Textes parus dans La Révolution prolétarienne, 26e année, n° 414 – Nouvelle série n° 113, février 1957, p. 17
Lors de la conquête de la Palestine par les sionistes nous avions signalé (1) qu’un certain nombre de Juifs étaient adversaires de cette conquête coloniale et réclamaient, pour le moins, la fondation, non d’un Etat juif, mais d’un Etat arabo-juif.
Article de Marceau Pivert paru dans La Revue socialiste, n° 106, avril 1957, p. 446-447
KOESTLER (Arthur). – L’ombre du dinosaure. Traduit de l’anglais par Denise Van Moppès. P., Calmann-Lévy., Collection « Liberté de l’Esprit ». 1956. 21,4×14,3, 272 pages.
Dans une brève préface l’auteur indique que ce recueil d’articles parus entre 1946 et 1955 constitue un « adieu aux armes ». Il n’a plus rien à dire sur les questions politiques : son pessimisme même était trop modéré : les questions essentielles de l’âge atomique se posent « à l’ombre du dinosaure ».
F. LOVSKY : Antisémitisme et mystère d’Israël. Paris, Albin Michel, 1955, 561 p., 1150 fr.
Les livres sur l’histoire de l’antisémitisme abondent actuellement. Il semble que soient venues à maturation les réflexions et les études inspirées à des esprits bien différents par l’abominable déchaînement de la bestialité nazie. F. Lovsky nous apporte un point de vue de théologien chrétien et plus précisément protestant, utilisant pourtant les travaux des théologiens catholiques et en somme ne se séparant d’eux sur rien d’essentiel.
Or donc, l’Etat d’Israël a fini par accepter, sous une pression constamment croissante de l’Amérique, et à la suite du lâchage de son seul allié, et complice (lâchage que le langage officiel a appelé la « médiation » de M. Guy Mollet), de retirer ses troupes sur les lignes qu’elles occupaient avant leur agression d’octobre. Félicitons-nous en ! Mais peut-être n’est-il pas inutile de fournir quelques indications sur ces deux zones d’Akaba et de Gaza, dont il a été abondamment question et dont il sera encore abondamment question, mais sur lesquelles on n’a à peu près donné aucun renseignement concret.
LA campagne du Sinaï a soulevé l’opposition d’une certaine fraction de la gauche française qui a entrainé dans la même réprobation Israël et les « agresseurs » anglo-français de Port-Saïd. Nous avons demandé à un certain nombre de représentants de ce courant d’opinion de répondre à ce bref questionnaire :
Dossier paru dans Kadimah, journal de l’Union des étudiants juifs de France, juin-juillet 1957, comprenant un éditorial, un article de Kateb Yacine, un commentaire de Kadimah, une discussion avec Kateb Yacine, puis les réponses « Pour un dialogue » par Richard MarienstrasaliasRichard Maruel et « Le commencement du dialogue » par Robert Misrahi
Editorial
Nous consacrons une partie importante de ce numéro aux problèmes judéo-arabes ; en effet, que ce soit en Afrique du Nord ou au Proche-Orient, la vie des Juifs dépend de la coexistence pacifique avec des Musulmans. Et, il faut le constater, Juifs et Musulmans dans leur immense majorité s’ignorent ou se détestent.
C’EST une juive berbère, la Kahena, qui est à l’origine de l’Algérie, au même titre que Jugurtha, Abdelkader et Mokrani, héros de la légende et précurseurs de la libération.
Rapport de Michel Lequenne, Gérard Sender et Daniel Jacoby paru dans le Bulletin d’information du Mouvement Uni de la Nouvelle Gauche, n° 7, 10 juillet 1957, p. 7-8
LORS d’un Conseil fédéral de la Seine, plusieurs camarades ayant exprimé des points de vue assez divergents sur les problèmes intérieurs de la résistance algérienne, une Commission de trois membres a été désignée pour présenter un rapport sur cette question. Ce rapport est soumis à la discussion des sections et fédérations.
