Article de Kateb Yacine paru dans Demain, n° 47, du 1er au 7 novembre 1956, p. 8
Par KATEB YACINE
L’U.R.S.S., grande puissance réaliste, renoncera-t-elle à l’usage de la force contre la volonté d’indépendance du peuple hongrois ? La France est-elle encore une grande puissance ? Usera-t-elle longtemps de la force contre le peuple algérien ?
Article de Louis Chavance paru dans Le Monde libertaire,n° 23, décembre 1956, p. 4
SI la colère et le chagrin ne l’avaient emporté sur la curiosité, ce n’est pas sans amusement qu’on aurait pu assister aux contorsions des littérateurs distingués pour apaiser leur conscience, troublée par une atmosphère d’orage, après le coup de tonnerre de l’insurrection Hongroise. La tristesse serait d’ailleurs aussitôt revenue, devant les réactions de quelques honnêtes gens, asphyxiés par les nuages de confusion qu’ont répandus les faux penseurs.
Cinq mois se sont à peine écoulés depuis l’écroulement de la monarchie austro hongroise, et, sous l’influence de la situation économique du pays, étant donnée l’incapacité totale des classes dirigeantes à mener dorénavant les affaires de l’état, le prolétariat hongrois a dû jeter à bas l’appareil de gouvernement bourgeois et établir à la place d’une démocratie bourgeoise la deuxième république des Soviets de l’Europe. Il fallait s’attendre à ce que l’irrésistible développement de la révolution en Hongrie amenât des réformes prolétariennes et cependant l’étonnement de tous a été grand devant ce fait que la bourgeoisie a reconnu son incapacité à diriger davantage l’organisme social et l’état, si bien que la dictature du prolétariat a été atteinte en Hongrie presque avec l’approbation de la bourgeoisie, sans effusion de sang. Et la question se pose : quelles sont les causes de cette transformation presque pacifique ? Et ensuite, peut-on craindre pour l’avenir une contre-révolution ?
Nous vous adressons cet appel de Hongrie, du pays classique de l’oppression et de l’esclavage ; du pays dans lequel le régime féodal a pu manifester le plus librement sa nature spoliatrice ; du pays où la réaction a sévi à découvert et où des millions de travailleurs ont été privés de tous les droits, où les prisons, les violences de la police et de l’armée ont été la seule réponse à toutes leurs revendications ; du pays où quelques milliers de familles privilégiées détenaient tous les droits, tout le pouvoir, tandis que l’immense majorité de la population n’était qu’un troupeau de bêtes de somme, ou qu’une méprisable canaille.
Texte paru dans L’Humanité, seizième année, n° 5455, 25 mars 1919, p. 3
Voici le texte de l’appel lancé par le conseil des commissaires du peuple de la République hongroise et des conseils de travailleurs et que nous avions signalé hier en dernière heure :
Texte paru dans Le Communiste, première année, n° 4, 5 septembre 1919, p. 1
Prolétaires frères,
Voici le moment pour rompre vos chaînes imposées par le capitalisme. En Russie et en Hongrie le capitalisme est tombé, et le communisme a dressé son drapeau rouge. Maintenant les exploiteurs du monde entier s’unissent une dernière fois pour étrangler la révolution victorieuse, frères français, anglais, théco-slovaques et roumains, la sainte fédération de l’Internationale noire de Paris a dressé vos mains armées contre notre état-major communiste. L’attaque de l’autocratie la plus abjecte des boyards roumains a commencé coutre la Hongrie prolétarienne. Voulez-vous devenir les assassins de l’état-major communiste que vous aussi désirez profondément, les armes sont entre vos mains, sachez vous en servir contre vos vrais ennemis.
Appel du Secrétariat international de la IVe Internationale paru dans La Vérité des travailleurs,n° 53, 15 décembre 1956, p. 10
A toutes les organisations ouvrières, à tous les travailleurs
Camarades,
Depuis plusieurs semaines déjà, les travailleurs hongrois luttent héroïquement pour la défense de leur pouvoir démocratique, des Conseils. Cette lutte est arrivée maintenant à un nouveau point crucial.
