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Le contingent et le cessez-le-feu

Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 38, mars 1962, p. 1-2


A mesure que le cessez-le-feu approche, les attentats se multiplient dans les villes d’Algérie : des Algériens tuent des Européens, des Européens tuent des Algériens. Mais le scénario est différent dans les deux cas.

Premier cas : un Algérien commet un attentat. Les « forces de l’ordre » interviennent immédiatement, font usage de leurs armes et, toujours, plusieurs « complices » algériens, parfois 10 ou 15, parfois des femmes, des enfants « sont abattus » ; très souvent l’attentat provoque le rassemblement immédiat des Européens qui, sous les yeux des policiers, se livrent alors au lynchage et à la « chasse au raton » pendant des heures.

Deuxième cas : des activistes OAS tuent un, deux, dix Algériens, rengainent leurs armes et partent tranquillement. Les Algériens manifestent leur colère. Police et armée bouclent le quartier et tirent sur les Algériens : des nouveaux morts s’ajoutent aux premiers. Qui est complice de qui ?

L’indépendance approche et, avec elle, la fin des privilèges de la population européenne. C’est ce que l’OAS s’efforce d’empêcher. Racistes et colonialistes, les policiers et les officiers en Algérie, dans leur majorité, approuvent l’OAS, et en tous cas haïssent les « ratons » qui leur font perdre la face. Même convaincus que la seule issue est le départ, leur réaction devant une foule d’Algériens est automatique : appuyer sur la gâchette.

Sous prétexte de « défendre les Français », le cessez-le-feu risque d’offrir à ces gens l’occasion d’une horrible et basse vengeance. Car il est certain que la population algérienne descendra dans la rue, et il est non moins certain qu’elle n’acceptera pas que le cessez-le-feu et l’indépendance proche signifient être bouclé, entouré de barbelés et menacé de mort si on bouge.

Mais les OAS, les policiers et officiers activistes ne seront forts qu’à une condition : que les soldats du contingent acceptent de les appuyer.

Jeunes travailleurs, paysans et étudiants sous l’uniforme, les soldats sont armés. Jusqu’ici, on les a obligés à utiliser leurs armes contre les Algériens. Façonnés par la vie en France, par les préjugés et les idées qu’on leur a inculqués dès l’école, pris dans l’engrenage de la discipline militaire, ils ont fait métier de flic en Algérie, et on sait jusqu’à quel point certains ont été contaminés.

C’est en Avril 61, au moment du « putsch » de Challe, que, pour la première fois, le contingent a cessé d’obéir aveuglément aux officiers : les soldats ont refusé de suivre ceux qui voulaient continuer la guerre. Demain, si le cessez-le-feu est proclamé, si les Algériens manifestent, il faudra que les soldats du contingent aillent encore plus loin : il faudra qu’ils comprennent où sont leurs véritables ennemis.

LEURS ENNEMIS NE SONT PAS les ouvriers, les petits commerçants, les paysans les étudiants algériens qui veulent vivre comme des hommes et non plus comme des « ratons », qui descendront dans la rue pour crier leur joie d’une indépendance proche.

LEURS ENNEMIS SONT ceux qui leur diraient de tirer sur la foule, qui les inviteraient ainsi à se faire complices de l’OAS et des pieds-noirs racistes, ceux qui voudraient les utiliser pour assouvir leur vengeance.

LES SOLDATS DU CONTINGENT SONT ARMES. ILS VEULENT LA PAIX. ILS VEULENT REVENIR EN FRANCE.
L’INDEPENDANCE DE L’ALGERIE C’EST LA PAIX ET LE RETOUR.
A EUX DE SAVOIR SE SERVIR DE LEURS ARMES A BON ESCIENT.

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