Article de Maurice Clavel paru en deux parties dans Combat, 7 et 12 juin 1957
I. – HISTOIRE ET IDEOLOGIE
L’ARTICLE de Gilles Martinet sur le M.N.A. et le F.L.N. apporte une confirmation éclatante aux thèses que j’avançais. L’auteur nous y expose la baisse et les reculs d’un mouvement nationaliste dont il avait omis de nous signaler, en temps utile, la force et la prospérité. Il doute que le M.N.A. puisse organiser encore des manifestations de masse comme celle du 9 mars 1956 à Paris, que nous avions crue F.L.N. : qu’elle fût M.N.A., sur le moment, on ne l’avait pas crié sur les toits. Qui trompe-t-on ? Et quand nous a-t-on trompés ? Et pourquoi diable cette préférence obscure pour un des deux mouvements ? Surtout pour celui qui compte, dans ses victimes, le plus de petits enfants ? Fascination sanguine des âmes tendres, des esprits faibles ? Mystère. M. Claude Bourdet, dans le même numéro, voit dans le massacre de Melouza « une conséquence de la politique des ralliements à tout prix et par tous les moyens » ; autrement dit pas de M.N.A. dans l’affaire : et responsabilité de l’armée française atténuant la culpabilité du F.L.N., auquel, par ailleurs, on adresse de vifs reproches dans le style « Mes amis, mes amis, ah ! que vous me gênez ! » Coup double.
Article de Pierre Boussel alias Pierre Lambertparu dans La Vérité, n° 462, 14 juin 1957, p. 1 et 2
AU procès intenté le 4 juin, l’avocat général a motivé sa volonté de voir la loi être appliquée dans toute sa rigueur contre les quatre rédacteurs de notre journal en présentant une distinction entre l’information (légitime) et la propagande (délictueuse).
Ceci parce qu’à peu près seuls dans toute la presse nous avons constamment tenu, face à la conspiration du silence organisée par la presse quotidienne et hebdomadaire autour du M.N.A., à faire connaître les positions de ce parti. Nous avons montré devant le tribunal, au sujet des récents massacres de Melouza, comment, une nouvelle fois, la presse avait menti par omission, en tronquant un communiqué du M.N.A. Et nous avons posé la question :
Est-il de notre devoir de rétablir la vérité ? Est-ce de l’information ou de la propagande ?
Editorial de Philippe Viannay paru dans Nouvelle Gauche, 2e année, n° 30, du 22 juin au 13 juillet 1957, p. 1 et 2, suivi d’articles de Jacques Piraud, Claude Devence et Manuel Bridier.
LE problème algérien que le présent gouvernement avait tenté de minimiser de quart d’heure en quart d’heure a surgi dans toute son ampleur à l’occasion de l’affaire de Melouza. Celle-ci, loin de faire l’union sacrée, comme l’espéraient certains, a brutalement démontré à l’opinion française comme à l’opinion mondiale l’échec total de la politique de pacification.
La crise ministérielle est l’occasion d’une épreuve de vérité.
Devant la confusion qui règne dans les esprits, nous avons tenu à analyser quelques aspects de la situation.
Article d’Yves Dechézelles paru dans La Commune, n° 3, juin 1957, p. 5
Le massacre de Melouza a fixé brutalement l’attention sur la tragique division de la résistance algérienne. Pour la vérité et pour l’histoire, nous nous associerons à toutes initiatives qui auront pour but de faire l’entière lumière sur les circonstances qui ont préparé et entouré le massacre de trois cents villageois algériens. Mais faut-il suspendre tout jugement jusqu’au résultat d’une enquête impartiale ? Alors, il faudrait aussi nous taire sur les exactions et les crimes quotidiens de l’impérialisme. L’Histoire qui se fait, elle, n’attend pas. Nous n’avons jamais attendu, quant à nous, pour dénoncer tous les crimes, qu’ils soient racistes, colonialistes, fascistes ou staliniens. Et pourtant, de quelle immensité de moyens et de quelle foule de flagorneurs ont toujours disposé les détenteurs du pouvoir pour dissimuler la vérité ! Nous n’avons pas attendu non plus pour dénoncer, en pleine guerre civile espagnole, l’assassinat des valeureux militants de la F.A.I. et du P.O.U.M.
