LE stalinisme n’avait pas besoin de l’existentialisme pour instiller son double jeu. A ce qu’il paraît M. Merleau-Pontv (1) tient un troisième jeu plus subtil à la seule portée des philosophes. Il s’agit pour lui de rejoindre la politique effective du P.C. sans en assumer la vulgarité.
Le livre de Danos et Gibelin sur Juin 36 (1) est une importante et sérieuse étude d’une période décisive et pour l’évolution du mouvement ouvrier et pour celle de la politique bourgeoise et des partis de masse. Ne serait-ce que pour mesurer le chemin parcouru depuis vingt ans, la réflexion sur les événement de 36 est féconde. Aujourd’hui le patronat commence à tirer profit de l’expérience d’avant guerre et n’hésite pas dans des secteurs clés à devancer la revendication ouvrière, comme l’illustrent les contrats de Renault et de la métallurgie. Poussé par les impératifs de la production en grande série, il cherche à intégrer toujours plus étroitement les ouvriers à l’entreprise et commence à comprendre, à l’instar du patronat américain, que certaines améliorations (concernant la retraite, les congés) peuvent seules lui assurer une stabilité provisoire. Aujourd’hui, les partis qui se réclament de la classe ouvrière se sont définitivement intégrés à l’appareil d’exploitation du capital, l’un en se subordonnant absolument à une bureaucratie qui, dans l’intervalle, s’est étendue de l’U.R.S.S. à une grande partie de l’Europe et de l’Asie, et en prenant conscience de ses fins (un nouveau rôle de gestionnaire grâce à l’étatisation de la production), l’autre en participant directement au régime d’exploitation bourgeois.
Du 13 mai au 1er juin, chacun s’est situé face à l’événement, et seulement face à l’événement. Nous voulons dire : face au coup de force d’Alger et à la candidature de de Gaulle au pouvoir. De là des attitudes réflexes et un pouvoir fascinant des dilemmes : de Gaulle ou la guerre civile ; de Gaulle ou la défense de la république ; le fascisme ou le front populaire. Il est bien vrai qu’il y a des situations qui appellent un engagement immédiat et ne laissent d’autre choix qu’un oui ou un non. Mais étions-nous en face d’une telle situation, l’événement engendrait-il nécessairement une alternative, ou l’une des alternatives communément formulées ? N’était-ce pas plutôt faire de l’événement un mythe que de le prendre pour seule référence en refoulant dans l’ombre le contexte dans lequel il se produisait ?
J’ai choisi de partager cet appel daté de novembre-décembre 1956 et paru en mai 1957 dans la revue dirigée par Maurice Nadeau, Les Lettres nouvelles. Parmi ses initiateurs, on retrouve Jean Duvignaud et Edgard Morin. Le premier était membre du bureau du Comité pour la libération de Messali Hadj et des victimes de la répression. Le second s’est insurgé contre les calomnies visant les messalistes et a eu l’occasion de revenir sur son engagement dans de nombreuses publications. Je suis revenu sur certains enjeux de ce microcosme anticolonialiste dans mon article « Face à la guerre d’Algérie : transactions anticoloniales et reconfigurations dans la gauche française ».
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