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Souad Benani : France. L’intégrisme islamiste, une menace mortelle pour les femmes

Article de Souad Benani paru dans Inprecor, n° 389, mars 1995, p. 22-25


La montée de l’intégrisme islamiste au Maghreb, principalement en Algérie, constitue un péril mortel pour les femmes de ces pays. Les assassinats de femmes, certaines exécutées publiquement pour avoir refusé de porter le voile islamique ou pour être sorties bras nus, se comptent par centaines. Enlèvements, viols collectifs, égorgements sont, pour les femmes, l’actualité ordinaire d’un pays déchiré entre la dictature sanguinaire des actuels dirigeants de l’armée et les abominations des intégristes. L’évolution de la situation en Algérie ne peut manquer de retentir sur la situation de l’émigration en Europe et particulièrement en France où la population d’origine algérienne est nombreuse (800 000 Algériens plus tous ceux qui, même de nationalité française, se sentent des liens étroits avec leur pays d’origine).

A l’inverse, les intégristes ne peuvent espérer l’emporter en Algérie sans essayer de gagner ou de mettre au pas l’immigration algérienne en France qui exerce une influence non négligeable en Algérie même, d’un point de vue économique, en partie, mais surtout d’un point de vue culturel.

Même si l’insuffisance des liens du mouvement ouvrier en général et de l’extrême-gauche en particulier avec les milieux populaires de l’immigration maghrébine résidant dans les banlieues, ne permet guère d’en mesurer précisément l’ampleur et l’audience, trop de faits concordent : une offensive islamiste intégriste se poursuit. Pour parler clair, les dirigeants islamistes entendent faire jouer à la population d’origine musulmane en Europe et particulièrement en France où elle est la plus nombreuse, à leur profit et sur leurs bases, le rôle logistique et financier tenu par la Fédération de France du F.L.N. pendant la guerre d’Algérie. A l’énorme différence près que le F.L.N. menait une révolution anticoloniale contre l’oppression française alors que les intégristes conduisent une guerre contre leur propre peuple, au premier rang duquel les femmes, pour établir leur dictature théocratique et obscurantiste à la place de celle des actuels dirigeants de l’armée.

Une offensive contre les femmes

En France, comme par le passé en Iran ou aujourd’hui en Algérie, l’offensive islamiste prend d’abord les femmes pour cible. Cela n’a rien de surprenant. La religion et les sociétés traditionnelles musulmanes ont créé un terrain favorable à l’exacerbation des préjugés à leur encontre. Sans dresser la liste des abominations revendiquées et pratiquées par l’intégrisme, rappelons tout de même le mariage forcé, la polygamie, le droit à la répudiation, celui au viol conjugal, aux coups, la réclusion, etc. Ces pratiques ne sont certes pas l’apanage de l’intégrisme et elles restent en usage dans des pays et dans des milieux qui par ailleurs peuvent s’opposer à lui. Mais, conséquence de l’urbanisation, de la cohabitation avec la culture occidentale ne serait-ce que par la télévision ou la diffusion des moyens de communication… et de la revendication opiniâtre des femmes, ces habitudes ont pu sembler, un temps, en voie de régression.

L’intégrisme islamique entend non seulement enrayer cette évolution mais ramener les femmes quatorze siècles en arrière. Cela étant, il n’est pas question ici de religion. L’islamisme n’est pas une variante de la religion musulmane. C’est l’utilisation de cette religion à des fins politiques ultra-réactionnaires comme le fut l’intégrisme catholique de la première moitié du siècle alors utilisé, en France, par l’extrême-droite fasciste.

Nul ne peut douter de la réalité de cette offensive ni du fait que les femmes originaires des pays de tradition musulmane en soient le premier enjeu. Selon le ministre de l’éducation nationale François Bayrou, quatre élèves étaient voilées à la rentrée scolaire 1989, elles étaient près de 2 000 en septembre 1994. On peut discuter les chiffres. Mais, faute d’autres données, c’est malgré tout sur eux qu’il faut s’appuyer, d’autant qu’ils n’apparaissent pas hors de proportion avec les échos que nous pouvons avoir par ailleurs. Il n’y a pas de génération spontanée. Que des centaines d’élèves, probablement des milliers de femmes dans le pays, se soient mises à arborer le voile en quelques années n’est ni l’effet du Saint-Esprit, ni celui de leur brutal engouement pour le symbole de leur oppression, celui-là même que des générations de militantes et de militants progressistes se sont acharnées à obtenir le droit d’arracher. C’est le résultat direct ou indirect d’une campagne décidée et organisée par les intégristes, une campagne pour gagner les hommes en offrant aux plus arriérés d’entre eux la trouble compensation de faire payer aux femmes les humiliations qu’ils endurent comme exploités et comme immigrés.