Au moment où nous écrivons ce papier, nous venons d’apprendre l’assassinat d’Ahmed Bekhat, secrétaire général de la fédération française de l’U.S.T.A. (Union des Syndicats de Travailleurs Algériens). Nous avons rendu compte ici du congrès de cette organisation. Le hasard a voulu que le signataire de ces lignes rencontre, dans les jours qui ont précédé sa mort, le camarade Ahmed Bekhat : ces quelques contacts ont été suffisants pour que je sois profondément affecté par cette disparition brutale, mais que l’on ne peut pas dire inattendue, la menace rôdant autour de lui depuis au moins plusieurs semaines. Quelle menace ? Il faut bien le dire : celle d’un gangstérisme impitoyable dont il n’est pas si facile de trouver la tête, mais qui porte incontestablement sa marque de fabrique et qui salit aujourd’hui, qui contamine et qui pourrit les causes les plus belles.
Article de Pierre Boussel alias Pierre Lambert paru dans La Vérité, n° 475, 31 octobre 1957, p. 1 ; suivi d’un article paru dans La Vérité, n° 478, 28 novembre 1957,p. 2
AHMED BEKHAT, secrétaire général de l’U.S.T.A., vient d’être assassiné. Bien des questions troublantes se posent sur ces attentats systématiques organisés contre les dirigeants de l’U.S.T.A.
Il ne faut pas s’étonner des réactions provoquées au sein de F.O. par la politique de la Confédération Internationale des Syndicats libres. C’est un nouvel accès d’un mal congénital du peuple français – petite bourgeoisie et classe ouvrière, hélas ! – dont les nerfs sont chatouillés par le « bonnet à poil » du chauvinisme et le bonnet phrygien du jacobinisme. On a connu cela en 1914, lorsque les grands fantômes de Jeanne d’Arc, de Danton et de Gambetta cautionnaient la proscription des pacifistes. Et en 1870, Jules Vallès (il le conte dans l’Insurgé) et les rares clairvoyants de l’extrême gauche entendirent les mêmes imprécations tricolores, lorsqu’ « ils voulaient boucher avec de la charpie la gueule des canons ».
Appelparu dans Nouvelle Gauche,2e année, n° 34,du 12 au 25 octobre 1957; suivi d’un article paru dans Nouvelle Gauche, n° 36, du 9 au 22 novembre 1957; appel paru avec d’autres signatures dans La Vérité, n° 473, 17 octobre 1957
LE 20 septembre 1957, Ahmed Semmache, militant syndicaliste, dirigeant de la Région parisienne de l’U.S.T.A., était lâchement assassiné. Il fut l’un des promoteurs de cette Centrale syndicale et avait participé très activement à son congrès de fondation.
Article de Marceau Pivert paru dans Correspondance Socialiste Internationale, n° 78, novembre 1957, p.4-5
L’assassinat d’Ahmed Bekhat, secrétaire général de l’Union des Syndicats des Travailleurs Algériens, à Colombes, le 27 octobre, venant après celui de Ahmed Semmache, le 20 septembre, de Mellouli Saïd, le 24 septembre, de Hocine Maroc, le même jour, tous dirigeants de l’U.S.T.A., les quatre balles tirées dans le dos de Filali Abdallah, rue d’Enghien, le 7 octobre, et bien d’autres « règlements de comptes » révoltants entre nationalistes algériens nous obligent, en tant que militants socialistes, donc anticolonialistes, à poser ouvertement la question aux responsables du F.L.N. : PRENNENT-ILS OUI OU NON LA RESPONSABILITE DE CES CRIMES FRATRICIDES ? ILS DOIVENT LES CONDAMNER ! Le M.N.A., lui, par la voix de son représentant le plus qualifié, Messali Hadi, a lancé un appel émouvant pour que les nationalistes algériens cessent immédiatement ce genre de compétition à coups de mitraillettes. Nous l’en félicitons ! Nous avons déjà déploré que l’épouvantable massacre de Melouza n’ait pas été l’objet d’une ENQUÊTE INTERNATIONALE IMMEDIATE, qui aurait rencontré une sympathie unanime de tous les milieux socialistes et démocratiques du monde, afin de tirer au clair l’origine du drame, et d’en découvrir les auteurs et les mobiles.
