Article de Maurice Clavel paru en deux parties dans Combat, 7 et 12 juin 1957
I. – HISTOIRE ET IDEOLOGIE
L’ARTICLE de Gilles Martinet sur le M.N.A. et le F.L.N. apporte une confirmation éclatante aux thèses que j’avançais. L’auteur nous y expose la baisse et les reculs d’un mouvement nationaliste dont il avait omis de nous signaler, en temps utile, la force et la prospérité. Il doute que le M.N.A. puisse organiser encore des manifestations de masse comme celle du 9 mars 1956 à Paris, que nous avions crue F.L.N. : qu’elle fût M.N.A., sur le moment, on ne l’avait pas crié sur les toits. Qui trompe-t-on ? Et quand nous a-t-on trompés ? Et pourquoi diable cette préférence obscure pour un des deux mouvements ? Surtout pour celui qui compte, dans ses victimes, le plus de petits enfants ? Fascination sanguine des âmes tendres, des esprits faibles ? Mystère. M. Claude Bourdet, dans le même numéro, voit dans le massacre de Melouza « une conséquence de la politique des ralliements à tout prix et par tous les moyens » ; autrement dit pas de M.N.A. dans l’affaire : et responsabilité de l’armée française atténuant la culpabilité du F.L.N., auquel, par ailleurs, on adresse de vifs reproches dans le style « Mes amis, mes amis, ah ! que vous me gênez ! » Coup double.
Article de Louis Houdeville paru dans Nouvelle Gauche, 1ère année, n° 9, 9 septembre 1956, p. 2
Après deux mois et demi d’emprisonnement, Claude Gérard a été remise en liberté. Liberté provisoire d’ailleurs, car comme certains journaux se sont plus à le souligner, dès le mois de septembre le juge Pérez reprendra l’instruction.
DEPUIS le vingt-six mai – bientôt deux mois ! – Claude Gérard est détenue à la petite Roquette !
Que lui reproche-t-on ?
Atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat !
Plus exactement la publication, dans un journal marocain, « Al Alam » (1), d’un reportage sur les maquis algériens, et plus spécialement sur les maquis dirigés par le Mouvement National Algérien, dont le président est Messali Hadj.
L’internement de Claude Gérard est un nouvel exemple après beaucoup d’autres, de ce scandale : la détention préventive.
Article signé A. Amyot paru dans Nouvelle Gauche,1ère année, n° 8, 22 juillet 1956, p. 2
Claude Gérard est toujours emprisonnée. Voici sept semaines qu’elle est détenue à la Petite-Roquette. Nous avons protesté chaque fois que des journalistes avaient été inquiétés pour avoir informé objectivement le public des réalités qu’ils avaient été à même de constater.
Articles parus dans Nouvelle Gauche, 1ère année, n° 5, 10 juin 1956, p. 2 puis Nouvelle Gauche, n° 6, 24 juin 1956, p. 7
Militante catholique, Claude Gérard entra dans la Résistance en 1940, à Lyon, au mouvement « Combat » ; traquée par la police, elle passa dans le Limousin, où elle devint l’adjointe d’Edmond Michelet, responsable régional de « Combat ». En 1943, elle assura la coordination et le commandement des maquis de l’A.S. du Limousin. Arrêtée en 1944 par la Gestapo et horriblement torturée, elle fut sauvée au dernier moment par l’action de la Résistance et des troupes alliées.
Extrait des Notes d’économie et de politique de Robert Louzon parues dansLa Révolution prolétarienne, 25e année, n° 407, nouvelle série n° 106, juin 1956, p. 12-14
Ce que propose l’armée de libération
A l’occasion de la fête de l’Aïd-Seghir, l’armée de libération d’Algérie a libéré le premier prisonnier qui est tombé entre ses mains après la fin du Ramadan. A ce soldat, Roger Valle, du 1er régiment d’infanterie coloniale, fut remise une lettre adressée au commandement français, dont voici les principaux passages :
Article de Pierre Boussel alias Pierre Lambert paru dans La Vérité, n° 413, 8 juin 1956, p. 1
CLAUDE GERARD est arrêtée pour avoir effectué un reportage dans les maquis messalistes. Les six-févriéristes d’Alger exigent qu’elle leur soit livrée. Claude Gérard a commis un crime inexpiable. Elle a rapporté que les maquis contrôlés par le MNA couvraient un large secteur de l’Armée de Libération Nationale, soutenu par le peuple algérien unanime. Elle a rapporté le programme politique des combattants de l’ALN.