Bien entendu, les motivations des filles qui se voilent « librement » peuvent être diverses et toutes n’adoptent pas, automatiquement et intégralement, les conceptions intégristes du rôle et de la place de la femme. C’est du moins ce qu’affirment celles qui s’expriment (ou qu’on laisse s’exprimer). Il est vrai que les autres, celle que leurs parents ou leurs frères contraignent à se voiler ne s’expriment pas. Le faire et dénoncer publiquement la contrainte serait le début d’un combat autrement difficile que de renoncer au voile.

Peut-être que quelques filles souhaitent afficher leur identité (et leur haine du racisme) en arborant le voile. Mais des milliers, et peut-être des dizaines de milliers d’autres revendiquent qu’il reste interdit pour n’être pas obligées, elles, de le porter contre leur volonté. Le hidjab islamiste est un uniforme intégriste, c’est un signe d’intolérance qui insulte celles qui ne le portent pas considérées comme des « putes » ainsi que le rapporte Taslima Nasreen.

La réalité de l’offensive

Selon les informations parcellaires que nous pouvons avoir, des dizaines (des centaines ?) d’associations peu ou prou inspirées par les intégristes agissent dans les quartiers dans nombre de domaines de la vie associative, suppléant dans une certaine mesure, le rôle social que les services publics négligent et celui que les associations, les syndicats et les organisations de gauche ne remplissent plus. TF1 a récemment diffusé un reportage sur le « couscous de l’amitié » généreusement distribué aux SDF de Lille par une association islamiste (des femmes voilées cuisinant sous l’œil de barbus). A La Rochelle, des affiches appelant à une distribution identique (et régulière) ont été apposées (elles précisent que l’alcool et le tabac sont prohibés). Aide sociale, encadrement de la jeunesse, voire chasse aux dealers, camps de vacances, alphabétisation, cours sur la civilisation musulmane, soutien scolaire et, bien sûr, prise en main des lieux de culte, les intégristes tissent leur toile, remplissant les vides laissés par les services publics et les associations laïques.

Même si elles doivent être prises avec les précautions qui s’imposent, les informations de la presse française et étrangère sur la constitution de réseaux de soutien aux intégristes algériens en Europe existent. La presse allemande a fait état d’une filière d’exportation d’armes vers l’Algérie, la presse britannique parle de collecte de fonds et de racket des Algériens émigrés au Royaume-Uni. Enfin, aussi bien à propos de l’attentat perpétré cet été au Maroc que plus récemment au sujet du démantèlement d’une filière d’appui au GIA, la presse a mentionné l’existence de tels réseaux en France. Ces informations, difficilement vérifiables parce qu’émanant de sources policières qui ont leurs intérêts propres et n’hésitent pas à pratiquer l’intoxication, ont cependant quelque crédibilité. En effet, comment croire que des organisations engagées dans une sanglante lutte armée contre la dictature des militaires algériens ne songent pas à utiliser toutes les complicités possible, à commencer par celle de leur concitoyens en Europe ? L’argent peut être fourni par tel ou tel Etat islamiste. Mais pas les hommes qui achètent, stockent, convoient et utilisent les armes. Gagner les émigrés est une nécessité militaire aussi bien que politique. Et il faudrait être bien naïf pour croire que les intégristes n’ont pas entamé ce travail.

L’assassinat des ressortissants étrangers en Algérie, particulièrement français, tout comme le détournement de l’Airbus Alger-Paris s’inscrivent dans cette logique. Ce dernier est à l’évidence un défi. Comme l’ont souligné les commentateurs, ni la compagnie visée (Air France), ni enfin la destination revendiquée (Paris), n’ont été choisis au hasard. Il s’agissait d’un signal adressé aux autorités françaises. Mais là n’était peut-être pas l’essentiel car les dirigeants islamistes ont suffisamment de contacts avec le gouvernement français pour lui faire connaître leurs demandes et lui faire savoir leur détermination. Il s’agissait aussi d’un geste politique à l’égard de la population française et de la population immigrée en France. L’humiliation que le GIA entendait faire subir aux autorités françaises devait, espérait-il, constituer une vengeance des humiliations subies par les immigrés dans ce pays et l’indignation provoquée par leur acte renforcer le racisme en France. Car, quels que soient leurs dires, le racisme qui jette les immigrés dans les bras des intégristes, les sert, leur fournissant un vivier de sympathies et d’appuis. Qu’au bout du compte l’intervention du GIGN ait, en partie, fait avorter le projet n’y change rien. Ils recommenceront.