Déclaration du Secrétariat international de la IVe Internationale parue dans La Vérité des travailleurs,n° 50, 1er novembre 1956, p. 12
En Hongrie, la faillite économique et politique des dirigeants staliniens hongrois inféodes au Kremlin et leur refus bureaucratique jusqu’à la dernière minute d’accéder aux demandes et aux aspirations profondes des masses, ont provoqué un soulèvement populaire.
Article de Pannonicus paru dans Socialisme ou Barbarie, Volume IV (9e année), n° 21, mars-mai 1957, p. 105-112
C’est depuis une centaine d’années environ qu’on observe la tendance socialiste dans l’histoire ou, pour employer la phraséologie hégélienne, que le mouvement autonome de l’esprit pur « se socialise ». Il faut admettre que le mot « socialisme », en lui même, ne dit rien, ou plutôt dit trop. Derrière ce mot agissaient les hitlériens ; le « socialisme » est le principe déclaré de plusieurs gouvernements sociaux-démocrates et, horribile dictu, c’est au nom du « socialisme » qu’on exerce des dictatures sanguinaires, comme celle de Kadar en Hongrie.
Quand le pouvoir totalitaire éclate, l’appareil d’État s’effondre d’un coup. L’illusion de la toute-puissance politique se dissipe et les forces populaires réelles se manifestent au grand jour. Le régime que l’on disait soutenu et plébiscité à chaque élection par la quasi unanimité des citoyens se retrouve sans base aucune. Le parti unique, censé représenter l’ensemble des populations laborieuses, s’écroule en quelques heures. La police « du peuple », perdant toute autorité, est immédiatement pourchassée, traquée et massacrée par ceux qu’elle prétendait défendre.
Article de Cyrille Rousseau de Beauplan alias Philippe Guillaume paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 20, décembre 1956-février 1957, Volume IV (8e année), p. 117-123.
UNE RÉVOLTE DE TOUT UN PEUPLE, PROLÉTARIAT ET JEUNES EN TÊTE
Tout le monde sait maintenant comment cela a débuté. A la suite de l’avènement au pouvoir de Gomulka en Pologne, un grand espoir s’est levé sur la Hongrie. Tout le monde espère le retour de Nagy, le Gomulka hongrois, parce que, comme en Pologne, cela signifie un certain allègement de la contrainte économique et une petite indépendance vis-à-vis des Russes, moins d’ingérence ouverte de ceux-ci et moins de prélèvements sans contrepartie des richesses produites par le pays. Ce n’est pas grand chose, mais c’est déjà énorme en comparaison d’un passé exécré, celui de Rakosi. Ces timides revendications viennent des écrivains communistes (cercle Petöfi) et des étudiants communistes. Ces écrivains ne sont pas des écrivains « bourgeois », ayant une situation indépendante, comme Mauriac ou Sartre en France. Ce sont tous de véritables fonctionnaires du parti communiste, des servants de son idéologie, comme le philosophe Lukacs et qui, tous, ont chanté les louanges des Rakosi et de son régime, même si ils l’ont fait parfois à contrecœur. Depuis la déstalinisation cependant, et plus particulièrement depuis les événements de Pologne, ils ont pris quelques libertés, se sont exprimés ouvertement, ont tenu des réunions. Les étudiants ne sont pas des étudiants bourgeois ; ce sont des fils de membres du parti, de dirigeants syndicaux, de fonctionnaires de l’État communiste et même d’ouvriers et de paysans, à qui le régime — qui a un énorme besoin de « cadres » — a donné, en échange de leur soumission, leur chance sur une échelle beaucoup plus grande que dans les pays capitalistes. Une manifestation est décidée pour le 23 octobre, mais peu après que les écrivains et les étudiants aient formé leur cortèges, toutes les autres couches de la population, dont essentiellement les ouvriers, se sont joints à eux jusqu’à former des cortèges s’élevant à plus de deux cent mille hommes, femmes et enfants.
Article de Pierre Naville paru dans Arguments, n° 4, juin-septembre 1957, p. 1-4.