Article d’Yves Dechézelles paru dans La Commune, n° 5, novembre 1957
Ahmed Bekhat, secrétaire général de la Fédération de France de l’U.S.T.A., a été à son tour assassiné. Le 26 octobre, au petit matin, son cadavre a été retrouvé encore chaud dans un terrain vague de Colombes. Il avait été tué de deux balles dans la nuque.
Article de Louis Houdeville paru dans Nouvelle Gauche,2e année, n° 36, du 9 au 22 novembre 1957
AHMED BEKHAT, secrétaire général de l’Union des Syndicats des Travailleurs Algériens, est mort : assassiné. Deux balles dans la nuque ont mis un terme à l’action militante de celui qui était l’un des meilleurs dirigeants syndicalistes algériens.
Article d’A. Bertrand paru dans La Nation socialiste, 2e année, nouvelle série, n° 2, novembre 1957, p. 3
Le 27 octobre on découvre dans un terrain vague de Colombes le corps d’Ahmed Bekhat, secrétaire général des Syndicats algériens U.S.T.A. Plus d’une centaine de militants de l’U.S.T.A. avaient déjà subi le même sort depuis quelques mois : secrétaires de sections d’entreprises, d’unions locales ou régionales, membres du Bureau National. Tous signent leur arrêt de mort en acceptant les fonctions pour lesquelles ils sont élus par leurs camarades. La grande presse de toute nuance qui consacre de si larges colonnes à nous entretenir des faits et gestes des chefs du F.L.N. lors de leurs déplacements qui les mènent des palaces au Caire à ceux de New York ne trouvent au maximum que quelques lignes pour signaler les « règlements de compte entre Algériens ». Elle se garde bien d’expliquer comment et pourquoi ces ouvriers sont assassinés.
Article paru dans Nouvelle Gauche,2e année, n° 34,du 12 au 25 octobre 1957
A Alger, devant le Tribunal Permanent des Forces Armées de cette ville, s’est déroulé à la mi-Août, un procès d’une grande importance : celui des membres du Comité Directeur du Mouvement National Algérien pour Alger, défendus par nos camarades Yves Dechézelles et Yves Jouffa, et par le Bâtonnier Talbi.
Article d’Yves Dechézelles paru dans La Commune,n° 2, mai 1957,p. 10
DEPUIS quelques mois une fraction importante de l’opinion française a été vivement impressionnée par ce qu’elle a entrevu des aspects atroces de la guerre et de la répression en Algérie.
Compte-rendu paru dans La Nation socialiste, 2e année, nouvelle série, n° 2, novembre 1957, p. 8
Oreste ROSENFELD Conseiller S.F.I.O. de l’Union Française
« A plusieurs reprises, Guy MOLLET a déclaré – aussi bien au nom du gouvernement (notamment lors de son voyage aux Etats-Unis et au Canada) qu’au cours des manifestations socialistes en France, – qu’il « fallait épargner aux peuples sous-développés, le stade du nationalisme ». Il a ajouté – et il l’a répété des dizaines de fois – qu’il s’opposait à l’indépendance de l’Algérie. C’est parce que l’indépendance des pays colonisés était un leurre. Ce qui l’intéressait, lui, Président du Conseil et socialiste, c’était de rendre vraiment indépendant et libre chaque homme et chaque femme d’Algérie » et de les protéger ainsi contre l’exploitation des puissances capitalistes ou féodales. »
Article de Fred Zeller paru dans La Nation socialiste, nouvelle série, n° 1, octobre 1957
Il y a déjà trois années que nous sommes en guerre avec le peuple algérien et cette guerre dégénère en une affreuse tragédie dont on n’entrevoit pas l’issue.
Dans une opinion publique française jusqu’ici relativement insouciante – et dans une certaine mesure complice – l’inquiétude, je dirai même l’angoisse, a fait son apparition.
Un peu partout dans les villes et les villages de France, des familles sont amputées de leurs fils, ou de leurs pères.