Pasqua, Le Pen dealers de l’intégrisme

Dans les pays sous-développés, l’intégrisme se nourrit de la misère matérielle et morale, chacun le sait. En France aussi, même si la pauvreté y prend des aspects matériellement atténués mais moralement tout aussi insupportables.

Prêchant le retour à la « tradition », jetant l’anathème sur l’occident dépravé, flattant le nationalisme et attisant les préjugés anti-féministes les plus rétrogrades, les intégristes ont fait de leur conception de la religion une arme politique. Privée de tout espoir, victime du racisme, en butte au harcèlement policier, condamnée au chômage ou aux « petits boulots », parquée dans des cités ghettos, négligée par les organismes sociaux et ignorée des organisations traditionnelles de la classe ouvrière, une fraction de la population originaire des pays de tradition musulmane peut être tentée de se tourner vers les démagogues qui, à défaut de leur proposer une issue réelle, leur offrent de reconquérir une illusoire dignité en combattant par les moyens les plus radicaux un monde qui les ignore et les méprise.

Cette couche de la population est de celles qui ont le plus souffert du ralentissement de la croissance économique depuis 1974. Main d’œuvre non spécialisée pour la génération des parents, une partie importante des emplois qu’elle occupait dans les secteurs les plus touchés par la crise (sidérurgie, charbonnages, bâtiment, automobile, métallurgie) ont disparu sans que, pour des raisons culturelles ou faute des relations nécessaires, elle bénéficie des solidarités et des possibilités de reconversion professionnelle ou régionale. Nombre de travailleurs immigrés ont été laissés en route. Beaucoup de leurs enfants, ceux de la seconde ou de la troisième génération, n’ont jamais connu d’ autre horizon que les cités-ghettos et l’aide sociale.

Or, depuis plusieurs années, les organismes sociaux qui, dans la période précédente, prenaient en charge les familles ou les groupes en difficulté se révèlent inopérants. Conçus pour résoudre des « cas », ils sont désarmés dès lors que la misère matérielle et morale devient la règle. La question n’est plus alors de leur compétence. Elle relèverait de mesures économiques et politiques. Or, en la matière, tous les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ans se sont employés à aggraver les conditions de vie des catégories les plus vulnérables de la population, diminuant les salaires réels et rognant les prestations sociales et l’indemnisation du chômage.

On est loin des 90 % du dernier salaire brut concédés par Chirac en 1975 aux licenciés économiques pour acclimater la classe ouvrière au retour du fléau du chômage. Le chômage aujourd’hui conduit immédiatement à une réduction drastique des revenus et, à court terme, avec la rapide diminution des indemnisations, à un abaissement dramatique du niveau de vie, enclenchant le processus de marginalisation de tout le groupe familial.

Les services sociaux sont débordés, réduits à n’intervenir que sur les cas d’urgence ou les plus graves, négligeant la pauvreté « ordinaire ». Une fraction de la population, parmi laquelle nombre d’immigrés, a le sentiment d’être abandonnée. Assistantes sociales sans moyens, mairies débordées, infrastructures sociales inadaptées, transports en commun dégradés, bureaux de poste éloignés, voirie à l’abandon, HLM concentrant les problèmes de bruit, de voisinage, de petite délinquance, de toxicomanie, etc., établissements scolaires cumulant les échecs et les difficultés, tout concourt à faire de certains quartiers et de certains milieux des kystes de misère.

A ces conditions, qui sont le lot commun des habitants des quartiers « pourris », s’ajoutent pour les étrangers les conséquences des politiques de lutte contre l’immigration prétendument clandestine que, depuis vingt ans, tous les gouvernements sans exception, ont conduite. Sans réussir en quoi que ce soit à freiner la montée du chômage (mais là n’était pas leur objectif véritable), ces politiques ont renforcé le racisme dans la population française et abouti à exclure des dizaines de milliers d’étrangers des circuits économiques et sociaux légaux.