Article de Gérard Bloch alias R. Monge paru dans La Vérité,n° 412, 1er juin 1956, p. 1-2
– Scandaleuse arrestation de Claude Gérard. – Nouvelles inculpations de Daniel Renard. – LA VÉRITÉ saisie pour la cinquième fois en huit semaines.
Inquiets du formidable mouvements contre la « sale guerre » qui se dessine chaque jour davantage dans les masses profondes du peuple, les milliardaires d’Alger et leurs porte-paroles politiques hurlent à la mort. Ils veulent, pendant qu’ils le peuvent encore, frapper à coups redoublés, non seulement les militants révolutionnaires d’avant-garde, mais les esprits libres, les personnes courageuses qui refusent de se laisser intimider par les insultes des chacals de la presse à gage, et continuent à dire la vérité, à informer honnêtement le peuple sur la situation en Algérie.
Article dePierre Boussel alias Pierre Lambert paru dans La Vérité, n° 411, 25 mai 1956, p. 1-2
ILsuffisait de suivre les informations contradictoires, le silence unanime d’une presse colonialiste et « néo-colonialiste », intéressée au plus haut point à nier l’influence déterminante de Messali Hadj, pour comprendre ! (1)
N’est-il pas remarquable de constater le black-out organisé par la presse « libre » de toute tendance sur le reportage accompli en Algérie par la journaliste française Claude Gérard ; reportage publié par l’hebdomadaire « Demain ». Pourtant, quand R. Barrat avait interviewé des dirigeants du FLN, Belkacem-Ouamrane (« France-Observateur » 15 sept. 1955), la presse alors en avait largement fait état. Instructive comparaison …
Claude Gérard confirme donc de façon éclatante un fait connu des autorités et volontairement dissimulé au grand public : l’existence de puissants maquis se réclamant de Messali Hadj et du MNA, intimement liés à la population algérienne :
Article de Claude Gérard paru dans Demain, n° 23, 17 mai 1956, p. 10-12
Pourquoi nous publions ce document
LORSQUE Claude Gérard est venue proposer à Demain ce reportage réalisé dans des maquis de «l’Armée de Libération Nationale (M.N.A.) », un grave cas de conscience s’est posé à l’équipe du journal. Avions-nous le droit de publier un récit vécu sur l’existence et les aspirations d’hommes qui se sont donne pour mission de combattre les Français dont les sacrifices quotidiens endeuillent la nation ? Avions-nous même le droit de donner la parole à ceux qui, les armes à la main mettent en doute les engagements d’un gouvernement décidé à apporter une solution politique juste au douloureux problème qui déchire le pays ?
Déclaration du Bureau politique du PCF parue dans les Cahiers du communisme, 37e année, n° 11, novembre 1961, p. 1852-1853
LES manifestations de dizaines de milliers d’Algériens qui se sont produites hier à Paris et dans la région parisienne constituent un évènement politique d’une importance exceptionnelles.
S’IL est vrai comme on en a accusé bien légèrement la population allemande, qu’un peuple est responsable de son régime, de quels crimes les Français auraient-ils à rendre compte à l’humanité !
Article de J. Graves suivi d’une brève parus dans La Vérité, n° 332, du 26 mars au 8 avril 1954, p. 2
DANS une série d’articles nous avions essayé l’an dernier de dresser un tableau des problèmes politiques nord-africains. Ce « bilan provisoire » mérite, après six mois, d’être à nouveau dressé parce que tant dans son ensemble que dans chacune des trois nations du Maghreb la situation a évolué.
Article et communiqué du groupe communiste libertaire de Mâcon parus dans Le Libertaire, 56e année, n° 386, 25 mars 1954, p. 1 et 4
La presse mâconnaise nous a informé de la création d’un centre de service médical gratuit qui aura lieu à la Croix-Rouge à l’intention des Nord-Africains. Nos médecins mâconnais sont des malins :
1° Ils ont peur de perdre leur clientèle par crainte de la présence de vilains Nord-Africains dans leur salon d’attente, et prennent des mesures pour satisfaire « l’honorable clientèle » qui pense « que les gens comme il faut ne doivent pas se mélanger avec ceux comme il ne faut pas ».