Article de Maurice Clavel paru dans La Commune, n° 2, mai 1957, p. 10
J’arrive à Alger le 10 avril à la nuit. Le lendemain matin, je me rends au Tribunal Militaire. J’ai une grande partie de la ville à traverser. La mer et le ciel gris ne suggèrent pas l’Afrique. Les murs et les maisons de n’importe quelle ville de chez nous – à ceci près que c’est beau. Un musulman tous les 200 mètres donne une maigre et triste couleur locale. Il paraît qu’ils recommencent à se montrer (que devait-ce être ?). Alger, je le sais depuis hier soir, respire depuis l’opération Massu. La bombe de la « cafeteria » qui a tant marqué l’imagination (20 à 30 victimes, des fillettes amputées) s’éloigne peu à peu des mémoires.
Tribune de Lucien Weitz parue dans Nouvelle Gauche, 2e année, n° 33, du 28 septembre au 11 octobre 1957, p. 6
IL y a des formes d’auto-critique qui se révèlent n’être qu’un réquisitoire contre les autres. Le titre de l’article (1) de Léo Hamon : « La gauche souffre-t-elle d’algéromanie ? » n’était que formellement dubitatif. Le contenu, lui, ne laissait aucun doute.
Article de Claude Devence paru dans Nouvelle Gauche-Tribune étudiante, 2e année, n° 22, 25 février au 10 mars 1957, p. 1 et 7
LE 2 FEVRIER, entre 15 h. et 17 h., les ouvriers français, italiens, portugais et espagnols du chantier Perignan, à Vitry-sur-Seine, sous l’impulsion d’une militant Nouvelle Gauche, débrayaient unanimement. De quoi s’agissait-il ? D’une revendication de salaires ? D’une protestation contre les conditions de travail ? Non pas, c’était un acte remarquable de solidarité envers les camarades algériens en grève. En délégation, les ouvriers se rendirent à la Mairie de Vitry pout y déposer une motion réclamant la paix en Algérie et approuvant la grève de 8 jours faite à l’unanimité par leurs camarades algériens. Une collecte fut effectuée sur le chantier pour leur venir en aide.
Article de Joseph Gabel paru dans Arguments, n° 2, février-mars 1957, p. 1-5
La publication en 1929 d’Idéologie et Utopie a été un événement de grande importance dans la vie intellectuelle « progressiste » de la République de Weimar et sa sphère d’influence à l’étranger (1). Sa parution récente en français (2) ne semble pas avoir provoqué beaucoup de remous jusqu’à présent. Et pourtant, en relisant ce livre, on n’a pas l’impression qu’il ait vieilli. Certes Mannheim ne pouvait préfigurer ni le nazisme ni le développement récent de la superstructure communiste qui confirme d’ailleurs l’exactitude de ses prévisions. Le problème de la pensée idéologique est aujourd’hui plus actuel que jamais.
Article de Pannonicus paru dans Socialisme ou Barbarie, Volume IV (9e année), n° 21, mars-mai 1957, p. 105-112
C’est depuis une centaine d’années environ qu’on observe la tendance socialiste dans l’histoire ou, pour employer la phraséologie hégélienne, que le mouvement autonome de l’esprit pur « se socialise ». Il faut admettre que le mot « socialisme », en lui même, ne dit rien, ou plutôt dit trop. Derrière ce mot agissaient les hitlériens ; le « socialisme » est le principe déclaré de plusieurs gouvernements sociaux-démocrates et, horribile dictu, c’est au nom du « socialisme » qu’on exerce des dictatures sanguinaires, comme celle de Kadar en Hongrie.
Article de Cyrille Rousseau de Beauplan alias Philippe Guillaume paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 20, décembre 1956-février 1957, Volume IV (8e année), p. 117-123.
