Textes de Mohammed El-Gharbi et de Michel Parfenov parus dans La Nouvelle Critique, 11e année, n° 103, février 1959, p. 132-143
Nous présentons sous le même titre deux textes. Le premier est constitué d’importants extraits de l’intervention prononcée par Mohammed el-Gharbi, délégué algérien à la Conférence des écrivains d’Asie et d’Afrique de Tachkent. Le second, de Michel Parfenov, constitue une « esquisse d’une description critique de la littérature algérienne de langue française ». Le lecteur s’étonnera-t-il de l’optique différente des auteurs ?
Article de Pierre Naville paru dans Perspectives socialistes, n° 25, juin 1959, p. 3-8
VOILA plus de quatre ans que la guerre se poursuit en Algérie. Guerre qualifiée de nationale et de patriotique par le F.L.N., de rébellion et de révolte par les gouvernements français, de théâtre d’opérations de la guerre mondiale par les chefs de l’armée française, de guerre civile par certains socialistes. Quel que soit son sens, en tout cas, il s’agit d’une guerre, tout comme celle qui s’est menée au Vietnam pendant sept ans sans qu’on ait voulu le reconnaître. Bien entendu, les gouvernements français n’ont jamais admis officiellement que l’Etat fut « en » guerre, puisqu’il ne s’agit pas d’un conflit avec une puissance étrangère. Mais les conflits armés qui n’ont pas lieu entre Etats reconnus n’en sont pas moins des guerres, lorsqu’ils atteignent une certaine ampleur, et qu’ils mettent en branle des masses nationales. La France a fait la guerre au Maroc pendant des dizaines d’années, jusqu’à la « révolte » d’Abd el Krim en 1925. En Algérie, la colonisation avait été assez puissante, depuis la destruction des forces d’Abd el Kader, et après l’écrasement des révoltes de 1871, pour instaurer un état de paix fondé sur l’oppression permanente et savamment organisée de la population autochtone. Mais, depuis 1954, les chefs militaires français ont compris qu’ils avaient sur les bras une véritable guerre. Ils sortaient à peine de la guerre du Vietnam – conclue, celle-là, par une bataille dans les règles – et venaient tout juste d’éviter d’en engager une de grande envergure dans tout le Maghreb, à partir des foyers d’insurrection de Tunisie et du Maroc. Sans le retour de Mohamed V sur son trône et l’accession de la Tunisie à l’autonomie, puis à l’indépendance, il est clair que le soulèvement algérien (qui se serait inévitablement produit) aurait entraîné une lutte générale d’Agadir à Gabès, c’est-à-dire sur un front de mer et de terre de plusieurs milliers de kilomètres ; guerre d’indépendance qui aurait vite pris un tour international, et qui aurait conduit la France à accorder en bloc ce qu’elle a partiellement cédé en détail sur les deux ailes du Maghreb. Au fond, Edgar Faure et P. Mendès-France, en accordant au Maroc et à la Tunisie la quasi-indépendance, n’ont nullement « trahi » les intérêts de la puissance colonisatrice, contrairement à ce que prétendent les ultras de la colonisation. Tout au contraire ! Ils ont permis à la France d’engager la guerre d’Algérie – surtout au point de vue militaire – dans les seules conditions où elle pouvait prétendre la gagner, ou du moins l’espérer.
Article de Daniel Guérin paru dans Correspondance Socialiste Internationale, 10e année, n° 102, décembre 1959, p. 4
Je ne crois pas avoir lu depuis longtemps un livre aussi riche et aussi bouleversant, traitant de problèmes particuliers dans une optique aussi universelle, collant à l’actualité et pourtant marqué à ce point du signe de la durée. L’An V de la Révolution algérienne, de Frantz Fanon, est, et restera, une source d’inépuisables réflexions, non seulement pour l’anticolonialiste, mais aussi pour le révolutionnaire prolétarien, pour le sociologue, le psychologue, le psychiatre, enfin pour l’humanité tout court.
