Maxime Rodinson, professeur à l’Ecole des Langues Orientales, linguiste et sociologue réputé, vient de publier une biographie de Mahomet aux éditions du Club français du Livre. Cette histoire est d’autant plus intéressante que l’auteur, de formation marxiste, a appliqué à cette étude la méthode du matérialisme dialectique. Pour rendre compte de cet important ouvrage, Robert Barrat a préféré, à la critique traditionnelle, rapporter un entretien avec l’auteur.
Textes parus dans La Révolution prolétarienne, 26e année, n° 414 – Nouvelle série n° 113, février 1957, p. 17
Lors de la conquête de la Palestine par les sionistes nous avions signalé (1) qu’un certain nombre de Juifs étaient adversaires de cette conquête coloniale et réclamaient, pour le moins, la fondation, non d’un Etat juif, mais d’un Etat arabo-juif.
Recension de Serge Brindeau parue dans La Revue socialiste, n° 93, janvier 1956, p. 101-102
WRIGHT (Richard). – Puissance Noire. Traduit de l’américain par Roger Giroux P., Corrêa, coll, « Le Chemin de la Vie », dirigée par Maurice Nadeau, 1955, 19.5 × 14, 400 p.
L’importance politique des problèmes africains, la personnalité de Richard Wright font de Puissance Noire un livre qui forcerait la sympathie même s’il devait décevoir. Empressons-nous de dire qu’il ne déçoit pas.
Article de Marceau Pivert paru dans La Revue socialiste, n° 106, avril 1957, p. 446-447
KOESTLER (Arthur). – L’ombre du dinosaure. Traduit de l’anglais par Denise Van Moppès. P., Calmann-Lévy., Collection « Liberté de l’Esprit ». 1956. 21,4×14,3, 272 pages.
Dans une brève préface l’auteur indique que ce recueil d’articles parus entre 1946 et 1955 constitue un « adieu aux armes ». Il n’a plus rien à dire sur les questions politiques : son pessimisme même était trop modéré : les questions essentielles de l’âge atomique se posent « à l’ombre du dinosaure ».
F. LOVSKY : Antisémitisme et mystère d’Israël. Paris, Albin Michel, 1955, 561 p., 1150 fr.
Les livres sur l’histoire de l’antisémitisme abondent actuellement. Il semble que soient venues à maturation les réflexions et les études inspirées à des esprits bien différents par l’abominable déchaînement de la bestialité nazie. F. Lovsky nous apporte un point de vue de théologien chrétien et plus précisément protestant, utilisant pourtant les travaux des théologiens catholiques et en somme ne se séparant d’eux sur rien d’essentiel.
Or donc, l’Etat d’Israël a fini par accepter, sous une pression constamment croissante de l’Amérique, et à la suite du lâchage de son seul allié, et complice (lâchage que le langage officiel a appelé la « médiation » de M. Guy Mollet), de retirer ses troupes sur les lignes qu’elles occupaient avant leur agression d’octobre. Félicitons-nous en ! Mais peut-être n’est-il pas inutile de fournir quelques indications sur ces deux zones d’Akaba et de Gaza, dont il a été abondamment question et dont il sera encore abondamment question, mais sur lesquelles on n’a à peu près donné aucun renseignement concret.
La grande bataille, qui est l’une des caractéristiques de ce milieu du XXe siècle, entre les peuples colonisés et les Etats colonisants, vient d’enregistrer en ces derniers mois, presque simultanément, deux victoires des colonisés et deux victoires des colonisateurs ; en outre, en un cinquième point, la bataille connaît une suspension d’armes qui fait bien augurer de son issue.
Article signé Le Moghrébin paru dans La Révolution prolétarienne,23e année, No 387, Nouvelle série n° 86, septembre 1954, p. 1-2
En 51, après la première grande machination administrative visant à perdre le sultan Ben Youssef, j’écrivais à peu près : nous venons d’assister à un grand « fourbi de bureau arabe » ; il a foiré ; et c’est le sultan qui a gagné.