Article de Pierre Boussel alias Pierre Lambertparu dans La Vérité, n° 462, 14 juin 1957, p. 1 et 2
AU procès intenté le 4 juin, l’avocat général a motivé sa volonté de voir la loi être appliquée dans toute sa rigueur contre les quatre rédacteurs de notre journal en présentant une distinction entre l’information (légitime) et la propagande (délictueuse).
Ceci parce qu’à peu près seuls dans toute la presse nous avons constamment tenu, face à la conspiration du silence organisée par la presse quotidienne et hebdomadaire autour du M.N.A., à faire connaître les positions de ce parti. Nous avons montré devant le tribunal, au sujet des récents massacres de Melouza, comment, une nouvelle fois, la presse avait menti par omission, en tronquant un communiqué du M.N.A. Et nous avons posé la question :
Est-il de notre devoir de rétablir la vérité ? Est-ce de l’information ou de la propagande ?
Editorial de Philippe Viannay paru dans Nouvelle Gauche, 2e année, n° 30, du 22 juin au 13 juillet 1957, p. 1 et 2, suivi d’articles de Jacques Piraud, Claude Devence et Manuel Bridier.
LE problème algérien que le présent gouvernement avait tenté de minimiser de quart d’heure en quart d’heure a surgi dans toute son ampleur à l’occasion de l’affaire de Melouza. Celle-ci, loin de faire l’union sacrée, comme l’espéraient certains, a brutalement démontré à l’opinion française comme à l’opinion mondiale l’échec total de la politique de pacification.
La crise ministérielle est l’occasion d’une épreuve de vérité.
Devant la confusion qui règne dans les esprits, nous avons tenu à analyser quelques aspects de la situation.
Article d’Yves Dechézelles paru dans La Commune, n° 3, juin 1957, p. 5
Le massacre de Melouza a fixé brutalement l’attention sur la tragique division de la résistance algérienne. Pour la vérité et pour l’histoire, nous nous associerons à toutes initiatives qui auront pour but de faire l’entière lumière sur les circonstances qui ont préparé et entouré le massacre de trois cents villageois algériens. Mais faut-il suspendre tout jugement jusqu’au résultat d’une enquête impartiale ? Alors, il faudrait aussi nous taire sur les exactions et les crimes quotidiens de l’impérialisme. L’Histoire qui se fait, elle, n’attend pas. Nous n’avons jamais attendu, quant à nous, pour dénoncer tous les crimes, qu’ils soient racistes, colonialistes, fascistes ou staliniens. Et pourtant, de quelle immensité de moyens et de quelle foule de flagorneurs ont toujours disposé les détenteurs du pouvoir pour dissimuler la vérité ! Nous n’avons pas attendu non plus pour dénoncer, en pleine guerre civile espagnole, l’assassinat des valeureux militants de la F.A.I. et du P.O.U.M.
Le texte publié ci-dessous est celui de la déclaration faite par Bachir Hadj Ali à la clôture de la Semaine de la Pensée marxiste qui s’est tenue à Paris, salle de la Mutualité, du 13 au 20 mars 1963.
La guerre menée par notre peuple pendant sept ans et demi sous la direction du F.L.N. a mis en mouvement des millions d’hommes et de femmes, en majorité des jeunes de moins de vingt-cinq ans. Elle a libéré des énergies considérables, surtout à la campagne. Elle a fourni, au cours de cette phase d’exaltation intense, des héros magnifiques, animés d’une volonté de fer, pleins d’initiatives. Dans mille et une épreuves, se sont forgés des révolutionnaires, se sont accrues les conditions subjectives de la victoire.
