F. LOVSKY : Antisémitisme et mystère d’Israël. Paris, Albin Michel, 1955, 561 p., 1150 fr.
Les livres sur l’histoire de l’antisémitisme abondent actuellement. Il semble que soient venues à maturation les réflexions et les études inspirées à des esprits bien différents par l’abominable déchaînement de la bestialité nazie. F. Lovsky nous apporte un point de vue de théologien chrétien et plus précisément protestant, utilisant pourtant les travaux des théologiens catholiques et en somme ne se séparant d’eux sur rien d’essentiel.
Le procès contre Slansky et ses amis en Tchécoslovaquie a été le signal d’une campagne antisémite à peine camouflée dans les autres « démocraties populaires » et en U.R.S.S. même. Evidemment, les Juifs ne sont pas attaqués en tant que race, peuple ou groupe collectif comme le faisaient les nazis. On s’en prend seulement aux sionistes, aux « éléments cosmopolites ». Mais personne ne pourra nier qu’en organisant des procès publics ou des campagnes de dénonciation dans lesquels toutes les personnes touchées sont juives ; qu’en s’acharnant à mentionner chaque fois l’origine juive des accusés ; qu’en prenant encore la précaution de mentionner les noms d’origine et les noms de parents à résonnance juive des personnes visées, on renforce ainsi systématiquement et on utilise à dessein les sentiments antisémites existant encore dans de larges couches paysannes et petites-bourgeoises de ces pays.
Article de Raphaël Valensi paru dans La Vérité,n° 194, 31 octobre 1947, p. 2
Prenant la relève du « Pilori », « L’Epoque » réclame le « numerus clausus »
Certes, la presse réactionnaire ne peut encore se payer le luxe de manger ouvertement du juif, car les confrères qui l’ont précédée dans cette besogne sont un peu gênants. Le souvenir de « Je suis partout » et du « Pilori » est encore trop vivace. C’est pourquoi l’antisémitisme, arme traditionnelle de la réaction, n’est utilisée actuellement que d’une manière insidieuse. Lors du drame de l’« Exodus », « L’Epoque » trouva indécent que l’on pleure sur les rescapés des fours crématoires lorsque tant d’authentiques et valeureux Français moisissent encore à Fresnes.
Cela a commencé par une attaque de Pierre Hervé, dans Fraternité, accusant les « agitateurs trotskystes » d’être composés de « 80 % de juifs ». Dans le même article, Hervé lançait une pointe contre la finance juive. Ces procédés, rappelant ceux de la propagande de Gœbbels, ont provoqué un certain émoi, y compris dans les rangs du P. C. F.
Article paru dans La Vérité, n° 336, du 14 mai au 27 mai 1954, p. 4
DE nouveaux procès se succèdent rapidement dans divers pays d’Europe Orientale, et renouent avec la propagande antisémite développée pendant les derniers mois de la vie de Staline, au moment du procès Slansky et du prétendu « complot des médecins juifs ».
Article de Joseph Gabel alias Lucien Martin paru dans La Revue socialiste, n° 24-25-26, janvier-février-mars 1949, p. 187-192
Dans la série de stupidités criminelles qui jalonnent l’histoire de ce temps, le meurtre du Comte Bernadotte mérite indiscutablement une place d’honneur. Crime incompréhensible à prime abord car d’un côté il est trop évident que ce geste aura porté préjudice à la cause du jeune état d’Israël et fourni une arme aux antisémites du monde entier et de l’autre on voit très mal les avantages que pouvaient raisonnablement en attendre ses auteurs. On aimerait pouvoir plaider la folie voire la provocation arabe. Cependant la responsabilité de l’attentat est d’ores et déjà revendiquée par un groupement extrémiste et force est d’admettre qu’une certaine pensée politique – aussi fausse qu’elle soit – a présidé à son exécution. Nous essayerons de donner une analyse objective des dessous psychologiques et politiques de cet attentat dans la genèse duquel intervinrent deux ordres de facteurs : l’extrémisme ultranationaliste juif et la politique juive du communisme mondial dont le premier semble être à l’heure actuelle l’instrument plus ou moins conscient.
