Article de M. Derval paru dans L’Internationale, n° 1, juin 1962, p. 5
Le verdict du procès Salan prononcé, bien des Français se sont réveillés en découvrant le régime du 13 mai dans sa vérité toute nue. Salan est à un tel point couvert de crimes qu’il est évident pour tout le monde qu’il méritait dix fois la mort. Cependant le régime ne pouvait que lui faire un procès truqué. Honnête, le procès aurait été celui du régime. Truqué, mais raté, il révèle peut-être encore plus crûment la nature du gaullisme. En effet, Salan et ses défenseurs avaient raison de vouloir prendre les choses par le commencement. Ce procès aurait dû être d’abord celui des « sales » guerres coloniales dont la veuve de Lattre est venue faire l’éloge en même temps que celui du bon condottière Salan ; celui des « oradours » algériens et de la torture qui ne sont ni plus ni moins des crimes hier qu’aujourd’hui et auxquels l’aumônier des assassins, le sinistre tartuffe Delarue, est venu apporter la confirmation de sa bénédiction ; le procès aussi du droit au coup de force militaire que les juges de De Gaulle ne refusent que lorsque le putsch échoue et qu’ils n’en sont pas les profiteurs ; le procès enfin du meurtre comme moyen d’action politique ordinaire que Tixier-Vignancour avait beau jeu de retourner contre le pouvoir et dont Debré ne pouvait se sortir que du droit du plus fort. Que de circonstances atténuantes !