Article de Robert Petitgand alias Robert Delny paru dans Masses, n° 1, janvier 1939, p. 12-18
Une révolution profonde est toujours précédée d’un vaste mouvement d’idées qui bouleverse de fond en comble les conceptions morales de l’ancienne société. A l’image idéale que l’on se faisait de l’homme se substitue une éthique nouvelle née des rapports originaux que la vie a introduits dans le corps social et dont la pression irrésistible fait éclater l’enveloppe des institutions arriérées. La brusque rupture d’équilibre qui fait chanceler l’ancienne organisation, se traduit d’abord par la démoralisation du vieil homme, incapable de contenir plus longtemps l’afflux des tendances juvéniles, endiguées jusque là par une contrainte aussi avisée que tyrannique. La philosophie des Lumières au 18e siècle ne se borna pas à dénoncer les privilèges ; elle entreprit également la critique des vertus séculaires de l’homme bien né, railla l’honneur aristocratique, réduisit la gloire féodale à la mesure d’un simple et parfois chimérique appétit. Le Jacobinisme n’aurait jamais pu accomplir sa tâche historique, si préalablement la doctrine philosophique n’avait précipité de leur piédestal, pour les faire rentrer dans la commune nature, les personnes héroïques des potentats féodaux.
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