Éditorial paru dans Le Monde libertaire, du 30 novembre au 6 décembre 2000.
La pratique de la torture et la liquidation physique des opposants algériens à la colonisation française a donc été un fait quotidien tout au long de la guerre d’Algérie. Les aveux publics d’au moins deux généraux directement impliqués dans ces assassinats font qu’aujourd’hui l’État français va devoir digérer cette ignominie pour sauver l’essentiel, à savoir la pérennité de l’armée et des services secrets barbouzes.
Article paru dans Combat communiste, n° 26, du 20 mai au 20 juin 1977, p. 15
« La question » : c’est par ce nom qu’on désignait la torture sous l’Inquisition. Sous ce titre parut en 1957 un bref récit de Henri Alleg — militant du Parti Communiste Algérien — relatant les tortures que lui avaient fait subir les équipes de tortionnaires spécialisés des unités de parachutistes du général Massu. Le livre fut saisi un mois après sa parution, mais il continua à être diffusé clandestinement pas les opposants à la guerre d’Algérie. Par sa sobriété, sa précision comme par les détails sur les effroyables sévices que faisaient subir les forces de répression à leurs victimes, séquestrées en dehors de toute légalité dans des salles de tortures aménagées dans des villas, le livre eut un profond retentissement. L’indignation soulevée par ces révélations dans les milieux « libéraux » et intellectuels contribua sans doute à sauver Alleg. Pour son camarade Maurice Audin, il était trop tard : il était mon sous les coups des tortionnaires qui tentèrent de dissimuler ce crime en annonçant son évasion. Comme on peut s’en douter, les tortionnaires nommément désignés par Alleg et reconnus par lui au cours de confrontations judiciaires furent « couverts » par l’appareil militaire et judiciaire et échappèrent à toute sanction. Aujourd’hui protégés par une amnistie qui concerne tous les crimes relatifs à la guerre d’Algérie, ils coulent des jours paisibles. Certains enseignent probablement dans l’armée leurs méthodes à de jeunes recrues…
Article de Maurice Joyeux parudans Le Monde libertaire, n° 122, mai 1966
C’en intentionnellement que j’ai signalé, contrairement à la coutume, le nom du préfacier de cet ouvrage mince par son volume mais capital, non pas par son contenu, banal, hélas ! par ces temps de barbarie, mais par la valeur symbolique qu’il revêt. — Henri Alleg, voyons, souvenez-vous ? Il y a quelques années, dans la même édition, un autre livre paru, qui était signé Henri Alleg. Le titre : « la Question » ! Déjà à cette époque un certain nombre d’intellectuels distingués s’agitaient autour de ce livre comme ils le font aujourd’hui. Les mêmes peut-être, si on excepte quelques-uns aujourd’hui installés confortablement à Alger.
Article paru dans La Voix du Peuple, février 1962, p. 3
Faire le silence sur les activités du M.N.A. est devenu chose courante ; tant sur le plan politique que sur le plan militaire, l’information générale se tait comme une carpe. Quand ce sont les maquis M.N.A. qui sont en mouvement dans le Sud algérien, où ils contrôlent un immense territoire, la presse déclare « les fellagas font telle ou telle chose », ou encore elle dira « des terroristes musulmans viennent d’attaquer tel ou tel poste ». Mais jamais, ou du moins très rarement, on voit écrit noir sur blanc dans un journal quelconque le nom du M.N.A. à propos d’un fait militaire ou même politique.
Articles parus dans Pouvoir ouvrier, n° 36, janvier 1962, p. 1-3
Il y a les gendarmes. Trois « représentants de l’ordre » accusés d’avoir torturé à l’électricité quatre Algériens. C’était à Hautmont, dans le Nord. On a dû les juger. Jugement : 150 NF d’amende à chacun (1).
