Article de Maho-Tope paru dans Le Monde libertaire, n° 334, 29 novembre 1979, p. 3
En France, les commentateurs « autorisés » parlent volontiers d’une libéralisation pour qualifier l’évolution de l’Algérie depuis la mort de Boumédiene. Jamais cette notion de libéralisme ne parut aussi ambiguë. En effet, si l’on considère le libéralisme sous l’angle du rapport population/police (un des angles possibles, évidemment !), l’Algérie de Houari Boumédiene apparaissait comme beaucoup plus « libérale » que la France de Giscard ou de Pompidou. La « peur du flic » était pratiquement inconnue en Algérie : il était courant de voir de simples passants tenir tête à des policiers qui les réprimandaient. L’espace urbain n’était pas quadrillé par un dispositif policier ; la nuit, les contrôles routiers ne revêtaient pas le déploiement de force que connaît la capitale française : les armes restaient dans leur étui. Donc d’une part il y avait un certain laisser-aller de la part des policiers, et d’autre part, une nonchalance de la population vis-à-vis des injonctions des forces policières. Conséquence directe : le code de la route restait symbolique et les rues appartenaient autant aux piétons qu’aux voitures ; plus grave, les réglementations sur l’hygiène publique demeuraient très largement lettre morte. Admiratrices ferventes de l’efficacité des pays développés, les classes dirigeantes regrettaient le désordre urbain et soupiraient en pensant à l’ancien surnom d’Alger « la blanche ». Elles ne faisaient que rejoindre là les nostalgiques de l’ordre colonial durant lequel le peuple savait se tenir à sa place et ne venait pas salir les belles allées de la capitale.