Article de Nguyễn Khắc Viện alias Nguyen Nghe paru dans La Pensée,n° 107, février 1963, p.22-36
TOUT dire … quand on a partagé avec des millions de personnes la misère atroce et la grande humiliation des masses colonisées, quand on a vécu avec elles l’épopée de la lutte armée, dure, héroïque, mais victorieuse, on a envie de dire tout cela, de le crier à la face du monde. A la face de ceux qui gardent encore un fonds de bonne conscience, que peuplent les images de Lyautey ou du Père de Foucauld, à la face aussi de ceux, Asiatiques ou Africains, qui paradent aujourd’hui dans les couloirs de l’O.N.U., se contentant des prébendes distribuées par les compagnies coloniales, sans toucher à aucune des vieilles structures d’un monde cruel.
EN septembre, le président Ben Bella n’ayant pas donné le moindre signe de vie (trois mois après son arrestation) un appel fut lancé à l’opinion publique internationale en vue d’obtenir, par une intervention concertée et massive auprès des dirigeants algériens, que celui qui, en droit, reste le président de la République algérienne, soit autorisé « à être assisté des avocats de son choix, à recevoir des visites, à être examiné par un médecin », en un mot, à jouir « des droits élémentaires de la personne humaine ».
Article de Pierre Naville paru dans Perspectives socialistes, n° 25, juin 1959, p. 3-8
VOILA plus de quatre ans que la guerre se poursuit en Algérie. Guerre qualifiée de nationale et de patriotique par le F.L.N., de rébellion et de révolte par les gouvernements français, de théâtre d’opérations de la guerre mondiale par les chefs de l’armée française, de guerre civile par certains socialistes. Quel que soit son sens, en tout cas, il s’agit d’une guerre, tout comme celle qui s’est menée au Vietnam pendant sept ans sans qu’on ait voulu le reconnaître. Bien entendu, les gouvernements français n’ont jamais admis officiellement que l’Etat fut « en » guerre, puisqu’il ne s’agit pas d’un conflit avec une puissance étrangère. Mais les conflits armés qui n’ont pas lieu entre Etats reconnus n’en sont pas moins des guerres, lorsqu’ils atteignent une certaine ampleur, et qu’ils mettent en branle des masses nationales. La France a fait la guerre au Maroc pendant des dizaines d’années, jusqu’à la « révolte » d’Abd el Krim en 1925. En Algérie, la colonisation avait été assez puissante, depuis la destruction des forces d’Abd el Kader, et après l’écrasement des révoltes de 1871, pour instaurer un état de paix fondé sur l’oppression permanente et savamment organisée de la population autochtone. Mais, depuis 1954, les chefs militaires français ont compris qu’ils avaient sur les bras une véritable guerre. Ils sortaient à peine de la guerre du Vietnam – conclue, celle-là, par une bataille dans les règles – et venaient tout juste d’éviter d’en engager une de grande envergure dans tout le Maghreb, à partir des foyers d’insurrection de Tunisie et du Maroc. Sans le retour de Mohamed V sur son trône et l’accession de la Tunisie à l’autonomie, puis à l’indépendance, il est clair que le soulèvement algérien (qui se serait inévitablement produit) aurait entraîné une lutte générale d’Agadir à Gabès, c’est-à-dire sur un front de mer et de terre de plusieurs milliers de kilomètres ; guerre d’indépendance qui aurait vite pris un tour international, et qui aurait conduit la France à accorder en bloc ce qu’elle a partiellement cédé en détail sur les deux ailes du Maghreb. Au fond, Edgar Faure et P. Mendès-France, en accordant au Maroc et à la Tunisie la quasi-indépendance, n’ont nullement « trahi » les intérêts de la puissance colonisatrice, contrairement à ce que prétendent les ultras de la colonisation. Tout au contraire ! Ils ont permis à la France d’engager la guerre d’Algérie – surtout au point de vue militaire – dans les seules conditions où elle pouvait prétendre la gagner, ou du moins l’espérer.
LE colonialisme est fait de pillages et de meurtres. C’est un crime permanent qu’il faut sans cesse dénoncer.
Le temps du colonialisme doit finir bientôt car les peuples colonisés se réveillent et donnent l’exemple d’un magnifique combat. Chaque coup porté contre l’impérialisme par les mouvements révolutionnaires d’outre-mer a ses répercussions sur le capitalisme de chez nous. Chaque victoire des peuples colonisés est une victoire pour le prolétariat mondial. Chaque coup porté contre le militarisme – surtout en Indochine – affaiblit notre armée nationale de métier qui risque un jour ou l’autre – ne l’oublions pas – de devenir une armée contre-révolutionnaire entre les mains de la classe possédante, une armée de répression.