Article de Joseph Gabel alias Lucien Martin paru dans Masses,n° 11, octobre-novembre 1947, p. 11-13
L’OBJECTIVITE est plus nécessaire encore lorsque l’on traite de problèmes humains que pour l’étude de questions scientifiques. En publiant l’article de Lucien Martin nous tenons à faire remarquer aux lecteurs que l’auteur est lui-même israélite ; qu’à l’appui de son hypothèse il eût pu apporter bien d’autres faits, témoignages ou raisonnements ; enfin, qu’il est permis de critiquer le sionisme sans être un stipendié de l’impérialisme anglais ou un possédé de l’antisémitisme. Les malheurs juifs ne doivent pas nous faire oublier, d’une part qu’il existe des Arabes en Palestine, d’autre part que le nationalisme, sous quelque forme qu’il soit, n’est une solution à aucun des problèmes de l’heure présente. Toute notre sympathie est acquise aux survivants des hécatombes hitlériennes. Nous partageons leurs souffrances, physiques et morales, comme nous partageons celles de toutes les victimes, – et il y en a de par le monde ! – de l’oppression, de la haine, de la bêtise.
Article de Claude Devence paru dans Nouvelle Gauche, organe du mouvement uni de la nouvelle gauche, n° 5, 10 juin 1956
LE film de Resnais nous expose la réalité brute de l’horreur concentrationnaire. Ce n’est pas un cauchemar, c’est vrai.
Cela n’a pas seulement été vrai à un moment de l’histoire. Ce peut être encore vrai à tout moment, de la part de n’importe quel peuple, de n’importe quel groupe, parce que c’est le fait de l’homme. Il ne s’agit pas ici de l’Allemand ou même du nazi seulement. Resnais nous le montre clairement (1).
Article de Robert Vaez-Olivera paru dans Correspondance Socialiste Internationale, 11e année, n° 105, mars 1960, p.5
La recrudescence de l’antisémitisme et du racisme justifie la publication de l’article ci-dessous que nous avons demandé à notre ami Vaez Olivera. Dans cette analyse claire et concise, notre ami exprime un point de vue qui peut ne pas être celui de nombre de nos lecteurs. Nos colonnes sont largement ouvertes aux observations ou réflexions dont vous voudrez bien nous faire part.
Article de Pierre Vidal-Naquet paru dans Partisans, n° 52, mars-avril 1970, p.193-199
Ce numéro de Partisans ne serait à mon avis très utile si quelqu’un ne semait pas un peu d’inquiétude entre tant de certitudes affirmées. C’est cette tâche un peu ingrate qui m’incombe ici. Nos lecteurs sont des militants de la gauche révolutionnaire, et c’est leur orthodoxie que je mets ici en question. Je ne doute pas en effet qu’ils ne soient très largement prévenus contre la propagande israélienne et sioniste qui, en France, rencontre un écho qu’il est devenu inutile de décrire. Une chose est de combattre une idéologie et une propagande néfastes, une autre est de prendre conscience d’un certain nombre de réalités gênantes.
Et maintenant l’antisémitisme. La propagande éclate mais elle avait commencé bien avant le procès de Prague. Mais pourquoi et comment est-ce possible vont se demander ceux qui n’ont pas encore su mesurer le cynisme stalinien – le « réalisme », disent les thuriféraires (et on a vu, sitôt après le procès, des staliniens honteux se précipiter à l’aide de Staline, démontrant doctoralement que « antisionisme » n’est pas antisémitisme).
ÉDITÉS pour la première fois en 1936-38 « Les procès de Moscou » sont réédités périodiquement et chaque fois dans un pays différent du glacis stalinien. Les personnages variant seulement, les juges d’hier jouant bien souvent le rôle des accusés du jour, « ces procès » n’intéressent plus, n’émeuvent plus.
ON pouvait croire, en ces années qui précédèrent la guerre de 1939-1945, qu’en France, du moins, la question juive ne se posait plus : depuis cent cinquante ans, la Révolution française, la première, avait assimilé les Juifs aux autres catégories de Français et, peu à peu, malgré des crises, comme l’affaire Dreyfus, il semblait qu’on s’acheminât vers la disparition du vieux problème historique.