Extrait d’une note d’Informations ouvrières, n° 10, avril 1959, p. 2-3
II/- Les données de la situation algérienne peuvent se résumer brièvement ainsi :
– Du côté algérien. – Le peuple algérien, malgré les coups terribles qu’il reçoit, quoique indéniablement épuisé, reste derrière ses combattants. Les « fellaghas », bien que subissant les plus sévères échecs sur les plans militaire et répressif, continuent le combat avec l’acharnement de combattants qui ne veulent lâcher les armes qu’après avoir arraché satisfaction à leurs aspirations.
Article d’Yves Dechézelles paru dans Perspectives socialistes, n° 25, juin 1959, p. 25-28
JUSQU’A une date relativement récente, il n’existait aucun document d’ensemble faisant ressortir l’ampleur des conséquences sociales de la guerre d’Algérie. Les renseignements dont l’on disposait, si révélateurs qu’ils soient, visaient le plus souvent des faits limités dans l’espace et le temps et résultaient en général de témoignages individuels et par là-même contestables. Aussi véridiques qu’ils fussent, une grande partie de l’opinion publique, intoxiquée par la propagande officielle et toujours sensible aux arguments chauvins, demeurait sceptique. De toute manière, des gens de bonne foi avaient toujours la ressource de penser que les faits relatés étaient exceptionnels.
Article de Daniel Guérin paru dans Correspondance Socialiste Internationale, 10e année, n° 93, mars 1959, p. 2
Vers 1930, à l’époque, hélas déjà lointaine où certains d’entre nous faisaient leurs premiers pas dans l’action militante, la tâche essentielle était de faire connaître ce qu’est la colonisation, car bien peu de gens dans notre pays s’y intéressaient, et plus rares encore étaient ceux qui l’avaient sérieusement étudiée.
Le livre de B. Sarel constitue une contribution de premier ordre à la compréhension de l’univers bureaucratique et des luttes de classes qui s’y déroulent actuellement (1). Sobre, précis, documenté, Sarel nous fait pénétrer d’une manière extrêmement concrète dans la réalité quotidienne des rapports antagoniques qui se sont développés en Allemagne orientale entre le prolétariat et la nouvelle classe dirigeante du soi-disant régime socialiste. Sarel ne pose pas des affirmations dogmatiques générales sur les contradictions internes des régimes bureaucratiques, il fait parler les faits et souvent même les personnages, ouvriers ou bureaucrates, qui vivent tous les jours ce déchirement de la société. Peu à peu se reconstitue sous nos yeux l’histoire d’une lutte de classe, et la signification révolutionnaire que développe cette histoire.
Depuis la fin de la 2e guerre mondiale, la pensée en France a tourné autour du marxisme. Des prêtres comme Calvez ou des laïques comme Merleau-Ponty ou Aron s’efforçaient en vain de le détruire idéologiquement ; Sartre s’évertuait non moins vainement de l’envelopper dans l’existentialisme. Et voici que la bourgeoisie voit avec stupéfaction le marxisme être contesté philosophiquement par une série d’intellectuels issus du P.C.F., ou qui étaient plus ou moins sous son contrôle. Dans ces derniers mois, au moins quatre livres ont paru qui partent du marxisme — plus exactement du marxisme tel que le présente la direction du P.C.F. — et qui expriment chacun une tentative de la « dépasser », à la lumière d’une expérience variable pour chaque auteur mais dans laquelle entrent notamment la déstalinisation et les réactions de la direction du P.C.F. à celle-ci (1). La bourgeoisie, quoi que puissent prétendre les rédacteurs de « la Nouvelle Critique », ne s’est pas jetée sur ces ouvrages, car elle voit bien qu’ils n’auront guère de répercussions hors des milieux intellectuels et qu’elle reste impuissante à tirer profit de la crise du stalinisme.
