Article de Kateb Yacine paru dans Demain, n° 47, du 1er au 7 novembre 1956, p. 8
Par KATEB YACINE
L’U.R.S.S., grande puissance réaliste, renoncera-t-elle à l’usage de la force contre la volonté d’indépendance du peuple hongrois ? La France est-elle encore une grande puissance ? Usera-t-elle longtemps de la force contre le peuple algérien ?
Débat dirigé par Jean-Claude Kerbourc’h avec Claude Lanzmann, Olivier Revault d’Allonnes, Maxime Rodinson et Pierre Vidal-Naquet, paru dans Combat, 22 juin 1967
Un débat dirigé par J.-Claude Kerbourc’h et la participation de Olivier Revault d’Allonnes Claude Lanzmann Maxime Rodinson Pierre Vidal-Naquet
Le conflit israélo-arabe a enfoncé un coin dans la gauche française, au risque de la faire éclater. Les communistes ont défendu les Arabes, les fédérés ont soutenu Israël. L’unité toute neuve n’a pas résisté à la première crise internationale depuis les élections présidentielles. Il est vrai que cette cassure n’est pas nouvelle et il n’y a aucune raison pour qu’elle ne se reproduise pas à la prochaine occasion. Il convenait pour les uns d’attaquer sans nuances « l’impérialisme américain ». Il s’agissait pour les autres de démontrer que l’expédition de 1956 n’était pas aussi sotte qu’on l’a dit, et, corollairement, de faire un discret appel du pied aux modérés.
Discours de Maxime Rodinson paru dans France Observateur, 15e année, n° 724, 19 mars 1964, p. 10 ; suivi de « Nos lecteurs écrivent », France Observateur, n° 725, 26 mars 1964 ; « Nos lecteurs écrivent » et « Les étudiants juifs répondent », France Observateur,n° 726, 2 avril 1964 ;Maxime Rodinson, « Nationalisme arabe et nationalisme juif »,France Observateur, n° 727, 9 avril 1964, p. 20; « Nos lecteurs écrivent », France Observateur, n° 728, 16 avril 1964 ; « Nos lecteurs écrivent », France Observateur, n° 729, 23 avril 1964 ; « Nos lecteurs écrivent », France Observateur, n° 730, 30 avril 1964 ; « Nos lecteurs écrivent », France Observateur, n° 731, 7 mai 1964 ; « Nos lecteurs écrivent », France Observateur, n° 734, 28 mai 1964
L’Union des Etudiants Juifs de France avait organisé, le 4 mars dernier, un débat sur la perspective d’un règlement du conflit israélo-arabe. Plusieurs étudiants nord-africains étaient dans la salle, mais ils refusèrent de monter sur une tribune où se trouvaient des partisans du sionisme. Maxime Rodinson fut alors conduit à exposer leur point de vue. « Curieuse situation, dit-il, d’être appelé, moi juif, à faire l’arabe. »
Il le fit cependant avec un tel talent que les auditeurs, ravis ou violemment irrités, durent reconnaître qu’ils avaient rarement entendu exposé aussi incisif et aussi clair.
Article de Kateb Yacine paru dans Demain, n° 43, du 4 au 10 octobre 1956, p. 20
Après Memmi, Chraïbi, Dib, Ouary, l’Afrique du Nord vient d’apporter à la littérature française un nouvel écrivain de grande taille : Kateb Yacine.
Son premier roman, « NEDJMA » (Ed. du Seuil), demeurera l’un des événements marquants de cette année.
La tragédie d’une génération et d’une communauté se situe au cœur de son inspiration.
Mais ce jeune écrivain algérien, de culture française et de souche arabe parle de cette tragédie en fils d’une culture universelle qui ne se pose que les problèmes qu’elle a déjà résolus pour elle-même.
Article de Daniel Guérin paru dans France Observateur, sixième année, n° 298, 26 janvier 1956, p. 12
Le très intéressant livre que Colette et Francis Jeanson viennent de publier sur l’Algérie a déjà été l’objet d’assez vives critiques non seulement de la part des milieux réactionnaires mais aussi de la part d’un certain nombre de journalistes et de militants de gauche qui lui reprochent la manière dont il prend parti dans les conflits internes du nationalisme algérien.