Correspondance parue dans Pouvoir ouvrier, n° 46, décembre 1962, p. 9
Chers camarades,
En tant qu’ancien militant de votre groupe et participant depuis longtemps à la lutte pour la liberté des noirs aux U.S. je me trouve quelque peu embarrassé par l’initiative que vous avez prise, dans le dernier numéro du P.O. de publier, presque sans critique, l’éloge des « Musulmans Noirs » du journal « Correspondance ». (1)
Le refus par Israël d’évacuer les territoires occupés après la guerre des Six Jours de juin 1967, a profondément transformé le conflit qui l’oppose depuis sa création en 1948 aux pays arabes et surtout aux arabes palestiniens. Cette occupation a provoqué une violente réaction des Palestiniens et la cristallisation de leur sentiment national. Désormais, dans le conflit israélo-arabe, la résistance du peuple palestinien est passée au premier plan. C’est ainsi que, beaucoup mieux que par le passé, se dévoile la véritable nature de l’état israélien.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 85, juillet-août 1967, p.7-13
La crise du Proche-Orient, dont on pouvait redouter les prolongements les plus graves sur le plan international, a provoqué dans la population française une extraordinaire poussée passionnelle. Deux guerres mondiales n’ont, à coup sûr, rien appris aux habitants de ce pays : le bourrage de crâne, à peine moins sot qu’en 1914, conserve la plus large efficacité ; les informations truquées et tronquées sont avalées sans discussion par un bon peuple qui se pique pourtant d’être le moins conformiste de la terre, et il n’a même pas manqué un petit contingent de « révolutionnaires » prêts à découvrir les meilleures raisons de faire l’union sacrée avant même que le premier coup de feu ne soit parti. Mais il est vrai, que face aux bénisseurs des armées de l’Etat sioniste et de ses alliés anglo-américains, les défenseurs du « socialisme arabe » et de ses fournisseurs russes, se portaient au secours de régimes qui n’ont certainement rien à voir avec la libération des travailleurs ou même le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Nasser n’est pas Hitler et Israël n’est pas une tendre colombe entourée de vautours. Mais Nasser et ses alliés arabes, y compris ceux d’Alger, quel que soit le rôle positif qu’ils ont joué naguère dans la lutte contre les impérialismes, ne sont plus maintenant que des exploiteurs aussi féroces qu’incompétents des travailleurs arabes – que les Russes ou demain les Chinois leur accordent leur soutien, ne change rien à l’affaire.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 33, octobre 1961, p. 4-5
Les travailleurs vivent avec un système de pensée imprégné d’idées et de formules qu’on leur a inculquées depuis leur enfance soit à l’école primaire, soit au cinéma, la radio, à la Télé ou dans les journaux. Ces idées empêchent les travailleurs de prendre conscience de certaines réalités élémentaires et de leur rôle dans la société. C’est la classe dominante qui les diffuse pour maintenir les travailleurs dans leur rôle d’exploité. Le racisme, le patriotisme, les notions de bon citoyen, d’honnête travailleur, etc… sont autant de formules qui encombrent les esprits et empêchent les ouvriers de résoudre leur propre problème et entretiennent chez la plupart la confusion intellectuelle souvent la plus totale.
La chasse aux juifs se poursuit et s’aggrave, sous le béton du sieur Darquois de Pellepied. On a guère touché jusqu’ici qu’aux juifs réfugiés, mais le bruit court que les juifs français (ou plutôt les Français juifs) auront bientôt leur tour. Comme le disait l’autre jour un officier allemand à une dame de notre connaissance apparentée à la race maudite : « Il n’y a pas, madame, de juifs français, allemands, polonais, nous ne connaissons que des juifs tout court ». Au reste, si l’on n’en est pas encore à embarquer en masse les israélites de chez nous pour les camp de l’est européen, ils n’en subissent pas moins, sur place, toutes les vexations d’une inhumanité raffinée que le sadisme antisémitique se plait à mettre au jour.