Article d’Yves Dechézelles paru dans La Commune, n° 6, février 1958
La publication du rapport de synthèse de la Commission de Sauvegarde des Droits et des Libertés Individuelles, si partiel et si limité qu’il soit, ne permet plus à des hommes de bonne foi de douter des traits barbares que revêt trop souvent la répression en Algérie.
Le colonisé, l’homme noir, celui qui est l’objet du racisme, est objet de la violence du raciste, et, pour assumer son être, il doit y répondre par la violence : voilà une thèse fondamentale de Frantz Fanon, le psychiatre antillais devenu algérien, dans une prise de conscience globale de la solidarité des colonisés, et mort au service de l’Algérie en guerre.
Article de Daniel Guérin paru dans Correspondance Socialiste Internationale, 10e année, n° 102, décembre 1959, p. 4
Je ne crois pas avoir lu depuis longtemps un livre aussi riche et aussi bouleversant, traitant de problèmes particuliers dans une optique aussi universelle, collant à l’actualité et pourtant marqué à ce point du signe de la durée. L’An V de la Révolution algérienne, de Frantz Fanon, est, et restera, une source d’inépuisables réflexions, non seulement pour l’anticolonialiste, mais aussi pour le révolutionnaire prolétarien, pour le sociologue, le psychologue, le psychiatre, enfin pour l’humanité tout court.
Au moment où nous écrivons ce papier, nous venons d’apprendre l’assassinat d’Ahmed Bekhat, secrétaire général de la fédération française de l’U.S.T.A. (Union des Syndicats de Travailleurs Algériens). Nous avons rendu compte ici du congrès de cette organisation. Le hasard a voulu que le signataire de ces lignes rencontre, dans les jours qui ont précédé sa mort, le camarade Ahmed Bekhat : ces quelques contacts ont été suffisants pour que je sois profondément affecté par cette disparition brutale, mais que l’on ne peut pas dire inattendue, la menace rôdant autour de lui depuis au moins plusieurs semaines. Quelle menace ? Il faut bien le dire : celle d’un gangstérisme impitoyable dont il n’est pas si facile de trouver la tête, mais qui porte incontestablement sa marque de fabrique et qui salit aujourd’hui, qui contamine et qui pourrit les causes les plus belles.
Article de Pierre Boussel alias Pierre Lambert paru dans La Vérité, n° 475, 31 octobre 1957, p. 1 ; suivi d’un article paru dans La Vérité, n° 478, 28 novembre 1957,p. 2
AHMED BEKHAT, secrétaire général de l’U.S.T.A., vient d’être assassiné. Bien des questions troublantes se posent sur ces attentats systématiques organisés contre les dirigeants de l’U.S.T.A.
Il ne faut pas s’étonner des réactions provoquées au sein de F.O. par la politique de la Confédération Internationale des Syndicats libres. C’est un nouvel accès d’un mal congénital du peuple français – petite bourgeoisie et classe ouvrière, hélas ! – dont les nerfs sont chatouillés par le « bonnet à poil » du chauvinisme et le bonnet phrygien du jacobinisme. On a connu cela en 1914, lorsque les grands fantômes de Jeanne d’Arc, de Danton et de Gambetta cautionnaient la proscription des pacifistes. Et en 1870, Jules Vallès (il le conte dans l’Insurgé) et les rares clairvoyants de l’extrême gauche entendirent les mêmes imprécations tricolores, lorsqu’ « ils voulaient boucher avec de la charpie la gueule des canons ».
Appelparu dans Nouvelle Gauche,2e année, n° 34,du 12 au 25 octobre 1957; suivi d’un article paru dans Nouvelle Gauche, n° 36, du 9 au 22 novembre 1957; appel paru avec d’autres signatures dans La Vérité, n° 473, 17 octobre 1957
LE 20 septembre 1957, Ahmed Semmache, militant syndicaliste, dirigeant de la Région parisienne de l’U.S.T.A., était lâchement assassiné. Il fut l’un des promoteurs de cette Centrale syndicale et avait participé très activement à son congrès de fondation.