Les jeunes camarades se sont intéressés à l’action des Conseils ouvriers dans les événements de Pologne et de Hongrie depuis octobre 1956, et depuis quelques années en Yougoslavie. Mais pourquoi s’imaginent-ils que l’apparition de tels Conseils est un fait absolument nouveau ? Et pourquoi font-ils souvent à leur sujet de la métaphysique au lieu d’étudier avec soin leur rôle, les transformations de leurs fonctions, les résultats de leur activité, etc… ?
Article paru dans Jalons, n° 14, décembre 1986, p. 22-29
Voici trente ans, le prolétariat hongrois se soulevait contre l’exploitation capitaliste imposée par la clique stalinienne de Géroé-Rakosy s’appuyant, elle-même, sur la police de sûreté de l’Etat, l’AVH, dont les pratiques de tortionnaire n’avaient rien à envier à celles de la Gestapo.
Qu’est-ce qu’un conseil ouvrier ? C’est d’abord un organisme, un comité, formé de délégués élus par TOUS les travailleurs d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises, sans aucune distinction politique et syndicale, pour exprimer leurs revendications et pour les représenter. Pour qu’un conseil ouvrier puisse fonctionner, il faut que tous les ouvriers participent aux assemblées, luttent en permanence pour imposer leurs objectifs. Une telle activité des travailleurs ne peut exister que dans des périodes d’extrême tension sociale, quand le confit entre dirigeants de l’économie et de l’Etat et travailleurs devient si aigu qu’il ne peut être réglé que par la force, quand ce conflit lui-même ne concerne pas seulement l’usine, mais embrasse toute la société, quand la question qui se pose est : qui doit commander dans le pays, les exploiteurs ou les exploités ? En dehors d’une telle période révolutionnaire, le conseil ouvrier n’arrive pas à se maintenir : il disparaît ou il se transforme peu à peu en un organe inoffensif, de type syndical.
L’idée ne nous était pas venue de parler d’Albert Camus à l’occasion du Prix Nobel. Certes, semblable distinction nous réjouit, parce qu’il est toujours agréable de voir un jury d’intellectuels reconnaître le talent là où il existe, saluer une conscience authentique, récompenser un homme qui a su tracer sa voie à lui seul sans jamais proclamer qu’elle fût géniale. Mais la « R.P. » n’avait pas la prétention de confirmer ou de critiquer l’attribution d’une distinction à la fois littéraire et morale. Après les flashes des photographes, après les grandes interviews, après les monceaux de télégrammes de félicitations au lauréat, nous pensons pouvoir un jour serrer la main de Camus avec un peu plus de solennité peut-être, à l’occasion d’une rencontre.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 11, octobre 1959, p. 1-2.
Il y a un an De Gaulle arrivait au pouvoir en promettant la paix en Algérie et depuis la guerre n’a fait quo s’intensifier. On aurait pu croire que la population travailleuse, qui en supporte les conséquences, serait mécontente et s’opposerait à cette politique. Non, De Gaulle continue la guerre et tout le monde se tait. Mais s’il l’arrête, tout le monde criera au miracle et prétendra qu’il est un homme génial et pacifique.
Source: André Breton ,Écrits sur l’art et autres textes, Œuvres complètes, IV, éditions de Marguerite Bonnet publiée, pour ce volume, sous la direction d’Etienne-Alain Hubert avec la collaboration de Philippe Bernier et Marie-Claire Dumas, Paris, Gallimard, 2008.
Questions
I° Mohamed Maroc, dont vous avez sans doute entendu parler, est un intellectuel algérien qui s’est formé lui-même.L’une des raisons essentielles de sa révolte est que, selon lui, le colonialisme est source d’ignorance et d’inculture.Qu’en pensez-vous ?
J’ai choisi de partager cet appel daté de novembre-décembre 1956 et paru en mai 1957 dans la revue dirigée par Maurice Nadeau, Les Lettres nouvelles. Parmi ses initiateurs, on retrouve Jean Duvignaud et Edgard Morin. Le premier était membre du bureau du Comité pour la libération de Messali Hadj et des victimes de la répression. Le second s’est insurgé contre les calomnies visant les messalistes et a eu l’occasion de revenir sur son engagement dans de nombreuses publications. Je suis revenu sur certains enjeux de ce microcosme anticolonialiste dans mon article « Face à la guerre d’Algérie : transactions anticoloniales et reconfigurations dans la gauche française ».
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.