Nous avons demandé à Daniel Guérin, auteur de Au service des colonisés, de rendre compte impartialement de ce livre et nous souhaitons que tous les adversaires du colonialisme fassent leur sa conclusion.
Motion publiée dans Lutte palestinienne, n° 7, avril 1970, p. 21
Le Docteur Sadek el-Azm, professeur à l’Université de Amman, en Jordanie, en fut chassé pour avoir tenu des propos contraires aux conceptions du régime fantoche. Ayant trouvé ensuite un poste d’enseignement à l’Université américaine de Beyrouth, il en fut rapidement exclu pour des raisons semblables à celles invoquées lors de son exclusion de l’Université d’Amman.
Les exploiteurs du monde entier peuvent avoir à l’heure actuelle un rictus de satisfaction : en Amérique Latine, les trusts des United Fruit renforcent leur puissance, en Indochine les capitaux français sont préservés, en Tunisie la peur des colons s’amoindrit.
PLUS de 1.400 morts, pas tous encore dénombrés ; des milliers de blessés : des dizaines de milliers de sans-abri, errant dans les rues informes et dans la campagne : tel est le dramatique bilan du séisme d’Orléansville.
C’EST une juive berbère, la Kahena, qui est à l’origine de l’Algérie, au même titre que Jugurtha, Abdelkader et Mokrani, héros de la légende et précurseurs de la libération.
« Sauver les privilèges ! », voici le mot d’ordre de la bourgeoisie colonialiste. Toutefois, la lutte des peuples colonisés force cette bourgeoisie à employer des méthodes que la presse s’accorde pour qualifier de « nouvelles ».
Article d’Yves Dechézelles paru dans Le Libérateur, 1ère année, n° 18, 12 septembre 1954, p. 1-2
Un gouvernement quel qu’il soit ne peut régler tous les problèmes à la fois. L’on comprend qu’il s’efforce de les régler l’un après l’autre, suivant l’ordre d’urgence qu’il a fixé par avance et que les circonstances peuvent l’amener à modifier en cours d’exécution.
Article de Boualem Khalfa paru dans Liberté, organe du Parti communiste algérien, 12e année, n° 586, 9 septembre 1954, p. 1 [fin manquante]
LE 4 juillet 1954, le comité central du Parti communiste algérien constatait déjà, dans l’appel qu’il lançait aux Algériens, le silence de « L’Algérie Libre » sur les problèmes de l’union, et en particulier sur la préparation du Congres national algérien proposé par la direction du M.T.L.D. 40 jours après l’appel de notre parti pour un Front national démocratique algérien. Malgré plusieurs rappels de notre part, dont le plus récent date de la semaine dernière, « L’Algérie Libre » n’a donné aucune réponse à nos questions. La crise interne que traverse le M.T.L.D. expliquerait-elle ce silence sur une question de cette importance qui intéresse l’ensemble du Mouvement National et au sujet de laquelle les patriotes demandent à être éclairés ?
L’ALGERIE LIBRE (organe du Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques en Algérie, M.T.L.D.) a publié récemment un communiqué relatant les décisions prises à la suite du congrès extraordinaire du M.T.L.D. qui s’est tenu en Belgique les 14, 15 et 16 juillet derniers. Ces décisions sont les suivantes :
Article paru dans Dernière Heure, 8 septembre 1954 suivi de « Toujours les mêmes ! », paru dans Alger Républicain, 8 septembre 1954
Ces derniers sont accusés de déviationnisme
LESincidents entre membres du M.T.L.D. en Algérie ont leur écho dans la presse parisienne. M. Henry Benazet écrit notamment, ce matin, dans l’« Aurore » :
NOUS l’avons dit et c’est notre fierté : Le R.D.R. entend être le régulateur de la vie démocratique en France, le forum de toute la pensée libre et révolutionnaire. C’est dans cet esprit qu’il accueille fraternellement ce bel article de notre ami l’écrivain et auteur dramatique Albert Camus, par lequel l’auteur de La Peste entend clore un dialogue qu’il eut avec M. Emmanuel d’Astier de la Vigerie, député de l’U.R.R., apparenté au P.C.