Selon un vieux poncif, peut-être en voie de vérification, la société américaine, en avance d’une ou deux décennies sur l’Europe, est une préfiguration de l’avenir du vieux continent : à une middle class installée dans une vie plus ou moins confortable (car, en son sein aussi les différenciations sociales sont importantes et l’exploitation règne), s’oppose le monde des ghettos des centre-villes, durablement installés dans la marginalisation, la violence, la drogue et la misère. Nous n’en sommes pas encore là en France, mais rien ne dit que nous n’y allions pas si rien n’est fait. A la différence majeure près que, pour autant qu’on puisse en juger d’ici, tout espoir, même mythique, même fallacieux, parait avoir abandonné le peuple des ghettos nord-américains tandis qu’il n’est pas assuré en Europe, et particulièrement en France, que le peuple des ghettos en voie de constitution ne réponde pas à l’appel des démagogues si personne d’autre ne s’adresse à lui.

Pasqua, avec son passé, son style et la concurrence de Le Pen et de Villiers ne pouvait pas faire moins que d’en rajouter dans le registre de la démagogie anti-immigrée générant le racisme. Ses récentes mesures amoindrissant le droit d’asile et limitant le regroupement familial donnent, de fait, un pouvoir quasi discrétionnaire à la police en matière d’expulsion de «clandestins». La brutalité avec laquelle elles sont appliquées conduit à des situations honteuses : parents expulsés pendant que les enfants de nationalité française sont confiés à la DDAS, conjoints de Français reconduits à la frontière, malades du Sida renvoyés, enseignants en poste licenciés et expulsés, jeunes délinquants expédiés dans un pays dont ils ne connaissent rien, etc. A défaut de « terroriser les terroriste », Pasqua tente de terroriser les étrangers. Les discours sur la « lutte contre l’insécurité », contre le chômage, contre « l’immigration clandestine » grasseyés par Pasqua ne sont que de mauvais prétextes. Comme ses prédécesseurs, il sait parfaitement que de ce point de vue, l’efficacité de ses mesures est nulle. Incapable d’atteindre les objectifs qu’il affiche, il fait des immigrés des boucs émissaires avec l’espoir de couper électoralement l’herbe sous le pied de Le Pen et Villiers. Toute la population d’origine immigrée, française ou pas, est atteinte. N’avoir pas le « type européen », c’est se désigner à la suspicion policière, parfois relayée par d’autres services (contrôleurs de la RATP, certaines polices municipales, voire certains fonctionnaires de services sociaux). Les mesures Pasqua concourent à répandre et à aggraver le racisme dans ce pays, et, par contrecoup, à jeter dans les bras des intégristes la fraction de la population originaire des pays musulmans. Par delà ses rodomontades, Pasqua et ses mesures iniques contribuent au développement de l’intégrisme dans le pays, développement dont, à son tour, l’extrême droite tire argument pour nourrir ses campagnes racistes et se renforcer.

Une situation explosive

Nombre de jeunes des banlieues, toutes origines confondues, même si les jeunes maghrébins y tiennent une place importante, manifestent par des explosions de colère leur exaspération devant la situation qui leur est faite et devant le racisme dont ils sont victimes. L’affaire d’Amiens où l’agression délibérée de C.R.S., à coup de grenades lacrymogènes, contre une réunion de jeunes qui fêtaient un anniversaire a déclenché deux jours d’émeutes est significative. Cette explosion n’est ni la première, ni la dernière. Les Minguettes, Vaux-en-Velin, Roubaix, Les Mureaux, le Val Fourré, etc., autant de noms de cités-ghettos qui viennent à la une des journaux au rythme des explosions des jeunes et qui rendent d’autant plus urgente leur organisation.

Le contact avec ces jeunes des banlieues, « immigrés » ou pas, la compréhension des problèmes qu’ils posent et qu’ils se posent, l’activité pour combattre la marginalisation dans laquelle les enferme la société sont indissociables de la lutte contre l’intégrisme et le gouvernement. Les abandonner à la misère matérielle et morale et aux ratonnades des policiers d’un côté et laisser les filles se faire voiler par les intégristes de l’autre relève d’une seule et même absence de politique face à deux dangers complémentaires : la prise en main des jeunes maghrébins par le fascisme intégriste et le développement des idées racistes et des mesures xénophobes dans le reste du pays. Intégristes islamistes et dirigeants français se font mutuellement la courte échelle. Il n’est pas d’autre moyen de sortir de ce piège que de prendre l’offensive contre l’un et contre l’autre. Sans concession.