UNE RÉVOLTE DE TOUT UN PEUPLE, PROLÉTARIAT ET JEUNES EN TÊTE
Tout le monde sait maintenant comment cela a débuté. A la suite de l’avènement au pouvoir de Gomulka en Pologne, un grand espoir s’est levé sur la Hongrie. Tout le monde espère le retour de Nagy, le Gomulka hongrois, parce que, comme en Pologne, cela signifie un certain allègement de la contrainte économique et une petite indépendance vis-à-vis des Russes, moins d’ingérence ouverte de ceux-ci et moins de prélèvements sans contrepartie des richesses produites par le pays. Ce n’est pas grand chose, mais c’est déjà énorme en comparaison d’un passé exécré, celui de Rakosi. Ces timides revendications viennent des écrivains communistes (cercle Petöfi) et des étudiants communistes. Ces écrivains ne sont pas des écrivains « bourgeois », ayant une situation indépendante, comme Mauriac ou Sartre en France. Ce sont tous de véritables fonctionnaires du parti communiste, des servants de son idéologie, comme le philosophe Lukacs et qui, tous, ont chanté les louanges des Rakosi et de son régime, même si ils l’ont fait parfois à contrecœur. Depuis la déstalinisation cependant, et plus particulièrement depuis les événements de Pologne, ils ont pris quelques libertés, se sont exprimés ouvertement, ont tenu des réunions. Les étudiants ne sont pas des étudiants bourgeois ; ce sont des fils de membres du parti, de dirigeants syndicaux, de fonctionnaires de l’État communiste et même d’ouvriers et de paysans, à qui le régime — qui a un énorme besoin de « cadres » — a donné, en échange de leur soumission, leur chance sur une échelle beaucoup plus grande que dans les pays capitalistes. Une manifestation est décidée pour le 23 octobre, mais peu après que les écrivains et les étudiants aient formé leur cortèges, toutes les autres couches de la population, dont essentiellement les ouvriers, se sont joints à eux jusqu’à former des cortèges s’élevant à plus de deux cent mille hommes, femmes et enfants.
La crise des intellectuels compagnons de route soulève, en premier lieu pour ceux-ci, des problèmes de la plus grande importance, tels les rapports des écrivains, artistes, etc…, et de leurs œuvres avec les masses et leurs luttes émancipatrices, avec les formes d’organisation qu’elles prennent (partis, États…).
Pour ce livre, Djilas a été condamné à sept ans de prison par un tribunal yougoslave. C’est sa troisième condamnation depuis sa rupture avec Tito, et cette condamnation est encore plus scandaleuse et infâme que les précédentes. Djilas a été condamné pour ses opinions de manière à le démoraliser chaque fois davantage, pour le pousser aux pires extravagances. Nous donnerons notre opinion sur le contenu de ce livre, mais nous devons dire dès le début que, quelle que puisse être la position actuelle de Djilas, il a été autant que faire se pouvait acculé à cela par ses anciens camarades, recourant à leur façon à certaines méthodes apprises à l’école stalinienne.
Dans la littérature universelle, la littérature russe du temps des tsars occupe une place plus qu’éminente. La grandeur de cette littérature ne tient pas qu’à des qualités strictement littéraires, artistiques et stylistiques. Elle provient en grande partie du tait que plus que la littérature de tout autre pays, elle était l’expression de la société, de ses couches sociales tourmentées, de ses douleurs, des souffrances d’une société peinant pour accoucher d’un monde nouveau. La littérature russe donne une histoire de la société russe sous les tsars qui est une très remarquable contribution aux études historiques proprement dite. Les écrivains russes furent, en fait, les précurseurs de la Révolution d’Octobre 1917, tout comme les écrivains français du XVIIIe siècle furent les précurseurs de la Grande Révolution française.
Article d’Edgar Morin paru dans Arguments, n° 1, décembre 1956-janvier 1957, p. 1-7
Remarques à propos de : Abdoulaye Ly : Les masses africaines et l’actuelle condition humaine ; Dia Mamadou : Réflexions sur l’économie de l’Afrique Noire ; Cheikh Anta Diop : Nations nègres et culture (tous ces ouvrages aux Editions Présence Africaine) et du 1er Congrès International des Écrivains et Artistes Noirs, Paris, 19-22 septembre 1956, organisé par Présence Africaine.
Article de Pierre Naville paru dans Arguments, n° 4, juin-septembre 1957, p. 1-4.