Article de Jane Albert-Hesse paru dans Franc-Tireur, 16 juillet 1953, p. 4
MANES SPERBER, présentant l’autobiographie d’Arthur Koestler fait remarquer que Koestler « veut comprendre sa vie comme si elle n’était pas la sienne ». On ne saurait, en effet, de manière plus pertinente, et plus brève, mettre à jour le caractère essentiel de ce premier volume, La Corde raide (1) qui, dans le temps, se déplace de 1905 à 1931 – de la naissance à son adhésion au parti communiste.
La grande bataille, qui est l’une des caractéristiques de ce milieu du XXe siècle, entre les peuples colonisés et les Etats colonisants, vient d’enregistrer en ces derniers mois, presque simultanément, deux victoires des colonisés et deux victoires des colonisateurs ; en outre, en un cinquième point, la bataille connaît une suspension d’armes qui fait bien augurer de son issue.
Article paru dans Alger Républicain, 4 septembre 1954 ; « Règlements de comptes dans les rues d’Alger », La Dépêche quotidienne, 4 septembre 1954 ;« Menteurs et provocateurs » et « Incidents à Philippeville entre militants des deux tendances du M.T.L.D. », Alger Républicain, 5-6 septembre 1954
Des incidents ont éclaté hier, avenue Malakoff, entre militants des deux tendances du M.T.L.D. Les heurts se sont produits à l’occasion de la sortie d’un nouveau journal, « La Nation Algérienne », dont le directeur est M. Lahouel Hocine.
La position F.C.L. de « Soutien Critique » se vérifie
AU Maroc, la lutte s’amplifie malgré les mensonges de la grande presse qui ose prétendre que les ordres de grève ne sont pas suivis mais qui avoue en même temps le renforcement des mesures policières et militaires. Les attentats se multiplient, frappent de plus en plus vite. La détermination des partisans marocains, leur précision et le soutien que toute la population leur accorde rendent vaines les précautions et les « ratissages » de l’occupant. Tout un peuple s’est engagé dans une lutte gigantesque pour sa liberté. Sans doute, tous les Marocains ne sont-ils pas conscients de l’enjeu réel du combat, sans doute croient-ils souvent eux-mêmes qu’il s’agit seulement de se débarrasser de l’étranger qui les exploite. En fait, ils battent en brèche l’impérialisme sur une de ses positions essentielles (tant au point de vue économique que stratégique) et pose le problème de l’émancipation totale de leur peuple. Car, en poursuivant la lutte, ils vont contraindre les demi-résistants à se démasquer, ils vont mettre au pied du mur les chefs nationalistes, ils vont prendre conscience que Mohamed ben Youssef n’est qu’un symbole, passager, et que leur but profond, réel, c’est d’être débarrassés de toute forme d’exploitation, pour une société sans classes et sans Etat.
Article signé Le Moghrébin paru dans La Révolution prolétarienne,23e année, No 387, Nouvelle série n° 86, septembre 1954, p. 1-2
En 51, après la première grande machination administrative visant à perdre le sultan Ben Youssef, j’écrivais à peu près : nous venons d’assister à un grand « fourbi de bureau arabe » ; il a foiré ; et c’est le sultan qui a gagné.
Communiqué du MTLD paru dans Alger Républicain, le 1er septembre 1954
Le M.T.L.D. communique :
« Le Journal d’Alger » et la « Dépêche Quotidienne » dans leurs numéros respectifs des 30 et 31 août, ont relaté sous le titre tapageux « Scission au MTLD », un incident qui s’est produit dans le garage du parti, rue de Guesde à Belcourt, le samedi 28.
Texte collectif paru dans Nouvelle Gauche, 1ère année, n° 4, 27 mai 1956
NOUS nous permettons, en qualité de spécialistes des problèmes arabes et islamiques, d’attirer l’attention sur l’évolution du problème algérien. On agite le spectre du panarabisme et du panislamisme pour déclarer qu’il est impossible de négocier en Algérie avec des gens qui adhèrent à ces doctrines. Nous ne nions pas l’existence de telles tendances, mais nous nions qu’elles soient déterminantes.
