Article de Colette Audry paru dans La nouvelle revue socialiste, n° 34, octobre 1978, p.39-42
Colette Audry: She wrote a book entitled The Statue along with science-fiction novels. (Photo by Sophie Bassouls/Sygma via Getty Images)
Dans Le Matin de Paris du 31 juillet, on a pu lire quelques déclarations de Bernard-Henri Lévy, en réponse à des questions posées par Catherine Clément sur « L’identité juive », et notamment : « Je crois d’abord que s’interroger sur l’identité juive, c’est déjà l’avoir perdue… »
DEMONSTRATION AGAINST SALMAN RUSHDIE IN PARIS (Photo by Alain Nogues/Sygma/Sygma via Getty Images)
Que des écrivains ou des artistes risquent leur vie à cause de ce qu’ils expriment, les replace soudain sur le plan de la commune humanité. La littérature et l’art ne sont pas des souffles agitant l’air de façon inconséquente et intemporelle. Ils sont faits de souffrances et de bonheurs concrets qui engagent la vie de ceux qui en sont les auteurs, comme de ceux qui les apprécient. L’art, en soi, a une valeur subversive, au même titre que la raison qui permet aux individus de ne pas être seulement victimes, mais de porter un regard critique sur ce qu’ils vivent, seul gage que cette vie peut, peut-être, changer.
Tribune de Maxime Rodinson parue dans Le Monde, 1er décembre 1989
Manifestation islamique pour le port du voile à l’école à Creil le 22 octobre 1989, France. (Photo by Georges MERILLON/Gamma-Rapho via Getty Images)
La guerre des foulards a son côté ridicule : proscrirait-on ici ou là la culotte tyrolienne ou la jupe écossaise ? Elle a son côté odieux : il est évident – et c’était inévitable – que quelque racisme se mêle chez beaucoup à la mobilisation laïque.
Exposé de Maxime Rodinson à la journée d’étude « La France et la pluralité des cultures » organisée par la Fondation Danielle Mitterrand France-Libertés le 18 mai 1987 en Sorbonne et publié dans Hommes & Migrations, n° 1124, septembre 1989, p. 40-44
Musulmans en prière dans la Mosquée de la rue Saint-Maurice le 26 août 1987 à Roubaix, France. (Photo by Alexis DUCLOS/Gamma-Rapho via Getty Images)
On m’a demandé ici de parler des rapports entre la France et les cultures islamiques. Il y a là de grandes difficultés, la première étant, comme souvent, de savoir de quoi l’on parle. Le mot « culture » a de multiples sens, dont certains sont apparus ici. Je n’entends pas parler des connaissances dont dispose tel ou tel individu, dans un domaine ou l’autre, comme quand on parle de culture musicale, de culture philosophique, etc. Ici, il s’agit évidemment des « traits culturels », comme ont dit à un certain moment les anthropologues, c’est-à-dire les comportements, attitudes, traditions par lesquels une population se distingue de l’autre.
Article paru dans Le Prolétaire, n° 377, mai 1984, p. 3
Manifestation contre le racisme chez le constructeur automobile Talbot à Paris le 14 janvier 1984, France. (Photo by Francois LOCHON/Gamma-Rapho via Getty Images)
Les 17 et 18 mars se sont tenues les Assises Nationales contre le Racisme à l’appel du MRAP, grâce au concours actif du gouvernement. La presse a relevé l’ambiance sinistre dans laquelle s’est déroulée cette grand-messe où on a tenté d’exorciser le démon de la lutte de classes. Les participants, qui allaient des bourgeois libéraux, comme Olivier Stirn, député UDF, aux gauchistes rangés des barricades comme Bauby ou Krivine, ont communié sous le signe de l’anti-racisme démocratique et du « droit à la différence ».
Suite à l’assassinat fin septembre 85 à la sortie d’une boîte de nuit du jeune Nordine Mechta par trois videurs, les JALB (Jeunes Arabes de Lyon et Banlieues) organisent une grande manifestation contre le racisme / 1985 – Archives le Progrès
Nordine Mechta
Il aurait eu 23 ans ce mercredi de 1985
Nordine, notre ami, notre frère, nous a quitté pour toujours.
Lâchement assassiné à Lyon par trois videurs du West-Side. Il n’était pas très grand, plutôt frêle, calme et doux.
Élèves d’un cours de langue française pour femmes immigrées à Chenôve, en Côte-d’Or, en 1983, France. (Photo by Danielle DAILLOUX/Gamma-Rapho via Getty Images)
Malgré la reconnaissance du droit d’association, les immigrés sont les premières victimes de la crise économique qui pour les besoins de la cause réanime les sentiments racistes. La politique qui fait venir l’immigré (la droite) est la même qui le fait repartir (la gauche). A la non régularisation des « sans-papiers » (dont certains sont en train de faire une grève de la faim depuis octobre), à la reconduction aux frontières, à l’interdiction de séjour à des maghrébins en possession de leurs papiers, à l’imposition des visas aux pays sud-américains, s’ajoute l’expulsion des femmes immigrées, venues dans le cadre du regroupement familial. Le migrant est cet homme robot, cette main-d’œuvre célibataire et tournante sans affectivité, ni attaches. Marginaliser dans la perspective du retour ou assimiler dans le cadre de l’homogénéisation. Voilà ce que nous impose le pouvoir.
Textes parus dans La Banquise,n° 3, été 1984, p. 7-10
March Of « Beurs » in Paris, France on December 01, 1983. (Photo by Mohamed LOUNES/Gamma-Rapho via Getty Images)
IL Y A DE PLUS EN PLUS D’ÉTRANGERS DANS LE MONDE
Ces temps-ci les racistes se font plus arrogants et l’Etat de gauche les encourage puisqu’il a repris à son compte le slogan d’extrême-droite : « la France aux Français ».
Jeudi 22 mars. La Mutualité. Kate Millett à son retour d’Iran. Elle parle du mouvement des femmes là-bas, manifestations autonomes des femmes… autonomes par rapport aux partis et groupes politiques… pour leurs droits… pour leurs droits seuls… pour que « l’autre » moitié du monde ait le droit d’exister, elle aussi… des milliers de femmes dans les rues… manifestations entièrement spontanées (Kate Millett a tant insisté là-dessus !), manifestations tellement attaquées, donc tellement dangereuses pour le pouvoir ! (pour le pouvoir en place et pour celui des « révolutionnaires » mâles !).
Extrait de l’article d’Achille Mbembé, « À propos des écritures africaines de soi », Politique africaine, n° 77 , 2000, p. 26-29.
Parallèlement à ce courant qui cherche à fonder une politique de l’africanité en s’aidant des catégories de l’économie politique marxiste et en scandant l’histoire sur le mode ternaire de l’esclavage, de la colonisation et de l’apartheid, s’est développée une configuration rhétorique dont la thématique centrale est l’identité culturelle. Ce courant s’appuie, avons-nous dit, sur trois béquilles: la race, la géographie et la tradition.