Les travaux du XIIIe Congrès de notre Parti, les multiples messages qu’il a reçus d’Asie et d’Afrique, le nombre et la qualité des interventions des représentants des peuples colonisés par notre propre impérialisme ont mis en évidence cette caractéristique essentielle de la période actuelle : l’essor gigantesque des mouvements de libération des peuples coloniaux et dépendants. Une telle situation implique pour nous, communistes français, de grandes responsabilités.
DANS la partie de son rapport relative au point 13 du projet de thèse, le camarade Jacques Duclos fait ressortir la volonté des gouvernants français d’envoyer de nouvelles troupes en Indochine, conformément à l’exigence des impérialistes américains.
« Le terrain de lutte démocratique nous a déjà été enlevé. Il n’existe plus ». C’est en ces termes qu’un représentant de l’aile gauche du parti social-démocrate résuma au congrès de Leipzig le trait caractéristique de la situation politique en Allemagne, et en même temps la faillite complète de la politique social-démocrate.
Le développement politique des derniers mois a trompé l’espoir du centrisme et a motivé un certain « tournant » de sa part.
Après le grand succès électoral du 14 septembre, la direction du parti s’était attendue à un renforcement extraordinaire du mouvement révolutionnaire. Elle se prépara pour la mi-janvier à une grande attaque offensive. Les manifestations de chômeurs au début de décembre, dont la Rote Fahne écrivit qu’elles « furent les prodromes d’une prochaine révolution populaire » furent le signal de cette offensive.
Au cours des trois mois qui se sont écoulés depuis les élections du Reichstag, la crise générale du système capitaliste s’est accentuée à une allure telle qu’on ne l’avait encore jamais vue en Allemagne.
Pour donner un aperçu de toute la profondeur et du caractère principiel des contrastes qui séparent la droite de la ligne officielle et surtout de l’opposition léniniste internationale, il est nécessaire d’approfondir quelques questions préliminaires.
« Notre parti frère n’a pas manqué à son devoir. C’est lui qui stimule l’essor révolutionnaire grandiose des masses ouvrières, qui l’organise et le pousse en avant. On peut dire qu’en Allemagne chaque jour est marqué par un défilé des masses, par une bataille de rue ».
C’est de cette façon que l’Humanité caractérise la situation en Allemagne dans un article intitulé « Bataille de rue ».
Article de Kurt Landau paru dans Masses, n° 9, 15 septembre 1933, p. 4-8
DANS son dernier numéro Masses annonçait l’ouverture d’une enquête sur le fascisme allemand. Le questionnaire ci-dessous est adressé aux militants des divers groupements politiques et syndicaux qui ont participé à l’expérience allemande. Ceux-ci s’expriment en toute liberté et prennent l’entière responsabilité de leurs appréciations sur les événements et les hommes.
Nous avons reçu d’un camarade qui signe Wolf Bertram et qui appartient au groupe des trotskystes hétérodoxes la lettre que voici :
Dans le numéro du 10 août de la R. P. j’ai lu l’article d’ « un allemand » sur l’hitlérisme. Quelques allégations de cet article sont en contradiction complète avec les faits. Je crois utile dans l’intérêt d’une information sérieuse et objective du prolétariat français d’indiquer ces contradictions.
Article de Cécile Michaud paru dans La Révolution prolétarienne,33e année, n° 386, nouvelle série n° 85, juillet-août 1954, p. 30
Pierre Emmanuel est un de ceux qui, pour le public cultivé, le public progressiste en particulier, a le rare mérite – et, à ses propres yeux, le radieux l’irresponsable avantage – d’être poète. Qui plus est, à une époque qui se vautre dans le quotidien, le pratique, le matériel, Emmanuel paraît comme l’un des plus flamboyants survivants de la poésie inspirée, comme l’extatique possédé, le torturé en quête de la foi capable d’abreuver son ardeur. Emmanuel, c’est – à la trace de Bloy ou de Bernanos (il s’en rend compte et s’y complaît) – le mystique exorbitant.