Les travaux du XIIIe Congrès de notre Parti, les multiples messages qu’il a reçus d’Asie et d’Afrique, le nombre et la qualité des interventions des représentants des peuples colonisés par notre propre impérialisme ont mis en évidence cette caractéristique essentielle de la période actuelle : l’essor gigantesque des mouvements de libération des peuples coloniaux et dépendants. Une telle situation implique pour nous, communistes français, de grandes responsabilités.
DANS la partie de son rapport relative au point 13 du projet de thèse, le camarade Jacques Duclos fait ressortir la volonté des gouvernants français d’envoyer de nouvelles troupes en Indochine, conformément à l’exigence des impérialistes américains.
Article paru dans Tribune ouvrière, n° 3, juillet-août 1954, p. 5-6
Mendès-France élu avec l’ensemble des voix de l’assemblée, des communistes aux R.P.F., accentue la guerre en prétendant faire la Paix. Il avait particulièrement à s’occuper des questions coloniales, à savoir, solutionner la question d’Indochine à la suite de la défaite de Dien-Bien-Phu et de la situation dramatique de la Tunisie.
Le cessez-le-feu en Indochine a été décide à Genève. Nous laisserons à d’autres le soin de développer les marchandages auxquels il a pu donner lieu entre les deux blocs qui se disputent la domination du monde. La diplomatie, symbole de l’hypocrisie la plus raffinée, mise au service des causes les plus discutables, a joué à plein dans cette affaire. Quant à M. Mendès-France, devenu au bon moment chef du gouvernement français, il recueille modestement les lauriers réservés aux pèlerins de la paix. Reste à savoir si, même sans la venue de ce pacifiste rassurant pour les détenteurs de comptes en banque, la guerre d’Indochine ne se serait pas bientôt arrêtée faute, pour l’économie française, de pouvoir en supporter les frais.
Article de Michel Gérard paru dans Jeune Révolutionnaire, n° 3, août 1954, p. 8
L’Humanité du 6-7-54 et l’Observateur du 8 faisant état d’un éditorial de l’Algérie Libre (Organe du M.T.L.D.) intitulé : « La Crise Française », déplorent l’incompréhension des algériens, leur peu de logique et pour tout dire leur méfiance de cette gauche française qu’eux représentent.
Article signé Saint-Gérand paru en trois parties dans Le Libérateur,1ère année, n° 15, 1er août 1954 ; n° 16, 15 août 1954 ; n° 17, 29 août 1954.
L’Algérie, contrairement à ce que pensent certains de nos compatriotes, n’est pas la France. Elle a ses problèmes propres, elle souffre de ce cancer des temps modernes qui s’appelle le colonialisme ; en Algérie sévit un truquage calme et efficace des institutions républicaines, l’étouffement des libertés y est devenu systématique, la peur du peuple algérien se traduit par une scolarisation insuffisante et une brutale politique d’assimilation niant l’originalité de la culture maghribine et de la langue arabe. Enfin, l’inadaptation économique de ce pays de par la volonté de ses exploiteurs capitalistes n’a fait un pays riche, à population en grande majorité misérable.
Je viens de lire votre article dans le N° 35 de Contre le Courant, je l’ai déjà relu trois fois, et, plus je le lis, plus je vois clairement les causes de votre façon erronée d’aborder la très importante question du conflit russo-chinois. Permettez-moi d’exposer brièvement mon opinion au sujet de ce problème.
C’est le 29 et 30 juin que siègera à Kladno, au cœur du bassin minier tchécoslovaque, la Conférence des Groupes tchèques de l’Opposition de droite. Cette Opposition qui a à sa tête Jilek, Bolen, Muna, Neurath, etc., décida de ne pas reconnaitre le Comité Central (Gottwald, Reimann) élu au 5e Congrès du Parti Communiste tchécoslovaque ; elle désigna un autre Comité Central comprenant tous les chefs de l’Opposition de droite.
La crise de la Révolution russe, dont la crise du Parti russe et de l’Internationale Communiste est l’expression politique, est entrée dans une phase décisive. Le dernier acte de Thermidor est commencé. Le premier mot de cet acte est l’état de siège, le bannissement de Trotsky. Son ultime parole l’amènera à rejeter le dernier manteau qui fait encore obstacle au développement spontané de l’accumulation capitaliste ; ce sera la transformation du « capitalisme d’Etat existant dans un Etat prolétarien » (Nep) en un capitalisme d’Etat à direction bonapartiste durant une période transitoire se terminant par la remise en bail à l’Amérique de l’ex-Etat ouvrier et paysan devenant une semi-colonie (en premier lieu un marché).