Article de Marceau Pivert paru dans Correspondance Socialiste Internationale, n° 78, novembre 1957, p.4-5
L’assassinat d’Ahmed Bekhat, secrétaire général de l’Union des Syndicats des Travailleurs Algériens, à Colombes, le 27 octobre, venant après celui de Ahmed Semmache, le 20 septembre, de Mellouli Saïd, le 24 septembre, de Hocine Maroc, le même jour, tous dirigeants de l’U.S.T.A., les quatre balles tirées dans le dos de Filali Abdallah, rue d’Enghien, le 7 octobre, et bien d’autres « règlements de comptes » révoltants entre nationalistes algériens nous obligent, en tant que militants socialistes, donc anticolonialistes, à poser ouvertement la question aux responsables du F.L.N. : PRENNENT-ILS OUI OU NON LA RESPONSABILITE DE CES CRIMES FRATRICIDES ? ILS DOIVENT LES CONDAMNER ! Le M.N.A., lui, par la voix de son représentant le plus qualifié, Messali Hadi, a lancé un appel émouvant pour que les nationalistes algériens cessent immédiatement ce genre de compétition à coups de mitraillettes. Nous l’en félicitons ! Nous avons déjà déploré que l’épouvantable massacre de Melouza n’ait pas été l’objet d’une ENQUÊTE INTERNATIONALE IMMEDIATE, qui aurait rencontré une sympathie unanime de tous les milieux socialistes et démocratiques du monde, afin de tirer au clair l’origine du drame, et d’en découvrir les auteurs et les mobiles.
Article d’Yves Dechézelles paru dans La Commune, n° 5, novembre 1957
Ahmed Bekhat, secrétaire général de la Fédération de France de l’U.S.T.A., a été à son tour assassiné. Le 26 octobre, au petit matin, son cadavre a été retrouvé encore chaud dans un terrain vague de Colombes. Il avait été tué de deux balles dans la nuque.
Article de Louis Houdeville paru dans Nouvelle Gauche,2e année, n° 36, du 9 au 22 novembre 1957
AHMED BEKHAT, secrétaire général de l’Union des Syndicats des Travailleurs Algériens, est mort : assassiné. Deux balles dans la nuque ont mis un terme à l’action militante de celui qui était l’un des meilleurs dirigeants syndicalistes algériens.
Article d’A. Bertrand paru dans La Nation socialiste, 2e année, nouvelle série, n° 2, novembre 1957, p. 3
Le 27 octobre on découvre dans un terrain vague de Colombes le corps d’Ahmed Bekhat, secrétaire général des Syndicats algériens U.S.T.A. Plus d’une centaine de militants de l’U.S.T.A. avaient déjà subi le même sort depuis quelques mois : secrétaires de sections d’entreprises, d’unions locales ou régionales, membres du Bureau National. Tous signent leur arrêt de mort en acceptant les fonctions pour lesquelles ils sont élus par leurs camarades. La grande presse de toute nuance qui consacre de si larges colonnes à nous entretenir des faits et gestes des chefs du F.L.N. lors de leurs déplacements qui les mènent des palaces au Caire à ceux de New York ne trouvent au maximum que quelques lignes pour signaler les « règlements de compte entre Algériens ». Elle se garde bien d’expliquer comment et pourquoi ces ouvriers sont assassinés.
Article paru dans Nouvelle Gauche,2e année, n° 34,du 12 au 25 octobre 1957
A Alger, devant le Tribunal Permanent des Forces Armées de cette ville, s’est déroulé à la mi-Août, un procès d’une grande importance : celui des membres du Comité Directeur du Mouvement National Algérien pour Alger, défendus par nos camarades Yves Dechézelles et Yves Jouffa, et par le Bâtonnier Talbi.
Article d’Yves Dechézelles paru dans La Commune,n° 2, mai 1957,p. 10
DEPUIS quelques mois une fraction importante de l’opinion française a été vivement impressionnée par ce qu’elle a entrevu des aspects atroces de la guerre et de la répression en Algérie.
