Le colonisé, l’homme noir, celui qui est l’objet du racisme, est objet de la violence du raciste, et, pour assumer son être, il doit y répondre par la violence : voilà une thèse fondamentale de Frantz Fanon, le psychiatre antillais devenu algérien, dans une prise de conscience globale de la solidarité des colonisés, et mort au service de l’Algérie en guerre.
Notes de lecture sur « EROS et CIVILISATION », de H. Marcuse et « EROS et THANATOS », de O. Brown
Un biographe de Freud raconte que celui-ci, débarquant aux États-Unis, aurait déclaré à un ami qui l’accompagnait : « Nous leur apportons le poison ». Paroles qui semblent prophétiques quand on découvre les ravages que fait aujourd’hui la psychanalyse dans ce pays. Elle a échappe aux psychiatres, à qui elle était primitivement destinée, pour tomber entre les mains de tous, y compris de gens dont on peut se demander en quoi cet instrument peut leur être utile, tels les sociologues marxistes ou les théologiens protestants, — ce qui nous a valu les deux ouvrages traduits en français qui sont l’objet de la présente critique.
LE modernisme semble, si nous en croyons certains, avoir bousculé de nombreux préjugés, de nombreuses croyances qui ont marqué si profondément le passé. Et, de fait, la croyance en Dieu, par exemple, est moins vive, moins tenace, de même que les nationalismes et les revanchismes déclinent depuis que les gens ont appris à se connaitre par-delà les frontières.
Vendeuses en grève d’un magasin près de la Gare Saint-Lazare, le rideau de fer est baissé, 17 juin 1936, Paris, France. The metal grill has been pulled down on this store near the Saint-Lazare train station and the saleswomen are on strike, June 17, 1936, Paris, France. (Photo by KEYSTONE-FRANCE/Gamma-Rapho via Getty Images)
Pour les Communistes les enseignements de l’histoire du Front Populaire sont des plus simples : l’unité syndicale et l’unité politique de la gauche ont alors assuré la défaite de la réaction et le succès des revendications ouvrières. Aujourd’hui comme il y a 30 ans, « l’unité sans exclusive » des organisations syndicales et des « vrais républicains » produirait les mêmes heureux effets et même permettrait d’amorcer la transition pacifique vers le socialisme. Le dernier mot du « marxisme » des communistes est de proposer aux travailleurs la simple répétition d’une politique vieille de trois décennies, qui fut mise en œuvre dans des conditions entièrement différentes et qui de surcroit démontra la faillite retentissante du réformisme.
Au moment où, à la faveur des manifestations suscitées par l’affaire Ben Barka, les étudiants d’Alger relancent, avec beaucoup de courage et, semble-t-il, une certaine efficacité, l’action contre le régime du 19 juin, il est particulièrement intéressant de lire — ou de relire — l’excellente brochure de 96 pages que Daniel Guérin vient de faire paraître il y a à peine un mois.
Article de Maurice Joyeux parudans Le Monde libertaire, n° 122, mai 1966
C’en intentionnellement que j’ai signalé, contrairement à la coutume, le nom du préfacier de cet ouvrage mince par son volume mais capital, non pas par son contenu, banal, hélas ! par ces temps de barbarie, mais par la valeur symbolique qu’il revêt. — Henri Alleg, voyons, souvenez-vous ? Il y a quelques années, dans la même édition, un autre livre paru, qui était signé Henri Alleg. Le titre : « la Question » ! Déjà à cette époque un certain nombre d’intellectuels distingués s’agitaient autour de ce livre comme ils le font aujourd’hui. Les mêmes peut-être, si on excepte quelques-uns aujourd’hui installés confortablement à Alger.
(traduit de Jim Evrard – The Rebel Worker – 5 – Solidarity Bookshop – 1947 – Larrabee Street Chicago – Ill )
Les gens parlent toujours de publicité, de propagande, et de manipulations de l’opinion publique en terres généraux, mais rarement en termes précis. J’aimerais prendre l’exemple concret d’une chanson populaire sur le « five o’clock world » (le monde de 5 heures du soir) pour illustrer quelques aspects des techniques de manipulation auxquelles nous sommes constamment exposés.
Quoi de plus banal qu’une histoire d’amour, même pas le début d’une histoire d’amour.