Vous-mêmes, comme les lecteurs de La Nouvelle Critique, connaissez bien les noms de Hocine Zahouane, membre du Bureau politique du F.L.N., de Mohammed Harbi, membre du Comité Central, qui tous deux ont apporté une contribution remarquable à l’élaboration de la Charte d’Alger, et de Bachir Hadj Ali, ancien dirigeant communiste dont votre revue a, plus d’une fois, publié des articles et des poèmes.
Textes publiés dans L’Internationale,n° 37, octobre 1965, p. 1, 4 et 5
LEs vagues d’arrestations massives qui ont lieu actuellement en Algérie à l’encontre des marxistes-révolutionnaire, de nombreux éléments de l’ex-PCA et de militants de l’ORP sont les signes avant-courreurs d’une répression d’envergure contre les masses et leurs conquêtes, contre les syndicats et l’autogestion. Après avoir « démantelé » l’avant-garde des militants d’opposition par les « grandes purges » de septembre, le pouvoir bureaucratique de Boumediene se trouve désormais directement confronté avec les organisations de masses, avec les étudiants et surtout avec l’U.GT.A., seule organisation de masse de la classe ouvrière. Le fait que la plupart des cadres conscients de l’UNEA, de la JFLN et du FLN aient été arrêtés, ou aient pris la fuite, montre que le pouvoir a décidé de détruire tous les foyers potentiels d’agitation et d’opposition pouvant faire naître des centres incontrôlés de direction. Si jusqu’à présent l’UGTA semble avoir échappé à la répression, cela tient à l’alliance tactique passée par la Centrale avec le secrétariat exécutif du Parti. Mais cette alliance ou ce « soutien » ne peuvent durer longtemps. Déjà le N° 2 de Révolution et Travail ne fait plus mention du secrétariat exécutif, et il semble que le N° 3 ne paraisse pas. Les congres prévus sont reportés ; le moment de la rupture approche entre le pouvoir et l’UGTA. L’envergure de la répression, l’attaque des libertés syndicales et de l’autogestion sur une grande échelle indiquent qu’un changement qualitatif dans les rapports entre la bureaucratie au pouvoir et les masses est en train de s’opérer en Algérie.
Lettres publiées dans Le Brise-Glace, n° 2-3, printemps 1989, p. 28.
Début octobre 1988
Bonjour,
(…) J’ai passé une dizaine de jours au bord de la mer (…) la mer ici c’est tout ce qui reste de beau. Notre pays est en train de vivre un moment très difficile, une grande crise économique. L’inflation bat son plein, ce qui augmente le nombre des corrompus d’un chiffre considérable. La corruption est partout. Ça touche même les couches du peuple. Le peuple souffre et se lamente avec un silence qui se fera entendre bien haut tôt ou tard. Car il y a ici un vrai ras-le-bol. Mais voilà, malheureusement, les leaders manquent, l’organisation des masses populaires n’existe pas.
La préparation psychologique de l’opinion à la guerre d’Algérie, s’intensifie de jour en jour. A travers la presse, la radio, et de tous les moyens mis à sa disposition, la bourgeoisie prépare le terrain. Rien ne nous est épargné, la description méticuleuse des atrocités commises du côté algérien, les attentats commis en France par les nord-africains, connaissent la plus large diffusion, et déjà dans les usines, on s’aperçoit des méfaits de cette propagande.
Article paru dans La Voix du peuple, n° 17, 3 janvier 1956
En même temps qu’il rameute tous les réformistes et les béni-oui-oui pour les baptiser « interlocuteurs valables », le colonialisme lance toutes ses forces contre le Mouvement National Algérien.
Une fois de plus, un dirigeant du M.N.A., Mokhtar Zitouni, a été arrêté à Saint-Eugène (Alger) le 23 décembre, et torturé. Depuis cette date nous n’avons aucune nouvelle de lui.
J’ai choisi de partager trois documents rédigés par Albert Camus entre 1955 et 1958. Connus des spécialistes, ils demeurent rarement cités par ceux qui, de part et d’autre de la Méditerranée, instruisent des procès à charge ou à décharge, sans chercher à restituer l’ambiguïté, la complexité ou la tension inhérentes à chaque trajectoire individuelle.