Les jeunes camarades se sont intéressés à l’action des Conseils ouvriers dans les événements de Pologne et de Hongrie depuis octobre 1956, et depuis quelques années en Yougoslavie. Mais pourquoi s’imaginent-ils que l’apparition de tels Conseils est un fait absolument nouveau ? Et pourquoi font-ils souvent à leur sujet de la métaphysique au lieu d’étudier avec soin leur rôle, les transformations de leurs fonctions, les résultats de leur activité, etc… ?
« Interview d’un ancien militant du M.N.A., qui fut l’un des créateurs de l’Union syndicale des travailleurs algériens (USTA), la première organisation syndicale algérienne », parue dans Tribune algérienne, n° 7, juillet 1976, p. 3-5
T.A. : Que penses-tu de la situation politique actuelle, de la discussion sur la Charte ouverte par le pouvoir ?
R. : La situation politique en Algérie est arrivée à un tournant décisif. Pour la première fois depuis le coup d’état militaire du 19 juin 1965, Boumedienne qui a fait de l’Algérie sa propriété personnelle, et de la lutte du peuple algérien depuis l’Etoile Nord Africaine une simple introduction à son régime d’arbitraire, a été contraint, parce que son régime n’avait aucune assise dans la classe ouvrière, la paysannerie, a été contraint, de tenter de mystifier une fois de plus le peuple algérien avec sa campagne sur la Charte.
Extrait de la conférence prononcée par Albert Camus à l’Université d’Uppsala le 14 décembre 1957 et reproduite dans ses Œuvres, Paris, Gallimard, 2013, p. 1344-1346
Depuis un siècle environ, nous vivons dans une société qui n’est même pas la société de l’argent (l’argent ou l’or peuvent susciter des passions charnelles), mais celle des symboles abstraits de l’argent. La société des marchands peut se définir comme une société où les choses disparaissent au profit des signes.
Mon dernier article intitulé « Mémoires torturées – Maurice Audin et les fantômes de la guerre française en Algérie » vient de paraître dans le mensuel de critique et d’expérimentation sociales CQFD, n° 169 (octobre 2018).
Extrait de Maurice Clavel, Le jardin de Djemila, Paris, René Julliard, 1958, p. 19-22.
CHRONIQUE
Paris, février-avril 1957
I
J’avais quelques amis au Mouvement National Algérien et je m’en méfiais plaisamment : trop français. En eux semblaient revivre nos vieux révolutionnaires, dont il ne reste plus les noms que dans quelques rues vastes et laides, métros aériens, cœurs désuets : Barbès, Blanqui – ces gens qui ont peu agi dans leur siècle, ayant passé en prisons bourgeoises trop de leur vie, sans rien semer plus loin, la liberté s’étant faite science et police. Mes amis étaient une résurrection étrange, d’un naturel que le dépaysement accusait.
L’idée ne nous était pas venue de parler d’Albert Camus à l’occasion du Prix Nobel. Certes, semblable distinction nous réjouit, parce qu’il est toujours agréable de voir un jury d’intellectuels reconnaître le talent là où il existe, saluer une conscience authentique, récompenser un homme qui a su tracer sa voie à lui seul sans jamais proclamer qu’elle fût géniale. Mais la « R.P. » n’avait pas la prétention de confirmer ou de critiquer l’attribution d’une distinction à la fois littéraire et morale. Après les flashes des photographes, après les grandes interviews, après les monceaux de télégrammes de félicitations au lauréat, nous pensons pouvoir un jour serrer la main de Camus avec un peu plus de solennité peut-être, à l’occasion d’une rencontre.
C’est le quatrième dirigeant parisien de l’U.S.T.A. condamné à mort par l’U.G.T.A. (pro-F.L.N. et membre de la C.I.S.L.)
Le secrétaire général adjoint de l’Union syndicale des travailleurs algériens (U.S.T.A.), M. Filali Abdallah, a été victime d’un attentat rue d’Enghien. Atteint de quatre balles dans le dos, le syndicaliste algérien a été transporté dans un hôpital parisien. Son état est critique.
Article paru dans Nouvelle Gauche, n° 21, 11 au 24 février 1957.