Une caméra qui s’attarde tendrement sur des objets apparemment sans importance et qui nous guide lentement dans le monde triste, gris, monotone de Hanna. Deux mille jeunes ouvrières campées dans une banlieue de Prague au service d’une usine de chaussures, et quelques vieux bien pensants pour les encadrer. A la sortie de l’usine, il n’y a qu’une petite pluie fine pour les accompagner à travers un paysage de boue jusqu’à leur internat, pas un sourire de garçon, pas un baiser, rien, personne ; et leur journée se noie ainsi dans un ciel encore plus triste qu’elles.
Vous-mêmes, comme les lecteurs de La Nouvelle Critique, connaissez bien les noms de Hocine Zahouane, membre du Bureau politique du F.L.N., de Mohammed Harbi, membre du Comité Central, qui tous deux ont apporté une contribution remarquable à l’élaboration de la Charte d’Alger, et de Bachir Hadj Ali, ancien dirigeant communiste dont votre revue a, plus d’une fois, publié des articles et des poèmes.
Je comprends mieux ces yeux levés vers lui dans les rues de Harlem, qui donnaient la complicité et la confiance ; cette haine mortelle que lui dédiait ses ennemis et qui dépassa sa mort même. Je comprends mieux cette stupeur qui me parvint aussi quand, soudain : « Ils l’ont tué ! » Car la route qu’il suivit, et qui fut si étrange parfois, était restée jusqu’au bout lucide et sereine, pourtant chaude. Il se sera trompé en quelques moments, mais ne se sera jamais égaré, par le désir de satisfaire une tâche dont la richesse ne faisait qu’ajouter à la difficulté !
Article paru dans Le Prolétaire,n° 29, février 1966, p. 2 et 4
Pendant que Ben Bella paradait sur le devant de la scène politique, nous avons vu quel était l’enjeu social des luttes de classes qui se livraient en Algérie. (Voir notre numéro précédent).
Extrait du document préparé par le Secrétariat Unifié pour le Congrès Mondial de la IVe Internationale (5-12 décembre 1965) paru dans Quatrième Internationale, n° 27, février 1966, p. 43-51
LA RÉVOLUTION ALGÉRIENNE
Sans revenir en détail sur les analyses précisées dans plusieurs textes de l’Internationale, on peut synthétiser comme suit les traits fondamentaux de la révolution algérienne avant l’indépendance :
Dossier paru dans le Bulletin de liaison, n° 6, février 1966
APPEL AUX ETUDIANTS
Le 29 janvier, un mouvement de protestation déclenché par les étudiants d’Alger à l’occasion de l’ « affaire Ben Barka » s’est rapidement transformé en une manifestation d’hostilité à l’égard du pouvoir de Boumedienne. Les 4.000 manifestants se sont heurtés à une répression policière d’une extrême violence. De nombreux étudiants ont été blessés, tandis que d’autres étaient arrêtés. Aussitôt, le secrétariat exécutif du pseudo-F.L.N. a décidé la dissolution de la section d’Alger du syndicat des étudiants (qui groupe 8.000 étudiants environ). Au cours de la nuit, plusieurs dirigeants de l’UNEA étaient enlevés en pleine Cité Universitaire.
Article paru dans le Bulletin de liaison, organe du Comité national de défense de la révolution, n° 7, avril 1966, p. 10-12
Les problèmes majeurs qui se posent à l’humanité de notre temps sont dominés par la constatation d’une situation intolérable due à la division de notre planète en deux mondes opposés : celui de la faim et celui de l’abondance. Ce fossé, qui chaque année s’approfondit un peu plus, constitue la ligne de partage qui dresse d’une part les trois quarts du genre humain : exploités manquant du minimum vital et dont le nombre augmente vertigineusement et, d’autre part, la minorité de nantis qui concentre entre ses mains des moyens de production colossaux, des richesses fabuleuses et les leviers de commande politique.
Pour ce premier texte, nous choisissons l’ALGERIE parce qu’elle est proche de nous, et pas seulement dans le temps et dans l’espace, mais nous connaissons mieux les problèmes de nos camarades algériens qui viennent de publier un texte dont le préambule est :
« Nous souhaitons qu’il soit pour tous les révolutionnaires, une contribution qui nous aidera à la clarification nécessaire aux luttes en cours. »
Interview de Messali Hadj recueillie par Paul Roos, Oise Actualités, 21-22 octobre 1966.