L’extension du fascisme a mis le prolétariat en état d’alarme. Dans toutes les usines, aux permanences de pointage, partout où il y a des ouvriers on discute âprement les résultats des élections en Saxe.
Article d’André Ferrat alias Marcel Bréval paru dans Que Faire ?, n° 11, novembre 1935,p. 34-48
LA PREPARATION ET LA VALEUR DU VIIe CONGRES
Du 25 juillet au 20 août s’est tenu, à Moscou, le VIIe congrès de l’Internationale communiste. Le VIe congrès avait eu lieu sept ans plus tôt, en été 1928.
Au cours de ces sept années, des événements d’une importance énorme s’étaient déroulés dans le monde. Une multitude de problèmes avaient été posés par la vie devant les prolétaires révolutionnaires tant dans les pays capitalistes qu’en U.R.S.S. Il eût été nécessaire que ces problèmes fussent largement et démocratiquement discutés par les délégués des ouvriers communistes de tous les pays réunis en congrès. Cependant, pendant sept ans le Comité exécutif de l’I.C. ne jugea pas utile de convoquer ce congrès, bien qu’il eut à plusieurs reprises changé de position et de tactique sur des questions essentielles et qu’il ait été lui-même plusieurs fois modifié considérablement dans sa composition.
Article d’André Ferrat alias Morel paru dans Que Faire ?, 2e année, n° 13, janvier 1936, p. 6-13
« A la farce du coup d’Etat monarchiste correspond la farce de la défense républicaine. »
Rosa LUXEMBOURG.
A chaque fois que l’on critique la politique des dirigeants du Front Populaire du point de vue des intérêts de la classe ouvrière, on répond invariablement : « Que voulez-vous ? Il fallait et il faut encore sauver la République contre le danger fasciste imminent et redoutable qui la menace ». Que ce soit au Comité central du 17 octobre ou dans « L’Humanité », dans les discours de Manouilski ou dans le rapport de Dimitrof. C’est un leit motiv. Toute la politique de Thorez, Duclos et Cie repose sur cette affirmation : « Dans la situation actuelle, la classe ouvrière n’est pas placée devant la question : démocratie bourgeoise ou dictature prolétarienne, mais devant la question : démocratie bourgeoise ou fascisme ». C’est pourquoi, ajoutent-ils, le prolétariat doit lutter pour le maintien de la « démocratie bourgeoise », pour la sauvegarde des « institutions républicaines ».
Article de Charles Hainchelin alias Henri Chassagne paru dans Clarté, n° 4, novembre 1936, p. 218-219
Les livres où le fascisme est étudié sont rares, très rares, du moins ceux qui n’émanent point d’admirateurs d’Hitler et de Mussolini, de laudateurs salariés des régimes de force ; c’est pourquoi nous devons saluer avec joie la parution du livre du camarade Daniel Guérin membre du parti socialiste S.F.I.O.
Article de P. Garnier paru dans Que Faire ?,n° 1-2, novembre-décembre 1934,p. 25-35
Tous dans le même sac.
Il n’y a pas encore longtemps, pour la direction du P.C.F., tous les partis bourgeois en France étaient des partis fascistes et le parti socialiste lui-même – « social-fasciste ». Un beau jour de juin 1934 un miracle s’est produit dans la vie politique : Blum, Zyromsky, Pivert cessèrent d’un seul coup d’être fascistes et devinrent antifascistes, alliés fidèles du P.C. Un changement non moins prodigieux est survenu dans le camp radical. Touchés par la baguette magique de Thorez les grands chefs radicaux se transformèrent de sales fascistes qu’ils étaient en bons républicains prêts à défendre au prix de leur sang les libertés démocratiques.
