Article paru dans Sous le drapeau du socialisme, revue de la Commission africaine de la Quatrième Internationale, n° 15, mars 1965 ; suivi de« Pourquoi ils ont tué Malcolm X », paru dans Sous le drapeau du socialisme, n° 16, avril 1965
Aux Etats-Unis, la plus grande « démocratie » du monde capitaliste, l’Etat est au service des monopoles qui exploitent le monde entier.
La mort de Malcolm X, assassiné à un moment qui aurait pu être le début de l’œuvre de sa vraie vie, a été un coup cruel au mouvement d’émancipation aux Etats-Unis et à la cause des opprimés de tous les pays.
Article paru dans Les Langues modernes, revue et bulletin de l’association des professeurs de langue vivante de l’enseignement public, 60e année, n° 3, mai-juin 1966, p. 108-116
En mai 1965, le poète Langston Hughes et deux jeunes romanciers, Paule Marshall et Melvin Kelley, furent invités à Paris, par le Centre Culturel Américain pour animer un Colloque sur la littérature noire américaine. Sim Copans, spécialiste du jazz et de la culture noire, voulut bien se joindre aux écrivains en visite pour répondre aux questions de Pierre Dommergues qui organisa cette « table ronde » et de Michel Fabre. Grâce à l’amabilité de Mr. Belcher, le Directeur du Centre qui nous preta locaux et matériel d’enregistrement, cette « table ronde » put avoir lieu la veille du Colloque. Le manque de place nous contraint à ne reproduire que l’essentiel de ces deux heures de discussion.
Article de Georges-Albert Astre paru dans Droit et Liberté, n° 239, 15 janvier – 15 février 1965, p. 12 et 11
A New York, en juillet dernier, il n’y avait vraiment qu’un problème, pour l’homme de la rue comme pour le businessman, pour le reporter comme pour le policier qui paradait près de Time Square sur son cheval bien lustré, et c’était, justement, cette Révolution Noire, dont on admettait depuis trois ans l’existence et qui, soudain, dominait par ses clameurs toutes les autres voix, faisait passer au second plan jusqu’aux préoccupations électorales … Au-delà de la 110e rue, vers Harlem, et aussi vers Brooklyn, des centaines de milliers de « nègres » s’insurgeaient contre leur condition, contre le chômage où ils étaient réduits contre toutes les formes plus ou moins hypocrites de discrimination que le « Nord » avait imaginées.
Article de Langston Hughes paru dans Monde, septième année, n° 303, 8 juin 1934, p. 10; publié initialement en octobre 1931 dans New Masses sous le titre « People Without Shoes »
En vertu d’un accord conclu récemment entre le Président Roosevelt et le Président Sténio Vincent de Haïti, la classe favorisée des Haïtiens, celle qui porte des chaussures, se voit attribuer un vague contrôle de la politique et des finances de son pays. La marine américaine doit évacuer en octobre prochain, mais cela ne signifie aucune amélioration du sort des masses haïtiennes ; cela montre simplement que les dirigeants indigènes ont prouvé leur fidélité de chien de garde du capital et que l’on peut compter sur eux pour remplir les fonctions d’agents de Wall Street. Ils vont se vanter d’avoir mis les Américains à la porte, mais ils ne font en réalité et fixer d’autant plus solidement que moins ouvertement le joug de Wall Street sur les épaules des ouvriers aux pieds nus et aussi des prolétaires en faux-cols. Aussi, dans le « Daily Worker », l’éminent écrivain noir américain, Langston Hughes, nous parle de Haïti en termes qui nous montrent au grand jour ce pays qui, selon lui, est devenu l’arbre fruitier du capitalisme américain, où le prolétariat noir est odieusement opprimé, et où la pauvreté des classes laborieuses n’a pas de limite. L’article de Langston Hughes jette une lueur nouvelle sur ce qui est devenu le terrain de chasse de l’impérialisme américain.
Article de Mercer Cook paru dans Vendredi, 4e année, n° 145, 12 août 1938, p.5
Il y a treize ans, dans un grand hôtel, à Washington, Vachel Lindsay lisait devant des personnalités de la capitale quelques poèmes, dont trois d’un jeune Américain de couleur. Ce poète noir n’était autre que Langston Hughes, qui travaillait dans le même hôtel comme plongeur (bus boy).
Article paru dans Egalité, organe du « Manifeste » et de défense des intérêts algériens, 2 mars 1945, p. 1-2
« … Et je ne sais comment, j’ai tout à coup compris que d’être noir et d’en porter la peine demande plus de vertu que n’en possèdent les anges mêmes. » (Countee Cullen, « The Shroud of Color ».)
Countee Cullen, grand poète noir américain, a écrit un jour un poème intitulé « The shroud of color » (Le linceul de la couleur). Ce titre rend compte avec une exactitude poignante de la situation diminuée des Noirs en Amérique. Leur enveloppe noire les retranche, en quelque sorte, sinon du monde des vivants, du moins de celui des heureux. Ils sont là-bas dix millions environ, quotidiennement en lutte à de féroces préjugés de race et de couleur. Nous pensons intéresser nos lecteurs en leur apportant quelques renseignements sur la vie de ceux-ci ; car c’est bien à un véritable phénomène de colonisation des noirs par les blancs, colonisation dans les faits, sinon dans le vocabulaire, que l’on assiste aux Etats-Unis, depuis la fin de la guerre de Sécession.