Habitant maintenant une modeste maisonnette dans un quartier ouvrier de Lamorlaye, le leader nationaliste algérien Messali Hadj, chef du P.P.A. – qui fut, rappelons-le, le premier à réclamer l’indépendance pour l’Algérie et ce au début des années 20 – a bien voulu rompre un silence de plusieurs mois pour répondre aux questions que nous sommes allés lui poser sur deux sujets d’une brulante actualité : l’affaire Ben Barka et les dissensions au sein du gouvernement de l’Algérie d’aujourd’hui.
Extrait de Maxime Rodinson, « Les Arabes et Israël », Revue française de science politique, vol. 16, n° 4, août 1966, p. 792-795
Si certains sentiments répandus viennent atténuer ou contrebalancer l’intense sentiment sous-jacent d’humiliation, d’autres viennent au contraire le renforcer, l’exacerber.
Article paru dans Travailleurs immigrés en lutte, mensuel de l’Organisation communiste révolutionnaire internationaliste d’Algérie, n° 26, décembre 1978, p. 3-4.
Depuis son retour d’URSS, Boumédiène est dans un coma profond ; deux caillots de sang lui obstruent le cerveau, et il est atteint d’une maladie rare, la maladie de Waldenström, dans sa forme aiguë. Autant dire que, malgré sa survie artificielle, Boumédiène est mort, et physiquement et politiquement.
Tract diffusé en Algérie à la fin de l’année 1965 et reproduit dans Internationale situationniste, n° 10, mars 1966, p. 12-21
On pourrait croire que le nouveau régime algérien s’est donné pour unique tâche de confirmer l’analyse sommaire que l’I.S. a présentée de lui, dès les jours qui suivirent son putsch inaugural, dans l’Adresse aux révolutionnaires que nous avons alors publiée à Alger. Liquider l’autogestion, c’est tout le contenu du boumediennisme, c’est sa seule activité réelle ; et elle commence à l’instant même où l’État, par le déploiement de la force militaire qui était sa seule cristallisation achevée sous Ben Bella, son seul organisme solide, a proclamé son indépendance en face de la société algérienne. Les autres projets de l’État, la réorganisation technocratique de l’économie, l’extension de la base de son pouvoir, socialement et juridiquement, dépasse les capacités de la classe dirigeante actuelle dans les conditions réelles du pays. La foule des indécis, qui n’avait pas été les ennemis de Ben Bella mais ceux qu’il a déçus, et qui ont attendu pour juger le nouveau régime sur ses actes, peuvent voir que finalement, ce régime ne fait rien, excepté son acte constituant la dictature autonome de l’État, qui est du même coup sa déclaration de guerre à l’autogestion. Même énoncer des accusations précises contre Ben Bella, ou l’abattre publiquement, semble être au-dessus de ses forces pour une longue période. Le seul reste de «socialisme» professé en Algérie est précisément ce noyau du socialisme renversé, ce produit de la réaction générale dans le mouvement ouvrier même que la défaite de la révolution russe a légué comme modèle positif au reste du monde, y compris à l’Algérie de Ben Bella : la contre-vérité policière du pouvoir. C’est ainsi que l’ennemi politique n’est pas condamné pour ses positions réelles, mais pour le contraire de ce qu’il a été ; ou bien même il se dissout soudainement dans un silence organisé, il n’a jamais existé, ni pour le tribunal ni pour l’historien. Et c’est ainsi que Boumedienne, un des principaux responsables depuis toujours du fait que l’autogestion algérienne n’est qu’une caricature de ce qu’il lui faut être, la traite officiellement de «caricature» afin de la réorganiser autoritairement. Au nom d’une essence de l’autogestion idéologiquement garantie par l’État, Boumedienne rejette les manifestations réelles ébauchées de l’autogestion.
Ce tract a été diffusé en Algérie après le coup d’État du 19 juin 1965 et reproduit dans la revue Internationale situationniste, n°10, mars 1966, p. 43-49
« Les révolutions prolétariennes… raillent impitoyablement les hésitations, les faiblesses et les misères de leurs premières tentatives, paraissent n’abattre leur adversaire que pour lui permettre de puiser de nouvelles forces de la terre et se redresser à nouveau formidable en face d’elles, reculent constamment à nouveau devant l’immensité infinie de leurs propres buts, jusqu’à ce que soit créée enfin la situation qui rende impossible tout retour en arrière. » Marx (Le 18 Brumaire de Louis Napoléon Bonaparte).