Après la tragique et sanglante manifestation du 14 juillet 1953, la grande presse a consacré ses colonnes aux Nord-Africains. La mort des six manifestants ne pouvait rester silencieuse : il fallait, après avoir accusé les Nord-Africains de crimes odieux dont ils n’étaient que rarement coupables, lancer un bien humain « Pitié pour eux » ! Des journalistes très généreux ont alors écrit d’émouvants articles d’un lyrisme un peu douteux qu’ils auraient pu nous épargner. A cette époque la question de l’émigration nord-africaine était à l’ordre du jour. On cria à l’ignominie, à la honte, on justifia même la révolte, puis le silence se fit. Une fois de plus, la misère n’avait fait que « susciter des avocats ». Et aujourd’hui (tout comme hier et sans doute demain) des milliers d’hommes continuent à vivre leur vie misérable et souvent odieusement inhumaine. Constatation amère, sans doute, mais combien vraie : Les Nord-Africains n’ont droit qu’au silence des cimetières.
Article de Pierre Naville paru dans La Nouvelle Revue Marxiste, n° 3, février-avril 1962, p.3-6
A l’heure où j’écris, le gouvernement français et le G.P.R.A. ont repris et font aboutir une négociation qui doit consacrer un peu plus tard l’indépendance de l’Algérie. La conclusion d’un cessez-le-feu, comme au Vietnam, atteste qu’il s’agit de la fin d’une guerre, tout autant que du début d’une révolution.
Editorial paru dans Nouvelle Gauche,1ère année, n° 5, 10 juin 1956,p. 1-2
LA guerre à outrance en Algérie, tel est le choix auquel Guy Mollet, qui s’était engagé à négocier la paix, s’est laissé entraîner sous la pression de la pire réaction.
Ce choix, qui risque d’avoir des conséquences catastrophiques pour l’avenir, est un danger mortel pour la liberté.
Compte-rendu paru dans La Nation socialiste, 2e année, nouvelle série, n° 2, novembre 1957, p. 8
Oreste ROSENFELD Conseiller S.F.I.O. de l’Union Française
« A plusieurs reprises, Guy MOLLET a déclaré – aussi bien au nom du gouvernement (notamment lors de son voyage aux Etats-Unis et au Canada) qu’au cours des manifestations socialistes en France, – qu’il « fallait épargner aux peuples sous-développés, le stade du nationalisme ». Il a ajouté – et il l’a répété des dizaines de fois – qu’il s’opposait à l’indépendance de l’Algérie. C’est parce que l’indépendance des pays colonisés était un leurre. Ce qui l’intéressait, lui, Président du Conseil et socialiste, c’était de rendre vraiment indépendant et libre chaque homme et chaque femme d’Algérie » et de les protéger ainsi contre l’exploitation des puissances capitalistes ou féodales. »
Article de Fred Zeller paru dans La Nation socialiste, nouvelle série, n° 1, octobre 1957
Il y a déjà trois années que nous sommes en guerre avec le peuple algérien et cette guerre dégénère en une affreuse tragédie dont on n’entrevoit pas l’issue.
Dans une opinion publique française jusqu’ici relativement insouciante – et dans une certaine mesure complice – l’inquiétude, je dirai même l’angoisse, a fait son apparition.
Un peu partout dans les villes et les villages de France, des familles sont amputées de leurs fils, ou de leurs pères.
Article paru dans Alger Républicain, 25 février 1954
NOUSreprenons aujourd’hui, dans notre Tribune libre, la publication des interviews que nous avons sollicitées auprès de différentes personnalités d’Alger sur l’important problème de l’union des forces nationales et progressistes d’Algérie. A ces personnalités nous avions posé les questions suivantes :
Article de Maurice Clavel paru dans La Commune, n° 2, mai 1957, p. 10
J’arrive à Alger le 10 avril à la nuit. Le lendemain matin, je me rends au Tribunal Militaire. J’ai une grande partie de la ville à traverser. La mer et le ciel gris ne suggèrent pas l’Afrique. Les murs et les maisons de n’importe quelle ville de chez nous – à ceci près que c’est beau. Un musulman tous les 200 mètres donne une maigre et triste couleur locale. Il paraît qu’ils recommencent à se montrer (que devait-ce être ?). Alger, je le sais depuis hier soir, respire depuis l’opération Massu. La bombe de la « cafeteria » qui a tant marqué l’imagination (20 à 30 victimes, des fillettes amputées) s’éloigne peu à peu des mémoires.