Les écrivains, les « touristes », les syndicats, pour s’opposer au patronat, insistent sur les salaires de misère, les cadences infernales, les normes inhumaines que l’usine impose à l’ouvrier. Mais ils ne mettent pas vraiment en cause la société industrielle, le système capitaliste. L’amélioration des conditions du travail ne saurait en aucune façon supprimer l’aliénation de l’ouvrier qui, malgré tous les avantages qu’on pourrait lui accorder, n’en resterait pas moins une machine à produire, condamnée par l’organisation sociale à une existence passive sur le travail, végétative pendant les loisirs.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 10, septembre 1959, p. 7-8 et 13
Un préjugé tenace et répandu refuse de reconnaître que les noirs américains soient capables de lutter sérieusement et efficacement contre l’oppression raciale, encore moins d’imposer à tel ou tel moment et dans tel ou tel endroit leur propre loi. Vue dans cette optique, qu’on retrouve aussi fréquemment dans les milieux qui se croient de gauche que dans ceux de droite, le problème de l’intégration et de l’égalité raciale aux Etats-Unis est totalement extérieur aux noirs eux-mêmes : il s’agit de savoir si les blancs libéraux réussiront à imposer leur politique aux blancs racistes, le problème noir est une histoire de famille entre blancs. Si l’on suivait ces idées, on devrait dire que depuis la guerre de Sécession les noirs n’ont jamais eu aucun rôle positif et actif, qu’ils n’ont fait que subir les évènements : hier les blancs du nord les ont délivré de l’esclavage, demain on leur donnera l’égalité raciale.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 10, septembre 1959, p. 3-6
La société est cloisonnée en France de telle façon qu’un employé est à peu près sûr de rester employé, un ouvrier ouvrier et un patron patron. Ceci, nous le savons par expérience.
« Car l’esprit ouvrier, à peine ses yeux sont-ils ouverts, revient à son « Je pense », tout comme Descartes. Il tient bon là ; il se forme une idée juste de ce que c’est qu’une vie humaine ; et cette idée est qu’il ne faut pas attendre de tout comprendre pour vivre en homme. Cette idée est en marche, et le moindre progrès de la connaissance l’éclaire un peu plus. Et c’est pourquoi l’idée de rationalisation, qui porte la marque des brevetés, a trouvé, contre l’attente des rois de ce monde-là, une résistance. Le citoyen riveur et le citoyen ajusteur ont dit : « Produire n’est pas le tout ; et aussi bien votre édifice industriel s’écroule par le haut, ce qui prouve que vous êtes bien loin de connaître assez pour légiférer. Humanité et justice valent mieux que puissance : et puisque vous nous consultez, nous allons dire, non ce que nous savons, mais ce que nous voulons. C’est à vous, les rois, de vous en arranger. »
Dans une petite revue qui se discute beaucoup parmi les intellectuels de la rive gauche (« Arguments »), une poignée d’anciens communistes s’efforcent de remettre en question la plupart des formules dites d’extrême gauche. Effort désordonné et inégal quant aux sujets traités, mais effort sympathique, car les « ex » qui le mènent ne sont ni de vieux fonctionnaires du parti ni des professionnels de la politique. Ni des Marty, ni des Hervé. Ils en sont à se demander si la révolte de Cronstadt ne signifiait pas le premier exemple, suffisant, de l’opposition entre parti et classe ouvrière. Ils publient des études sur l’évolution de la structure des classes salariées. Leur jargon se ressent encore de leur passage dans le parti communiste, et bien des tics défigurent leurs raisonnements qu’ils s’efforcent de mener droit. Cependant, ils ne pontifient ni ne tranchent. Ils cherchent. Si bien que dans l’étonnante sécheresse de la pensée socialiste qui caractérise notre époque, ce filet d’eau ou ces gouttes de sueur ne sont pas à dédaigner.
Messali Hadj est l’une des plus grandes figures du combat contre le colonialisme. Organisateur des ouvriers parisiens d’origine algérienne dans les années qui suivirent la première guerre mondiale, ouvrier lui-même, il devint, lorsqu’il eut regagné son pays natal, le fondateur et le porte-drapeau du premier mouvement national algérien à base populaire qu’il y ait eu. C’est grâce à lui que le nationalisme algérien cessa d’être confiné au sein de petits groupes d’intellectuels pour devenir un mouvement de masse englobant peu à peu l’ensemble du peuple algérien et mettant au premier plan les revendications des plus exploités : ouvriers et paysans.