En poursuivant pendant 13 jours la grève de la faim pour obtenir le bénéfice du régime politique, les 40 militants du M.N.A. dont nous avons déjà parlé dans ce journal n’ont pas seulement gagné la partie en ce qui les concerne, ils ont aussi suscité un grand mouvement d’unité à la prison de Fresnes, et leur victoire profitera dans l’avenir, à tous ceux, militants algériens et français, qui tomberont sous le coup de l’article 80 (atteinte à la sûreté extérieure de l’état).
Article paru dans La Vérité, n° 442, 25 janvier 1957.
C’est dans le cadre des Journées d’études sur l’Afrique du Nord, organisées par le Mouvement de Libération du peuple (MLP) et qui se sont tenues les 19 et 20 janvier au centre administratif et social d’Asnières, que Robert Barrat a traité d’un sujet brûlant entre tous « les bases de la négociation en Algérie ».
Extraits de la chronique de Jean-Marie Domenach parue dans Esprit, n°312, décembre 1962, p. 1039-1041.
Chaque fois que j’ai rencontré un responsable de la Résistance algérienne, je me suis trouvé en face d’une intransigeance totale, qui allait jusqu’à l’apologie inconditionnelle de la violence. Lorsque, en 1957, je rencontrai Abbane Ramdane, à Tunis, le simplisme brutal de ses propos m’épouvanta ; prenant une brochure sur la table (curieusement, c’était la Revue de défense nationale !), il s’écria : « l’Algérie, c’est très simple, c’est comme ce livre : vous me l’avez pris, rendez-le moi ! », et il m’exprima sa volonté de conduire l’action terroriste jusqu’à la victoire totale. On dira qu’il s’agissait d’un exalté (d’ailleurs généreux d’après ceux qui le connurent).
Extraits d’un article paru dans Afrique Informations, n°47, 15-31 janvier 1957.
Aux premiers jours de l’année, de trois éléments principaux paraissait dépendre la solution du problème algérien :
I. – LA DECLARATION d’INTENTIONS du gouvernement français comportant elle-même ses répercussions sur le prochain débat à l’O.N.U. Il s’agissait alors d’un élément inconnu.
II. – LES PERSPECTIVES ET LES REACTIONS DES REBELLES, et des deux organisations nationalistes, F.L.N. et M.N.A. qui en constituent l’expression politique, compte tenu de la rivalité entre les deux organisations.
Article de Louis Houdeville paru dans Nouvelle Gauche, n° 29, 9-22 juin 1957
Nous sommes de ceux pour qui l’anticolonialisme militant constitue une raison de vivre. Nous sommes de ceux qui n’avons jamais cessé de dénoncer les crimes commis au nom de la raison d’Etat, de la Nation ou des « impératifs » de la présence. Nous sommes de ceux qui n’avons cessé de lutter contre les bourreaux pour que justice et réparation soient rendues aux victimes.
Gilles Martinet, Claude Bourdet, René Capitant, Jean Rous, Georges Suffert, Pierre Stibbe, Jean Nantet, André Philip, Pierre-Henri Simon, Jean Daniel et Robert Barrat ont signé le texte suivant :
Le massacre de Melouza a bouleversé l’opinion française et surtout ceux qui, depuis des années, se sont attachés à dire la vérité sur le drame algérien.
Intervention de M.K. au 1er congrès de l’U.S.T.A publiée dans La Voix du travailleur algérien, n°5, juillet 1957
M.K. (Déléguée féminine de Roubaix). – Traite de la condition de la femme algérienne.
« Il faut avouer que certaines personnes ont été étonnées de voir présente à ce Congrès une délégation de femmes algériennes. Cela est normal car cette apparition est sans aucun doute la première qu’ait effectuée la femme algérienne pour sortir de l’ombre où elle a été volontairement plongée. A ceci nous pouvons affirmer comme l’a déclarée une sœur hier, que le colonialisme n’y est pas étranger. Cependant, d’ores et déjà nous pouvons assurer à la classe ouvrière masculine algérienne que, dorénavant, et quelles que soient les circonstances, elle nous trouvera à ses côtés, prêtes à lutter, à mourir afin de faire échec à l’exploitation économique, sociale et culturelle du colonialisme française.