Nous publions ci-dessous un article que le camarade Kurt Landau a adressé à Contre le Courant. Nous le faisons d’autant plus volontiers que nous jugeons indispensables les échanges d’opinion entre les oppositions des différents pays.
Article de Kurt Landau paru dans La Vérité, 2e année, n° 58,17 octobre 1930, p. 4
Le gouvernement Schober a été renversé, il y a peu de jours par le parti chrétien-social ; il fut remplacé par le gouvernement minoritaire de Vaugoin, dont le chef des Heimwehren, Starhemberg est le ministre de l’intérieur.
Article de Kurt Landau paru dans La Vérité,2e année, n° 54, 19 septembre 1930, p. 1
Pour le front uni ouvrier contre le fascisme !
Berlin, le 15 septembre.
(De notre correspondant)
Le résultat des élections allemandes prouve que la participation électorale fut extrêmement élevée. Elle dépasse très sensiblement 80 %. Par l’affluence d’électeurs et la participation de l’élément jeune (2 millions 1/2), le nombre des voix passe de 30 millions à 35 millions, et le nombre total des mandats de 493 à 576, augmentant de 83 le nombre de députés. Plus de la moitié de ces 6 millions d’électeurs nouveaux sont des prolétaires. Ces faits doivent être soulignés pour analyser les résultats électoraux.
Le 21 septembre se tiendra à Berlin la Conférence Nationale de l’Opposition allemande – une semaine exactement après les élections du Reichstag qui mettent en ce moment le Parti dans un état d’excitation et d’illusions florissantes.
Monsieur Treviranus, chef du Parti populiste conservateur et ministre des pays occupés, a fait le 11 août un discours, qui a tenu en haleine pendant toute une semaine la bourgeoisie allemande et étrangère. Treviranus développa dans ce discours une partie du programme extra-parlementaire du régime Hindenburg, dont Treviranus est le soutien matériel et inconditionné.
Depuis quelques semaines, le nouveau gouvernement du bloc bourgeois, le gouvernement Brüning-Schiele-Treviranus est entré en fonctions. Il s’est placé, dès sa formation, sous le signe d’une menace de dictature. Il cherchait une majorité parlementaire, mais il déclara en même temps que même si cette majorité ne lui était pas assurée, il ne se retirerait pas, mais gouvernerait contre le Parlement.
Conformément au cours nouveau proclamé par la direction stalinienne depuis le 15 mans, le présidium du Comité exécutif a ordonné un tournant général dans toutes les sections de l’Internationale communiste.
Les élections aux conseils d’entreprises ont commencé. Les résultats déjà connus confirment pleinement les pronostics que nous avons brièvement esquissés dans la Vérité du 14 mars. Dans de nombreuses entreprises où le Parti présentait pour la première fois des listes rouges, celles-ci obtiennent des succès appréciables. Mais là où l’année passée il enregistrait des victoires éclatantes, là où il avait donc à présent à satisfaire l’attente et l’espoir des ouvriers, la justement, le Parti subit des défaites parfois désastreuses. Dans notre dernier article nous avons déjà pris comme exemple le cas des conseils d’entreprises de la Société berlinoise des transports. Le 15 mars ont eu lieu les élections au conseil d’entreprise pour 1930. Elles ont été une lourde défaite pour le Parti. Contre 10.797 voix en 1929, il n’en obtient que 6.317, tandis que la liste des syndicats a fait un bond de 5.934 (1929) à 10.146 voix.
Ces jours-ci auront lieu en Allemagne les premières élections aux conseils d’entreprises ; le parti non seulement y emploiera la même tactique que l’année dernière, mais il la renforcera encore. Si, en 1929, la ligne générale du parti était celle d’établir des listes à lui, soutenues par les inorganisés, cette ligne générale a été élevée en 1930 à un dogme rigide.