Article de Pierre Lenoir paru dans Que Faire ?, n° 8, août 1935, p. 11–17
Contrairement aux autres Congrès socialistes, la motion « de synthèse » adoptée presque à l’unanimité (contre 183 voix de l’extrême-gauche) par le Congrès de Mulhouse, ne présente pas un « nègre-blanc » traditionnel escamotant les problèmes, couvrant les divergences par des formules habiles et équivoques. Non la motion d’action immédiate présentée par Vincent Auriol a une importance politique qui dépasse de loin toutes les autres décisions du Congrès ; elle signifie l’adhésion du Parti socialiste au Front populaire ; elle signifie que les résistances au grand « rassemblement populaire pour défendre les libertés démocratiques » furent surmontées sous l’effet « du rapprochement spontané des représentants des éléments démocratiques dans le pays ». (Blum, « Le Populaire » du 4 juillet).
Le ministère Flandin a interrompu la monotonie du développement continu du ministère Doumergue. Doumergue représentait directement, sinon exclusivement, l’équipe du 6 Février. Il s’était développé en s’appuyant ouvertement sur les Ligues fascistes, en opérant sur le Parlement le chantage à la dissolution. Cependant, il n’osa pas le dissoudre, et en fin de compte il s’clipsa devant la résistance du Senat, sans que le Front unique ait esquissé le moindre geste pour l’abattre.
Article de Robert Brizon paru dans Que Faire ?, 2e année, n° 15, mars 1936, p. 15-18
Après de longs et difficiles conciliabules, le Comité directeur (?) du Front Populaire s’est donné un programme. Les dirigeants de feu la C. G. T. U. le reprennent pour en proposer à la C. G. T. unifiée l’adoption comme plate-forme de revendications immédiates.
Sous quel drapeau, pour quels idéaux va donc désormais officiellement se dérouler le mouvement du Front Populaire ? Rappelons brièvement les idées principales du programme.
Article de Joseph Gabel alias Lucien Martin paru dans La Revue socialiste, n° 24-25-26, janvier-février-mars 1949, p. 187-192
Dans la série de stupidités criminelles qui jalonnent l’histoire de ce temps, le meurtre du Comte Bernadotte mérite indiscutablement une place d’honneur. Crime incompréhensible à prime abord car d’un côté il est trop évident que ce geste aura porté préjudice à la cause du jeune état d’Israël et fourni une arme aux antisémites du monde entier et de l’autre on voit très mal les avantages que pouvaient raisonnablement en attendre ses auteurs. On aimerait pouvoir plaider la folie voire la provocation arabe. Cependant la responsabilité de l’attentat est d’ores et déjà revendiquée par un groupement extrémiste et force est d’admettre qu’une certaine pensée politique – aussi fausse qu’elle soit – a présidé à son exécution. Nous essayerons de donner une analyse objective des dessous psychologiques et politiques de cet attentat dans la genèse duquel intervinrent deux ordres de facteurs : l’extrémisme ultranationaliste juif et la politique juive du communisme mondial dont le premier semble être à l’heure actuelle l’instrument plus ou moins conscient.
Article de Joseph Gabel alias Lucien Martin paru dans Masses,n° 11, octobre-novembre 1947, p. 11-13
L’OBJECTIVITE est plus nécessaire encore lorsque l’on traite de problèmes humains que pour l’étude de questions scientifiques. En publiant l’article de Lucien Martin nous tenons à faire remarquer aux lecteurs que l’auteur est lui-même israélite ; qu’à l’appui de son hypothèse il eût pu apporter bien d’autres faits, témoignages ou raisonnements ; enfin, qu’il est permis de critiquer le sionisme sans être un stipendié de l’impérialisme anglais ou un possédé de l’antisémitisme. Les malheurs juifs ne doivent pas nous faire oublier, d’une part qu’il existe des Arabes en Palestine, d’autre part que le nationalisme, sous quelque forme qu’il soit, n’est une solution à aucun des problèmes de l’heure présente. Toute notre sympathie est acquise aux survivants des hécatombes hitlériennes. Nous partageons leurs souffrances, physiques et morales, comme nous partageons celles de toutes les victimes, – et il y en a de par le monde ! – de l’oppression, de la haine, de la bêtise.
M. ETIEMBLE a publié dernièrement, dans la n.N.R.F., un essai inattendu sur quelques écrivains nord-africains, qu’il a intitulé « Barbarie ou Berbérie ? » (1).