Article de Kostas Axelos suivi de « Fragments » parus dans Arguments, n° 14, 2e trimestre 1959, p. 20-25
En ces temps où « la » pensée se fait rare, ses sous-produits inondant le marché mondial de la production et de la consommation des biens culturels, il faut savoir reconnaître et saluer un penseur lorsqu’on le rencontre. Theodor Wiesengrund Adorno n’est pas un grand penseur, un fondateur ; il a néanmoins le mérite d’essayer de penser, aujourd’hui même, où l’effort de penser se trouve écrasé par l’anodine, accablante et multicolore érudition académique et par les segmentations technicistes, quand il n’est pas pris, ailleurs, dans l’engrenage des rotatives du journalisme énervé et superficiel ou quand il ne succombe pas sous la vague de platitude et de vulgarisation qui déferle de tous côtés.
J’ai le plaisir d’annoncer la publication de mon article intitulé « Il y a soixante ans : FLN-MNA : une guerre fratricide dans la guerre d’Algérie » dans le numéro d’octobre d’Alternative libertaire.
Article de Claude Gérard paru dans La Nation socialiste, février 1959.
En même temps, que la déclaration de Messali Hadj « Aux camarades de la Nation Socialiste » voici quelques lignes de « bloc notes » prises au hasard au cours de l’étape Belle Ile Chantilly, ce samedi 17 février 1959…
Le deuxième Congrès de la Fédération de France de l’U.S.T.A. a tenu ses assises à la Salle des Fêtes de Fives-Lille les 27, 28 et 29 novembre 1959. 351 délégués représentant 97.675 adhérents aux différents syndicats de l’U.S.T.A., venant de toutes les régions de France, y étalent. Toutes les corporations : métallurgie, produits chimiques, mines, bâtiment, alimentation, etc., étaient représentées. Il y avait 10 Algériennes et les délégués étaient de tous les âges.
Dans la « R. P. » de juillet-août 1959, le camarade Louzon a publié un article sous le titre « Requête à Messali Hadj« .
Tout d’abord, il a rendu hommage au Président du M.N.A. en des termes pleins de sympathie et de grandeur. Il faut le dire, il peint admirablement bien l’ouvrier et le dirigeant courageux qui a consacré sa vie entière au service des travailleurs algériens et à leur éducation.
Les premiers coups de feu ont été tirés à Paris il y aura bientôt trois ans. Depuis, ils se sont multipliés et ont fait des victimes tant parmi les Nord-Africains que dans la population française.
Après toutes ses années de prison ou de déportation, Messali Hadj, libéré de Belle-Ile, et gardant de là bas le souvenir de nos camarades du Cercle Zimmerwald de Niort, a répondu à l’invitation de la « R. P. » et du Cercle Zimmerwald de Paris et est venu nous parler des problèmes de l’Afrique du Nord. Parmi nous, dit-il, il se sent chez lui. Ainsi y a-t-il toujours eu, même dans les moments les plus sombres de son combat, une poignée d’amis, la « baraka », où des Français ont été mêlés aux Algériens.
Article paru dans Pouvoir Ouvrier, n° 2, janvier 1959, p. 1-3.
Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis la libération et tous les partis ont adopté comme programme la grandeur, la puissance et l’indépendance de la France. Ils ont échoué. De Gaulle va peut-être réussir si les ouvriers le laissent faire.
Article de Martine Vidal paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 28, juillet-août 1959, p. 80-82.
C’est la bourgeoisie qui, à la fin du XIXe siècle, a imposé la laïcité de l’enseignement public, parmi une série d’autres réformes anticléricales, à un moment où l’Eglise représentait pour elle un adversaire politique. Depuis, l’Eglise a évolué ; toujours au service de la classe dominante, elle est maintenant au service de la classe bourgeoise. L’anticléricalisme de la bourgeoisie s’est éteint et la laïcité de l’école publique est de nouveau mise en question.
Extrait de l’article d’André Adam, « Chronique sociale et culturelle », paru dans l’Annuaire de l’Afrique du Nord, Vol. 3, 1964, p. 184-188.