Le bureau de l’Internationale communiste pour l’Europe occidentale – l’institut créé pour des actions à date fixe et à l’ « échelle mondiale » – a lancé pour le 6 mars un appel à des « manifestations puissantes »rassemblant à la fois les ouvriers réduits au chômage et ceux qui travaillent dans tous les pays ! Il faut évidemment se réjouir de ce que des stratèges du nouveau cours aient découvert ces mois derniers le problème du chômage. Mais ce qui est moins réjouissant, c’est qu’ils ne posent pas le problème du chômage dans ses rapports avec la situation concrète de chaque pays, mais de cette façon ridiculement schématique dont nous avons déjà vu la faillite le 1er août, première journée internationale de lutte.
Pendant des semaines et des semaines, le parti allemand avait fait annoncer par la voie de ses 35 journaux que le premier février la masse des millions de chômeurs défilerait dans toute l’Allemagne. Les ouvriers des usines donneraient la preuve de leur solidarité. Bravant les lois d’exception de Zœrgiebel et de Severing, la classe ouvrière conquerrait la rue.
Le 22 décembre a eu lieu le plébiscite du bloc fasciste (Hugenherg-Hitler-Seldte) pour la « loi de liberté ». Six millions de voix environ ont été recueillies par ses promoteurs.
Le Congrès de l’opposition syndicale révolutionnaire a siégé à Berlin le 30 novembre et le 1er décembre.
Ce Congrès, que le Parti communiste allemand préparait depuis de longs mois avait, à l’origine, un but très particulier. C’était celui de créer en Allemagne une sorte de mouvement minoritaire dans les syndicats, de réunir en un bloc rouge l’opposition existant dans les différentes organisations et d’établir ainsi la première condition pour la création de nouveaux syndicats en Allemagne.
Le malheur du Leninbund consiste en ce qu’il veut jouer le rôle d’un parti autonome, alors qu’il n’est en réalité qu’une faible fraction. Je ne doute pas un instant que si vous persistez dans la voie actuelle, vous mènerez en peu de mois l’organisation à une catastrophe.
(Lettre du camarade Trotsky à la direction du Leninbund, 13 octobre 1929)
Il y a dix-huit mois, le Leninbund recueillait 40.000 voix ouvrières en Prusse, dont 8.374 à Berlin seulement. Durant ces dix-huit mois, il n’a pas su consolider les positions acquises, étendre son influence dans de nouveaux domaines et ainsi renforcer ses rangs. Depuis quelque temps, des camarades s’efforcent de montrer que l’absence d’une ligne politique claire, le flottement perpétuel entre Korsch et Brandler ne peuvent avoir que de funestes conséquences pour le Leninbund. Les faits ont justifié leurs prédictions. Aux dernières élections municipales, le Leninbund a perdu plus de la moitié des voix qu’il avait eues en 1928. A Berlin, où parait son journal, Volkswille, il tombe de 8.374 suffrages à 3.784.
Le 17 novembre ont eu lieu en Prusse et en Saxe les élections municipales. Ce sont les premières élections importantes depuis que la social-démocratie est à la tête du gouvernement, ce sont à Berlin les premières élections depuis les massacres du 1er mai.
Au cours des deux dernières années, la classe ouvrière allemande a commencé, lentement et non sans hésitation, à se mettre en état de défense contre l’offensive capitaliste. Toute une série de luttes acharnées pour les salaires qui se sont déroulées presque sans arrêt depuis 1927 marquent la naissance d’une activité nouvelle du prolétariat. Les succès électoraux du Parti communiste et du Parti social-démocrate aux élections au Reichstag de 1928 reflètent à n’en pas douter un profond travail de regroupement parmi de larges couches de la population. Des millions d’ouvriers et de petits bourgeois qui, il y a quelques années, suivaient les nationalistes et le centre catholique, ont manifesté clairement contre la politique du bloc bourgeois : rationalisation, impôts, tarif douanier, en se tournant vers les partis qui combattaient ce bloc bourgeois, et en premier lieu vers le Parti social-démocrate.
« Le terrain de lutte démocratique nous a déjà été enlevé. Il n’existe plus ». C’est en ces termes qu’un représentant de l’aile gauche du parti social-démocrate résuma au congrès de Leipzig le trait caractéristique de la situation politique en Allemagne, et en même temps la faillite complète de la politique social-démocrate.