Or, le recul de la présence militante s’est fait sentir dans ces quartiers plus qu’ailleurs. Associations, syndicats et organisations politiques étaient principalement implantés dans les grandes entreprises et dans les secteurs de la classe ouvrière les plus qualifiés. Même dans ces milieux, leur recul est sensible depuis une quinzaine d’années.

Constat de carence

Il l’est encore plus dans les secteurs marginalisés de la population. La fracture sociale s’est traduite aussi par la coupure avec les militants.

Cette carence se manifeste de nombreuses façons: l’activité de quartier est en sommeil et là où elle continue d’exister, elle est menée souvent par des militants qui n’ont plus de vision transformatrice de la société. Elle prend une coloration plus caritative que revendicative. Il est urgent de reconstituer le tissu associatif avant d’être pris de vitesse par les islamistes.

Il ne se passe pratiquement guère de semaine sans qu’ici ou là un jeune soit tué dans des circonstances douteuses. Légitime défense prétendent systématiquement les meurtriers, policiers ou non. C’est peut-être parfois vrai. Mais nous n’avons aucune raison de croire sur parole. L’affaire d’Amiens le prouve. Mais les collectifs d’avocats, les personnalités qui pourraient systématiquement aider les familles et les copains des jeunes à établir la vérité n’existent plus.

Les explosions de colère qui se produisent régulièrement dans les banlieues ne prennent pas nécessairement les formes les plus efficaces pour atteindre les buts qu’elles se proposent (quand elles s’en proposent explicitement car ce sont parfois des explosions brutes). Mais que faisons-nous pour qu’elles ne se dispersent pas dans la fumée des incendies de voitures d’après rodéo ? Si la présence de militants de la LCR a été sensible dans les manifestations qui, l’an dernier, ont suivi l’assassinat d’un jeune dans un commissariat du XVIIIème, c’est parce qu’elles avaient Lieu à Paris et pas à Mantes, à Amiens ou aux Minguettes, reflet d’un travail local plus ou moins avancé.

Evidemment, l’accomplissement de l’ensemble de ces tâches suppose des forces militantes dont l’extrême-gauche est loin de disposer. Mais, heureusement, la question ne se pose pas uniquement sous cet angle.

Il est, en effet, possible (et à espérer) que soumis à la triple pression de la situation sociale, des mesures Pasqua et de la montée de l’intégrisme en France et en Algérie, une fraction des jeunes, et plus encore des femmes, jeunes et moins jeunes de ces banlieues sentent la nécessité de prendre position et d’agir contre l’avenir sinistre qui leur est promis de tous les côtés. En réalité, si solution il y a, elle se trouve chez les jeunes filles et garçons. C’est d’abord à elles et à eux de combattre les tentatives de les placer sous la dictature de l’ordre moral, qu’il soit celui des intégristes ou celui de Le Pen. A tous les jeunes. Et plus encore à ceux et celles qui, à la première, à la deuxième, à la troisième génération, sont originaires de pays de tradition musulmane. Car ce sont elles et eux qui sont les premiers visés. Ce sont ces filles que les intégristes veulent couvrir d’un linceul, ce sont ces jeunes qu’ils veulent détourner du combat pour l’émancipation sociale pour les enfermer dans la prison de l’obscurantisme et de l’oppression. Ce sont eux aussi qu’oppriment le racisme et la politique gouvernementale. C’est eux qu’il est urgent d’aider à se mobiliser pour combattre l’intégrisme dans les lycées et dans les banlieues. Les révolutionnaires seront-ils capables de le faire en commençant par avoir les idées claires sur le problème ?

Paris, 11 janvier 1995

2 réponses sur « Souad Benani : France. L’intégrisme islamiste, une menace mortelle pour les femmes »

Article visionnaire. 25 ans plus tard, les crises économiques, sociales et intellectuelles se sont succédées pour laisser place à une situation inextricable… Pourtant plusieurs alertes ont été lancées.

Tout à fait… Les lanceurs d’alerte, progressistes ou révolutionnaires et originaires du monde arabo-musulman ont rarement été écoutés par leurs homologues occidentaux, ce qui pose le problème des logiques politico-médiatiques qui écrasent les voix favorables à l’émancipation réelle.

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