J’aurais voulu répondre, sur les points qui me concernent d’abord, d’une manière moins confuse à Etiemble, mais je reste saisi devant, sinon ses intentions, du moins son propos, qui me paraît tortueux ! A la première lecture, on comprend tout de suite qu’il est contre. Mais contre quoi ? Il ne le dit nulle part, pourtant il est résolument « contre ». Contre tout, à ce qu’il m’a semblé de prime abord ; sans le dire tout en le laissant entendre, il est contre.
Extrait des Notes d’économie et de politique de Robert Louzon parues dansLa Révolution prolétarienne, 25e année, n° 407, nouvelle série n° 106, juin 1956, p. 12-14
Ce que propose l’armée de libération
A l’occasion de la fête de l’Aïd-Seghir, l’armée de libération d’Algérie a libéré le premier prisonnier qui est tombé entre ses mains après la fin du Ramadan. A ce soldat, Roger Valle, du 1er régiment d’infanterie coloniale, fut remise une lettre adressée au commandement français, dont voici les principaux passages :
Déclaration du Bureau politique du PCF parue dans les Cahiers du communisme, 37e année, n° 11, novembre 1961, p. 1852-1853
LES manifestations de dizaines de milliers d’Algériens qui se sont produites hier à Paris et dans la région parisienne constituent un évènement politique d’une importance exceptionnelles.
Le texte publié ci-dessous est celui de la déclaration faite par Bachir Hadj Ali à la clôture de la Semaine de la Pensée marxiste qui s’est tenue à Paris, salle de la Mutualité, du 13 au 20 mars 1963.
La guerre menée par notre peuple pendant sept ans et demi sous la direction du F.L.N. a mis en mouvement des millions d’hommes et de femmes, en majorité des jeunes de moins de vingt-cinq ans. Elle a libéré des énergies considérables, surtout à la campagne. Elle a fourni, au cours de cette phase d’exaltation intense, des héros magnifiques, animés d’une volonté de fer, pleins d’initiatives. Dans mille et une épreuves, se sont forgés des révolutionnaires, se sont accrues les conditions subjectives de la victoire.
Article de Nguyễn Khắc Viện alias Nguyen Nghe paru dans La Pensée,n° 107, février 1963, p.22-36
TOUT dire … quand on a partagé avec des millions de personnes la misère atroce et la grande humiliation des masses colonisées, quand on a vécu avec elles l’épopée de la lutte armée, dure, héroïque, mais victorieuse, on a envie de dire tout cela, de le crier à la face du monde. A la face de ceux qui gardent encore un fonds de bonne conscience, que peuplent les images de Lyautey ou du Père de Foucauld, à la face aussi de ceux, Asiatiques ou Africains, qui paradent aujourd’hui dans les couloirs de l’O.N.U., se contentant des prébendes distribuées par les compagnies coloniales, sans toucher à aucune des vieilles structures d’un monde cruel.
