Textes parus dans I.R.L.Informations et réflexions libertaires., n° 86, automne 1990, p. 3
Des voitures sont incendiées. Photo Progrès /Archives Le progrès (Source)
Maux en venin !
Vous avez voulu que vos marchandises soient désirables. Elles l’ont été au-delà de toutes vos espérances. Vous avez (nous avons) élaboré (ou laissé s’élaborer) une société dont le moteur serait l’envie, l’envie de posséder.
« Car l’esprit ouvrier, à peine ses yeux sont-ils ouverts, revient à son « Je pense », tout comme Descartes. Il tient bon là ; il se forme une idée juste de ce que c’est qu’une vie humaine ; et cette idée est qu’il ne faut pas attendre de tout comprendre pour vivre en homme. Cette idée est en marche, et le moindre progrès de la connaissance l’éclaire un peu plus. Et c’est pourquoi l’idée de rationalisation, qui porte la marque des brevetés, a trouvé, contre l’attente des rois de ce monde-là, une résistance. Le citoyen riveur et le citoyen ajusteur ont dit : « Produire n’est pas le tout ; et aussi bien votre édifice industriel s’écroule par le haut, ce qui prouve que vous êtes bien loin de connaître assez pour légiférer. Humanité et justice valent mieux que puissance : et puisque vous nous consultez, nous allons dire, non ce que nous savons, mais ce que nous voulons. C’est à vous, les rois, de vous en arranger. »
DEMONSTRATION AGAINST SALMAN RUSHDIE IN PARIS (Photo by Alain Nogues/Sygma/Sygma via Getty Images)
Que des écrivains ou des artistes risquent leur vie à cause de ce qu’ils expriment, les replace soudain sur le plan de la commune humanité. La littérature et l’art ne sont pas des souffles agitant l’air de façon inconséquente et intemporelle. Ils sont faits de souffrances et de bonheurs concrets qui engagent la vie de ceux qui en sont les auteurs, comme de ceux qui les apprécient. L’art, en soi, a une valeur subversive, au même titre que la raison qui permet aux individus de ne pas être seulement victimes, mais de porter un regard critique sur ce qu’ils vivent, seul gage que cette vie peut, peut-être, changer.
Suite à l’assassinat fin septembre 85 à la sortie d’une boîte de nuit du jeune Nordine Mechta par trois videurs, les JALB (Jeunes Arabes de Lyon et Banlieues) organisent une grande manifestation contre le racisme / 1985 – Archives le Progrès
Nordine Mechta
Il aurait eu 23 ans ce mercredi de 1985
Nordine, notre ami, notre frère, nous a quitté pour toujours.
Lâchement assassiné à Lyon par trois videurs du West-Side. Il n’était pas très grand, plutôt frêle, calme et doux.
Arrivée de la marche anti-raciste Convergence 84 a Paris composée de plusieurs milliers de personnes le 1er décembre 1984 a Paris, France. (Photo by Patrick AVENTURIER/Gamma-Rapho via Getty Images)
Car il savait (…) que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse. Albert Camus (La Peste)