Extrait de Maxime Rodinson, Israël et le refus arabe. 75 ans d’histoire, Paris, Le Seuil, 1968, p. 203-229
CONCLUSION
Les pages qui précèdent ont voulu exposer au lecteur les grandes lignes du conflit israélo-arabe. Mon exposé a été essentiellement historique avec, çà et là, quelques données sociologiques fondamentales. Certaines affirmations ont pu étonner, étant contraires à des idées largement répandues. Elles sont pourtant solidement documentées. J’ai pu fournir arguments et références dans des travaux impliquant, à la différence de celui-ci, un appareil d’érudition.
Article de Maxime Rodinson paru dans Le Monde, 5 juin 1967
Le 9 août 1903, le comte Serge de Witte, ministre des finances du tsar Nicolas II, expliquait benoîtement au journaliste viennois Theodor Herzl, qui venait lui démontrer comment l’application de la doctrine du sionisme politique (qu’il venait de fonder) devrait être soutenue par l’empereur orthodoxe :
« J’avais l’habitude de dire au pauvre empereur Alexandre III : ‘S’il était possible, Majesté, de noyer dans la mer Noire six ou sept millions de juifs, j’en serais parfaitement satisfait. Mais ce n’est pas possible. Alors nous devons les laisser vivre !' »
Tribune de Maxime Rodinson parue dans Le Monde, 12 juin 1982
Une fois de plus les dirigeants d’Israël se servent du nom et des malheurs passés de tous les juifs pour couvrir une opération brutale qui, malgré son nom de code mystifiant, ne peut apporter la paix ni à la Galilée, ni à Israël, ni à personne. Une fois de plus, l’immense majorité des médias collaborent au camouflage. Une fois de plus les virtuoses de l’intelligentsia manipulent, au service d’une mauvaise cause, la métaphysique, la psychanalyse, la poésie, la mystique, la supériorité du monothéisme ou les souffrances de millions de martyrs – très réels n’en déplaise aux Faurisson. Ils utilisent comme à l’accoutumée le génie des non-nationalistes juifs que furent Spinoza, Marx, Freud ou Einstein. D’autres abritent leur refus de condamner ce qu’ils auraient condamné partout ailleurs sous des arguties futiles. J’en oublie et j’en passe.
Mon texte intitulé « Après l’empire. De la haine, des Juifs et des Algériens en France » a été publié dans le dernier numéro de la revue en ligne Sciences et Actions Sociales.
Article de Frédéric Fritscher paru dans Le Monde, 16 décembre 1989
ALGER
de notre correspondant
Linda de Suza ne chantera pas à Alger. Les deux concerts, prévus de longue date et annoncés à grand renfort d’affichage public, qu’elle devait donner les 14 et 15 décembre dans la soirée, ont été annulés in extremis par le Centre de culture et d’information (CCI), qui les avait pourtant organisés avec bonheur puisque toutes les places étaient louées à l’avance. Les « difficultés techniques majeures » invoquées par les organisateurs n’ont convaincu personne. Les Algérois ont compris que l’organisme d’Etat, qui gère la salle Atlas (l’ancien Majestic) où devaient se dérouler les deux spectacles, a cédé aux pressions des intégristes.
« … Il semble que l’activité intellectuelle se développe un peu ici mais c’est assez orienté selon les idées de Frantz Fanon, la revendication des peuples sous-développés, mort à l’Europe, vive l’Arabisme, ce n’est pas tellement satisfaisant, intellectuellement parlant.
Extrait de Maxime Rodinson, « Les Arabes et Israël », Revue française de science politique, vol. 16, n° 4, août 1966, p. 792-795
Si certains sentiments répandus viennent atténuer ou contrebalancer l’intense sentiment sous-jacent d’humiliation, d’autres viennent au contraire le renforcer, l’exacerber.
Appel paru dans Résistance, bulletin édité par la délégation extérieure du Parti de l’avant-garde socialiste (O.R.P.), n° 26, juin-juillet 1968, p. 18.
Après les graves incidents qui ont eu lieu dans le quartier de Belleville à Paris, la Délégation Extérieure du Parti de l’Avant-Garde Socialiste (O.R.P.) se félicite de ce que les travailleurs et commerçants algériens et maghrébins du quartier aient refusé dans leur majorité de céder aux provocations, à la violence.
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