Article de Pierre Naville paru dans Perspectives socialistes, n° 25, juin 1959, p. 3-8
VOILA plus de quatre ans que la guerre se poursuit en Algérie. Guerre qualifiée de nationale et de patriotique par le F.L.N., de rébellion et de révolte par les gouvernements français, de théâtre d’opérations de la guerre mondiale par les chefs de l’armée française, de guerre civile par certains socialistes. Quel que soit son sens, en tout cas, il s’agit d’une guerre, tout comme celle qui s’est menée au Vietnam pendant sept ans sans qu’on ait voulu le reconnaître. Bien entendu, les gouvernements français n’ont jamais admis officiellement que l’Etat fut « en » guerre, puisqu’il ne s’agit pas d’un conflit avec une puissance étrangère. Mais les conflits armés qui n’ont pas lieu entre Etats reconnus n’en sont pas moins des guerres, lorsqu’ils atteignent une certaine ampleur, et qu’ils mettent en branle des masses nationales. La France a fait la guerre au Maroc pendant des dizaines d’années, jusqu’à la « révolte » d’Abd el Krim en 1925. En Algérie, la colonisation avait été assez puissante, depuis la destruction des forces d’Abd el Kader, et après l’écrasement des révoltes de 1871, pour instaurer un état de paix fondé sur l’oppression permanente et savamment organisée de la population autochtone. Mais, depuis 1954, les chefs militaires français ont compris qu’ils avaient sur les bras une véritable guerre. Ils sortaient à peine de la guerre du Vietnam – conclue, celle-là, par une bataille dans les règles – et venaient tout juste d’éviter d’en engager une de grande envergure dans tout le Maghreb, à partir des foyers d’insurrection de Tunisie et du Maroc. Sans le retour de Mohamed V sur son trône et l’accession de la Tunisie à l’autonomie, puis à l’indépendance, il est clair que le soulèvement algérien (qui se serait inévitablement produit) aurait entraîné une lutte générale d’Agadir à Gabès, c’est-à-dire sur un front de mer et de terre de plusieurs milliers de kilomètres ; guerre d’indépendance qui aurait vite pris un tour international, et qui aurait conduit la France à accorder en bloc ce qu’elle a partiellement cédé en détail sur les deux ailes du Maghreb. Au fond, Edgar Faure et P. Mendès-France, en accordant au Maroc et à la Tunisie la quasi-indépendance, n’ont nullement « trahi » les intérêts de la puissance colonisatrice, contrairement à ce que prétendent les ultras de la colonisation. Tout au contraire ! Ils ont permis à la France d’engager la guerre d’Algérie – surtout au point de vue militaire – dans les seules conditions où elle pouvait prétendre la gagner, ou du moins l’espérer.
Le colonisé, l’homme noir, celui qui est l’objet du racisme, est objet de la violence du raciste, et, pour assumer son être, il doit y répondre par la violence : voilà une thèse fondamentale de Frantz Fanon, le psychiatre antillais devenu algérien, dans une prise de conscience globale de la solidarité des colonisés, et mort au service de l’Algérie en guerre.
Au moment où nous écrivons ce papier, nous venons d’apprendre l’assassinat d’Ahmed Bekhat, secrétaire général de la fédération française de l’U.S.T.A. (Union des Syndicats de Travailleurs Algériens). Nous avons rendu compte ici du congrès de cette organisation. Le hasard a voulu que le signataire de ces lignes rencontre, dans les jours qui ont précédé sa mort, le camarade Ahmed Bekhat : ces quelques contacts ont été suffisants pour que je sois profondément affecté par cette disparition brutale, mais que l’on ne peut pas dire inattendue, la menace rôdant autour de lui depuis au moins plusieurs semaines. Quelle menace ? Il faut bien le dire : celle d’un gangstérisme impitoyable dont il n’est pas si facile de trouver la tête, mais qui porte incontestablement sa marque de fabrique et qui salit aujourd’hui, qui contamine et qui pourrit les causes les plus belles.
Il ne faut pas s’étonner des réactions provoquées au sein de F.O. par la politique de la Confédération Internationale des Syndicats libres. C’est un nouvel accès d’un mal congénital du peuple français – petite bourgeoisie et classe ouvrière, hélas ! – dont les nerfs sont chatouillés par le « bonnet à poil » du chauvinisme et le bonnet phrygien du jacobinisme. On a connu cela en 1914, lorsque les grands fantômes de Jeanne d’Arc, de Danton et de Gambetta cautionnaient la proscription des pacifistes. Et en 1870, Jules Vallès (il le conte dans l’Insurgé) et les rares clairvoyants de l’extrême gauche entendirent les mêmes imprécations tricolores, lorsqu’ « ils voulaient boucher avec de la charpie la gueule des canons ».