4. – LE PROBLEME DE LA FEMME
Encore un débat qui n’est pas près de s’achever ! N’allons pas nous imaginer que, dans cette affaire de l’émancipation de la femme algérienne, tous les vieux soient contre et tous les jeunes pour. Les choses ne sont pas aussi simples. L’Union algérienne des centres de vacances a organisé à Alger une série de débats entre lycéens des classes de seconde, première et terminales sur le problème de la « mixité », dont le compte rendu a paru dans Alger républicain des 18 à 21 février. Nombre de ces jeunes gens sont fort lucides. Il faut, dit l’un, pour que la mixité soit possible, « une reconversion des esprits et de la mentalité ».
Article paru dans Alarme, organe du Ferment ouvrier révolutionnaire, n° 40, avril à décembre 1988, p. 14-15.
« Les Ferhat Abbas et Ho Chi Minh, tout à fait comparables aux Massu métropolitains et aux colons, ne peuvent agir que par le recul de la révolution, et par les innombrables manigances inter-impérialistes du marchandage entre les deux blocs. »
« La fin de l’éternité ». G. Munis, 1959.
La vague de grèves, aboutissant aux journées d’émeutes d’octobre 88, souligne nettement la nature de quelques conceptions sur l’Algérie et les « nations indépendantes ».
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 11, octobre 1959, p. 1-2.
Il y a un an De Gaulle arrivait au pouvoir en promettant la paix en Algérie et depuis la guerre n’a fait quo s’intensifier. On aurait pu croire que la population travailleuse, qui en supporte les conséquences, serait mécontente et s’opposerait à cette politique. Non, De Gaulle continue la guerre et tout le monde se tait. Mais s’il l’arrête, tout le monde criera au miracle et prétendra qu’il est un homme génial et pacifique.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 10, septembre 1959, p. 1-3.
Les travailleurs sont pour la paix en Algérie, mais ils ne sont pas pour les Algériens. Ils ne font rien pour les aider dans leur lutte à l’échelle politique. Ils ne manifestent pas leur solidarité. Même sur le plan personnel, dans leurs rapports de travail avec les ouvriers algériens, ils témoignent d’une certaine méfiance : ils disent que ce sont des types qui ne savent pas travailler, ou bien qui ne veulent pas travailler, ou bien qui ne cherchent pas à se mêler à eux.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 2, janvier 1959, p. 7-9.
1° En Algérie, l’ objectif des grands capitalistes est de liquider la forme arriérée d’exploitation qu’est la colonisation. Actuellement l’exploitation des Algériens se fait de deux manières et profite à deux catégories de la bourgeoisie : en tant que travailleurs, les Algériens subissent l’exploitation directe ou indirecte des grands propriétaires terriens (« colons ») ; en tant que consommateurs, ils éprouvent celle des Compagnies commerciales qui monopolisent le marché algérien. Cette forme d’exploitation na permet pas aux gros banquiers et industriels métropolitains d’investir leurs capitaux en Algérie de façon profitable.
Extraits d’un article paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 28, Volume V (11e année), Juillet-Août 1959, p. 35-38
Fanatisme et superstition
Même pour le fanatisme, la superstition, j’ai vu que c’était autorisé, agréé par le gouvernement français en Algérie. J’ai vu, square Nelson, des femmes qui allaient là, soi-disant que c’était des sorciers – des conneries, quoi. Mais c’était agréé par le gouvernement. Il y avait des négresses là, qui tuaient des poulets, prenaient les entrailles et tout ce qui s’ensuit. Soi-disant que l’eau de mer de cet endroit était bénie par le sorcier et les femmes allaient se laver là-dedans. Il y avait donc des femmes qui se foutaient à poil pour se laver là et simplement il y avait une autre femme qui les cachait avec un petit bout de voile de rien du tout. Un jour j’étais avec les copains et j’avais vu ça. D’ailleurs les copains et moi on avait commencé à rouspéter parce qu’il y avait des pêcheurs, là. Ils donnaient des bons coups d’œil. Enfin, ils se régalaient. Alors nous, on a commencé à incendier cette femme et les femmes qui faisaient brûler de l’encens et tout le bataclan. Eh bien! mon vieux, il fallait qu’on courre, parce que les flics ils sont venus ; ils nous ont fait courir. C’était autorisé par le gouvernement.