Communiqué du MTLD paru dans Alger Républicain, 20 février 1954
On nous communique :
Le tribunal correctionnel de Tlemcen a condamné jeudi plusieurs dizaines d’Algériens à 84 années d’emprisonnement. Les faits qu’on leur reprochait remontent au mois d’octobre de l’an dernier.
Article de Pierre Boussel alias Pierre Lambert paru dans La Vérité, n° 330, du 19 février au 5 mars 1954, p. 2
PERSONNE ne s’aviserait de commenter les résultats des élections en Algérie selon les normes classiques. La « démocratie » que l’impérialisme français distille à ses millions d’esclaves coloniaux a comme contenu, la fraude ouverte, des urnes truquées, des bulletins falsifiés. C’est devenu une habitude si profondément enracinée dans les mœurs des « civilisateurs » de la matraque, que le gouverneur général Naegelen, socialiste, un Léonard, ou quiconque ne saurait en concevoir d’autres.
Article paru dans Partisans, n° 1, septembre-octobre 1961, p. 146-148
Ce n’est pas en opposition à nos aînés ou à nos cadets que nous parlons de génération algérienne, nous ne marcherons pas sur les cadavres de nos pères, nous ne brandirons pas nos morts comme l’étendard d’une génération d’anciens combattants, nous ne nous compterons pas pour descendre ensemble sur les Champs-Elysées.
Extrait d’une note d’Informations ouvrières, n° 10, avril 1959, p. 2-3
II/- Les données de la situation algérienne peuvent se résumer brièvement ainsi :
– Du côté algérien. – Le peuple algérien, malgré les coups terribles qu’il reçoit, quoique indéniablement épuisé, reste derrière ses combattants. Les « fellaghas », bien que subissant les plus sévères échecs sur les plans militaire et répressif, continuent le combat avec l’acharnement de combattants qui ne veulent lâcher les armes qu’après avoir arraché satisfaction à leurs aspirations.
Communiqué du MTLD paru dans Alger Républicain, 13 février 1954
Le M.T.L.D. communique :
Les régions de Nedroma et Nemours sont depuis plusieurs mois le théâtre d’une répression grave. On se souvient que le 15 octobre 1953, lors de la « Quinzaine de lutte contre la répression » un Algérien avait été abattu par la police. Ce fut le point de départ d’une action répressive qui n’a cessé de se manifester dans ces centres et leurs environs avec une particulière violence.
Article paru en deux parties dans Informations ouvrières, n° 251, 26 juin 1965, p. 1-4 et n° 252, 3 juillet 1965, p. 1-4
Notre époque est impitoyable. Les événements balaient les savants édifices bâtis pour la consolation d’intellectuels petits-bourgeois, à la recherche d’un confort rassurant. Ainsi en est-il de la marche concrète de la révolution algérienne qui ne laisse pas pierre sur pierre des illusions intéressées. Tout ce qui, dans le domaine de la théorie et de la pratique est inachevé, ou erroné, toutes les positions qui ne trouvent pas leurs justifications dans la lutte de classes, sont vouées à s’effondrer.
Article de Jean Rous paru dans La Commune, n° 6, février 1958, p. 3
La conférence anti-impérialiste qui s’est tenue au Caire fin décembre 1957 et qui se présente comme la suite de la grande conférence de mai 1955, n’est que l’exploitation de l’esprit de Bandoeng aux fins d’un bloc contre l’autre.
Article d’Yves Dechézelles paru dans Perspectives socialistes, n° 25, juin 1959, p. 25-28
JUSQU’A une date relativement récente, il n’existait aucun document d’ensemble faisant ressortir l’ampleur des conséquences sociales de la guerre d’Algérie. Les renseignements dont l’on disposait, si révélateurs qu’ils soient, visaient le plus souvent des faits limités dans l’espace et le temps et résultaient en général de témoignages individuels et par là-même contestables. Aussi véridiques qu’ils fussent, une grande partie de l’opinion publique, intoxiquée par la propagande officielle et toujours sensible aux arguments chauvins, demeurait sceptique. De toute manière, des gens de bonne foi avaient toujours la ressource de penser que les faits relatés étaient exceptionnels.
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