Article de Marceau Pivert paru dans Correspondance Socialiste Internationale, n° 78, novembre 1957, p.4-5
L’assassinat d’Ahmed Bekhat, secrétaire général de l’Union des Syndicats des Travailleurs Algériens, à Colombes, le 27 octobre, venant après celui de Ahmed Semmache, le 20 septembre, de Mellouli Saïd, le 24 septembre, de Hocine Maroc, le même jour, tous dirigeants de l’U.S.T.A., les quatre balles tirées dans le dos de Filali Abdallah, rue d’Enghien, le 7 octobre, et bien d’autres « règlements de comptes » révoltants entre nationalistes algériens nous obligent, en tant que militants socialistes, donc anticolonialistes, à poser ouvertement la question aux responsables du F.L.N. : PRENNENT-ILS OUI OU NON LA RESPONSABILITE DE CES CRIMES FRATRICIDES ? ILS DOIVENT LES CONDAMNER ! Le M.N.A., lui, par la voix de son représentant le plus qualifié, Messali Hadi, a lancé un appel émouvant pour que les nationalistes algériens cessent immédiatement ce genre de compétition à coups de mitraillettes. Nous l’en félicitons ! Nous avons déjà déploré que l’épouvantable massacre de Melouza n’ait pas été l’objet d’une ENQUÊTE INTERNATIONALE IMMEDIATE, qui aurait rencontré une sympathie unanime de tous les milieux socialistes et démocratiques du monde, afin de tirer au clair l’origine du drame, et d’en découvrir les auteurs et les mobiles.
Après la tragique et sanglante manifestation du 14 juillet 1953, la grande presse a consacré ses colonnes aux Nord-Africains. La mort des six manifestants ne pouvait rester silencieuse : il fallait, après avoir accusé les Nord-Africains de crimes odieux dont ils n’étaient que rarement coupables, lancer un bien humain « Pitié pour eux » ! Des journalistes très généreux ont alors écrit d’émouvants articles d’un lyrisme un peu douteux qu’ils auraient pu nous épargner. A cette époque la question de l’émigration nord-africaine était à l’ordre du jour. On cria à l’ignominie, à la honte, on justifia même la révolte, puis le silence se fit. Une fois de plus, la misère n’avait fait que « susciter des avocats ». Et aujourd’hui (tout comme hier et sans doute demain) des milliers d’hommes continuent à vivre leur vie misérable et souvent odieusement inhumaine. Constatation amère, sans doute, mais combien vraie : Les Nord-Africains n’ont droit qu’au silence des cimetières.
Article de Pierre Naville paru dans La Nouvelle Revue Marxiste, n° 3, février-avril 1962, p.3-6
A l’heure où j’écris, le gouvernement français et le G.P.R.A. ont repris et font aboutir une négociation qui doit consacrer un peu plus tard l’indépendance de l’Algérie. La conclusion d’un cessez-le-feu, comme au Vietnam, atteste qu’il s’agit de la fin d’une guerre, tout autant que du début d’une révolution.
Article paru dans Partisans, n° 1, septembre-octobre 1961, p. 146-148
Ce n’est pas en opposition à nos aînés ou à nos cadets que nous parlons de génération algérienne, nous ne marcherons pas sur les cadavres de nos pères, nous ne brandirons pas nos morts comme l’étendard d’une génération d’anciens combattants, nous ne nous compterons pas pour descendre ensemble sur les Champs-Elysées.
Article d’Yves Dechézelles paru dans Perspectives socialistes, n° 25, juin 1959, p. 25-28
JUSQU’A une date relativement récente, il n’existait aucun document d’ensemble faisant ressortir l’ampleur des conséquences sociales de la guerre d’Algérie. Les renseignements dont l’on disposait, si révélateurs qu’ils soient, visaient le plus souvent des faits limités dans l’espace et le temps et résultaient en général de témoignages individuels et par là-même contestables. Aussi véridiques qu’ils fussent, une grande partie de l’opinion publique, intoxiquée par la propagande officielle et toujours sensible aux arguments chauvins, demeurait sceptique. De toute manière, des gens de bonne foi avaient toujours la ressource de penser que les faits relatés étaient exceptionnels.