Extraits d’un article paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 29, Volume V (11e année), Décembre 1959-Février 1960, p. 54-55.
14 juillet 1953
Ma femme était à l’hôpital. Elle venait d’accoucher d’un deuxième enfant. Alors je sors de l’hôpital et je savais qu’il y avait le défilé. Je me dis, je vais défiler, c’est pas loin. Mais manque de pot, je tourne d’un côté et je tombe sur trois cars de flicaille qui étaient là. Ils me regardent d’un sale œil. Moi je m’en foutais, je les emmerdais. Il y avait l’autre gosse à la maison qui m’attendait, mais je me suis dit : il va bien m’attendre un petit peu, je vais voir comment c’est le défilé. Parce qu’il y avait Marcel Cachin. J’aimais bien voir ce vieux-là. Et puis d’un seul coup, poum! vlan! j’entends que ça commence la bagarre là-dedans.
Intervention de Melle Dehbia au 2e congrès de l’USTA, texte paru dans La Voix du travailleur algérien, décembre 1959.
Mlle DEHBIA, de Roubaix :
Chères sœurs et chers frères,
Deux années se sont écoulées depuis le Premier Congrès de l’U.S.T.A. Ces deux années pleines de luttes et de sacrifices ont démontré aux adversaires de la classe ouvrière algérienne que ni les complots ni les assassinats ne peuvent détourner l’U.S.T.A. de la noble mission qu’elle s’est fixée d’accomplir pour la paix, la liberté et le bien-être de la classe ouvrière algérienne dans une Algérie libre et heureuse.
Intervention de Melle Fatma au 2e congrès de l’USTA, texte paru dans La Voix du travailleur algérien, décembre 1959.
Mlle FATMA (Union locale de Roubaix)
Mes chères sœurs,
mes chers frères,
L’USTA a lutté pour faire triompher les droits des travailleurs algériens au prix que nous connaissons. Nous pouvons désormais dire qu’à partir de sa création jusqu’à présent, elle a rempli sa mission, fait son devoir consciencieusement. Soyons certains que dans le chemin de l’avenir, elle accomplira la tâche qu’elle s’est assignée avec toute l’ardeur dont elle est animée.
Intervention de A. Hedjila au 2e congrès de l’USTA, texte paru dans La Voix du travailleur algérien, décembre 1959.
A… Hedjila, Alimentation, Région parisienne :
Chères sœurs,
Chers frères,
Chers camarades,
J’ai écouté attentivement toutes les interventions de mes camarades qui se sont succédé à cette tribune. J’ai constaté que le problème de la femme n’a pas pris toute l’ampleur qu’il fallait lui donner et l’importance qu’il fallait lui consacrer. Le rapport moral lui-même en a parlé mais très brièvement et sans toutefois apporter des mesures concrètes en faveur de la femme algérienne et de son émancipation.
Source :Edgar Morin, Autocritique, Paris, Seuil (Points), 1991, p. 187-203.
En automne 1955, Antelme, Mascolo, Louis-René des Forêts et moi fondions le Comité d’action des intellectuels contre la guerre en Algérie. C’était l’époque où une lame de fond semblait vouloir se former dans le pays. Des casernes étaient assaillies. Des jeunes rappelés chahutaient. D’autres voulaient se planquer. Le parti communiste s’efforçait de canaliser le mouvement dans un sens légal pétitionnaire et il lui brisait les reins. Nous voulions nous élever contre le principe même de la guerre coloniale et pour le principe même du droit des peuples. Notre force première était d’être indépendants. De nombreux intellectuels de gauche adhérèrent au comité. Quelques communistes, déçus par la mollesse tacticienne du parti, nous rejoignirent quoiqu’on les eût mis en garde contre ce « comité d’exclus ».
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