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Le procès du M.N.A. à Alger

Article paru dans Nouvelle Gauche, 2e année, n° 34, du 12 au 25 octobre 1957

A Alger, devant le Tribunal Permanent des Forces Armées de cette ville, s’est déroulé à la mi-Août, un procès d’une grande importance : celui des membres du Comité Directeur du Mouvement National Algérien pour Alger, défendus par nos camarades Yves Dechézelles et Yves Jouffa, et par le Bâtonnier Talbi.

Procès important en effet, par son caractère politique affirmé, par la qualité des accusés, et leur haute tenue à l’audience, qui pour une fois fut remarquée par la presse colonialiste d’Algérie elle-même.

Les prévenus : Mustapha Ben Mohamed, Zitouni Mokhtar, Khider Ali, Belamine Lounès, Laadjal, Nadji, Raffa, et Ferkoul revendiquèrent hautement leur qualité de nationalistes et de membres du Mouvement National Algérien. Dans de longues déclarations faites par chacun d’eux, ils affirmèrent être des démocrates soucieux de l’avenir de leur pays, et être farouchement opposés à des actions terroristes aveugles.

Ils précisèrent que s’ils avaient pris le chemin de la clandestinité et de la lutte armée, c’est parce qu’ils n’avaient plus d’espoir d’obtenir autrement ce qu’ils revendiquaient : la liberté pour le peuple algérien de choisir seul son destin politique.

Ils se défendirent tous d’un quelconque racisme à l’égard de la population européenne. A la question : « Avez-vous ordonné des attentats contre des personnes » Zitouni répond : « non, jamais un membre du M.N.A. ne figurera à cette place en qualité de tueur ». Et Zitouni précisa que si certains individus avaient été exécutés, il s’agissait d’individus bien précis :

« Ces individus étaient les tenants de ce colonialisme que nous voulons combattre. Nous n’avons jamais attenté à des vies humaines, sous le prétexte que ces êtres humains aient pu être des européens ».

Mustapha Ben Mohamed, adjoint M.T.L.D. au Maire d’Alger, commença ainsi sa déclaration, écoutée dans le plus grand silence par les Juges militaires saisis par l’extraordinaire force de caractère qui se dégageait de cet homme :

« C’est un officier français, Antoine de Saint-Exupéry, qui m’a révélé les valeurs humaines ; et ce sont trois écrivains français Albert Camus, André Malraux, et Simone Weil qui ont le plus marqué mes idées sur la condition humaine ».

J’ai beaucoup d’amis français précisa Mustapha Ben Mohamed et j’en suis fier.

Après trois jours d’audience et de débats passionnés, le Tribunal rendit son jugement condamnant à mort Belamine Lounès, et à diverses peines de travaux forcés les autres membres du Comité Directeur.

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