait aussi, conformément à une suggestion de M. Ferhat Abbas, entretenir dans les ports algériens d’embarquement des foyers coopératifs où commencerait l’adaptation au monde moderne du paysan déraciné.
Créer une classe ouvrière
Un tel office ne saurait être éternel. Son objet serait avant tout de diminuer le fossé entre les vies des ouvriers algériens et français. Il n’aurait aucune raison d’être si l’Algérie bénéficiait de lois et d’un niveau d’existence analogues à ceux de la métropole. Aujourd’hui, les Algériens – et dans une certaine mesure, les Nord-Africains en général – forment un sous-prolétariat, sans défense, pour qui n’existent ni égalité de droit avec leurs camarades français ni égalité de condition. Il s’agit de réaliser sous une forme efficace cette double égalité.
Il y a cent ans, l’écrivain socialiste Flora Tristan s’était posé une question analogue devant les parias déracinés qui affluaient de la campagne vers Paris : comment transformer ces gens en travailleurs conscients, comment « constituer la classe ouvrière » ? Elle écrivait pour y répondre sa brochure prophétique l’Union ouvrière, gigantesque association qui à ses yeux devait donner aux ouvriers déracinés le minimum matériel au-dessous duquel il n’est pas de dignité possible.
C’est une suggestion analogue que nous présentons pour les immigrants d’Afrique du Nord.
M. C.
(1) Un groupement patronal a fondé une « association pour la création des foyers N. A. » (31, rue Médéric). Chaque entreprise s’y inscrit pour un certain nombre de lits à 30.000 francs chacun.
(2) Les ouvriers belges et italiens en France bénéficient d’un meilleur traitement que les Algériens « français ».
(3) Il faudrait que le statut futur des ex-pays de protectorat implique la réciprocité des droits entre citoyens des différents pays.
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