Article paru dans Al Kadihoun, 2e année, n° 4, avril-mai 1974
Le racisme augmente en France et Europe, surtout et presque uniquement le racisme anti-arabe. Le racisme ne tombe pas du ciel, il est lié à la politique et aux intérêts des grands capitalistes. Les grands capitalistes ont besoin des travailleurs immigrés pour faire les boulots les plus dégueulasses, les plus dangereux et les plus mal payés. Mais, de plus en plus, comme à Pennaroya ou à Renault ou chez Ford en Allemagne, les travailleurs immigrés se révoltent, font la grève et souvent occupent leur usine. SI TOUS LES IMMIGRES DE FRANCE FONT GREVE LE MEME JOUR, L’ECONOMIE DE LA FRANCE S’ARRETE.
Nous avons signalé en son temps la tenue du Congrès panislamique qui eut lieu il y a quelques années à Karachi, capitale du Pakistan, au cours duquel deux tendances s’affrontèrent vigoureusement.
Lettre de Robert Bonnaud parue dans Perspectives socialistes, n° 9, 15 avril 1958, p. 15-16; suivie d’une réponse de Georges Ducaroy parue dans Perspectives socialistes, n° 9, 15 mai 1958, p. 19-20 ; puis de l’article « Ni Budapest ni Alger » paru dans Perspectives socialistes, n° 13-14, juillet 1958, p.1-2
APRES quelque débat, le comité de rédaction de « Perspectives Socialistes » a décidé de passer des extraits importants de l’article de notre camarade Robert Bonnaud, de Marseille.
Article de Jean Rous paru dans La Pensée socialiste, n° 19, 1er trimestre 1948, p. 1-2
Dans la crise actuelle du Socialisme et de la démocratie, ce qui est, peut-être, plus grave que les échecs et les défaites, c’est le doute et le désespoir qui commencent à s’emparer des meilleurs combattants.
Déclaration de Léon Boutbien et Jean Rous parue dans La Pensée socialiste, n° 18, novembre 1947, p. 1-3
A l’occasion du Conseil National du 14 décembre, Léon Boutbien et Jean Rous ont adressé cette déclaration aux militants socialistes :
La gravité des événements impose comme devoir à chaque socialiste d’étudier la situation, en toute objectivité, sans se laisser entraîner par des passions partisanes ou de tendances, sans se laisser dominer par des considérations sentimentales ou de caractère personnel, afin de dégager la meilleure ligne de conduite pour le Parti Socialiste. L’heure n’est pas de rechercher des formules, de prendre des attitudes spectaculaires, mais d’avoir le courage de définir et d’imposer une politique nette.
Article de Jean Cotereau paru dans La Pensée socialiste, n° 6, juillet 1946, p. 20-23
LE but du socialisme est la libération de l’homme. Libération économique mais aussi intellectuelle. Ce but s’accommode de tout idéal philosophique et religieux. A deux conditions toutefois : d’abord, que cet idéal ne mette pas en cause l’opportunité de cette libération, en prétendant par exemple qu’elle est contraire aux desseins d’une Providence, que la destinée de l’homme est de gagner le bonheur du ciel par sa résignation devant ses épreuves terrestres, ensuite que cet idéal ne jette pas l’anathème comme entaché de perversité à un quelconque autre idéal.
Articles d’Yves Dechézelles et de Lucien Weitz parus dans La Pensée socialiste, n° 9, octobre 1946, p.19-22
Les réformes ne peuvent plus attendre
Les résultats du référendum en Algérie démontrent qu’une évolution extrêmement rapide s’y est produite depuis le 5 mai dernier.
Alors qu’à cette date, 175.000 suffrages s’étaient prononcés en faveur du premier projet de constitution, cette fois-ci, on ne retrouve plus que 118.000 « oui ». Par contre, les « non », au nombre de 189.000, ont augmenté de plusieurs milliers.
Article de Jean Rous paru dans Socialisme et Liberté, n° 1, février 1948, p. 22
LOIN de se constituer comme une union fédérative des peuples sur la base démocratique, à la manière du Commonwealth britannique, l’Union française devient chaque jour davantage la pure et simple couverture du colonialisme.