Article signé C. R. paru dans La Voie communiste, n° 42, mars 1964, p. 14
Les Français sont bien peu conscients, dans leur ensemble, de ce que représente la lutte des noirs aux Etats-Unis. Pour nombre d’entre eux, même pour les mieux intentionnés, il s’agit d’une lamentable affaire de racisme qui finira pas se résoudre, tôt ou tard, au niveau de la conscience des blancs. Pour « la gauche », même, les choses restent soit extrêmement nébuleuses, soit, paradoxalement, beaucoup trop claires. L’on se déclare incapable de comprendre comment le mouvement ouvrier peut encore être pénétré du préjugé racial – en oubliant bien vite l’attitude française pendant la guerre d’Algérie. L’on s’impatiente de la lenteur des progrès de « l’intégration ». Ou bien l’on crie au scandale devant les aspirations « séparationnistes » en prenant vite la mouche devant tout ce qui peut être interprété comme une manifestation de « racisme à rebours ». En fait, devant un problème dont la solution n’apparaît pas clairement, et qui rentre difficilement dans des schémas superficiels préétablis, l’on se contente en général de se heurter la tête contre un mur en disant : aucune solution n’est possible tant que les différentes couches exploitées des Etats-Unis n’agiront pas ensemble.
La revue Esprit vient de consacrer tout un numéro à la « gauche américaine ». La vieille phraséologie politique a repris le pas depuis quelques années sur les désignations courantes suivant les classes sociales. On est de gauche et non plus bourgeois, petit-bourgeois ou ouvrier. Là aussi il est franchement mal porté d’être ouvrier. Que ce soit la conséquence d’un affaissement de l’esprit prolétarien, cela ne fait pas de doute. Mais c’est aussi le résultat d’une invasion du mouvement par les intellectuels et par toutes les couches de la petite-bourgeoisie, fonctionnaires en tête. Cet affaissement de l’esprit prolétarien, dans quelle mesure provient-il de l’étatisme russe et de l’étatisme tout court qui tend à submerger le monde, cela mériterait d’être examiné plus profondément. Contentons-nous aujourd’hui de le constater.
(traduit de Jim Evrard – The Rebel Worker – 5 – Solidarity Bookshop – 1947 – Larrabee Street Chicago – Ill )
Les gens parlent toujours de publicité, de propagande, et de manipulations de l’opinion publique en terres généraux, mais rarement en termes précis. J’aimerais prendre l’exemple concret d’une chanson populaire sur le « five o’clock world » (le monde de 5 heures du soir) pour illustrer quelques aspects des techniques de manipulation auxquelles nous sommes constamment exposés.
Pourquoi parler d’un tel livre ? Le défi américain, cela concerne avant tout ceux qui nous exploitent, ceux qui nous gouvernent, et dont la domination est menacée dans leur propre fief.
L’évolution vers le capitalisme d’état, forme ultime de la concentration capitaliste, est le trait dominant des sociétés industrielles qui tendent à s’industrialiser.
Pour les copains qui ont lu Whyte, Packard, Cl. Julien (I) ce nouveau bouquin sur la vie et l’économie américaine n’apportera pas grand’chose de plus comme documentation. Toutefois, il est à lire, non pas seulement parce que son auteur est un conseiller écouté de Kennedy, qui lui a confié le poste important d’ambassadeur en Inde, mais parce qu’il familiarise avec les notions économiques et complète tout de même ce que les auteurs cités ci-dessus ont exposé.
Publié aux U.S.A. en 1962, sous le titre « The Warfare State » ce livre fut édité en France au début de l’année dernière, avec une préface de l’auteur, datée de décembre 1963. Il n’a rien perdu ni de son actualité, ni de son intérêt.
Nous allons montrer dans une série d’articles les problèmes et la dynamique du mouvement des Noirs aux U.S.A., ce que D. Guérin nomme, dans son dernier ouvrage « La décolonisation des Noirs américains ». Un article de ce journal (1) avait déjà tracé un tableau général de la situation. Ici nous allons approfondir les problèmes dégagés par l’analyse d’un certain nombre d’ouvrages récents consacrés aux différents mouvements noirs.
MAMAN JONES, traduit de l’anglais par Colette Audry et Marina Stalio. Coll. Masses et Militants. Les Editions ouvrières.
Légendes pour images d’Epinal, est-on tenté de dire à première lecture. Et de fait chaque phrase semble solliciter un petit dessin de couleur violente, un peu caricatural avec des capitalistes à gros cigares, arrogants et cruels et des prolétaires ardents et décidés. La simplicité tout enfantine du récit par petites phrases courtes, énoncés dépouillés de faits « à tel endroit il y avais une gréve, je suis venue, la lutte a pris cette forme, la répression s’y est exercée de telle façon, la grève s’y est ainsi terminée », et l’on passe au chapitre suivant qui n’en diffère que par la date et le lieu. Seulement ce récit tout puéril retrace les épisodes d’une des luttes les plus âpres, les plus dures au monde qu’eut à mener le prolétariat.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 56, décembre 1963, p. 9-10
Nous reproduisons ci-dessous une lettre d’un camarade américain au sujet des conséquences de l’assassinat de Kennedy. Nous ne partageons pas le point de vue de ce camarade selon lequel le capitalisme américain serait incapable de résoudre la question noire et évoluerait rapidement vers un régime de type fasciste. Nous reviendrons sur cette analyse dans un de nos prochains numéros.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 44, octobre 1962, p. 10
Opinion d’un de nos lecteurs américain
Jusqu’à ces dernières années, le mouvement noir le plus important était le NAACP (Association pour l’Avancement des Gens de Couleur), qui préconisait de faire ouvrir aux noirs les portes de la société américaine par des moyens exclusivement légaux.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 10, septembre 1959, p. 7-8 et 13
Un préjugé tenace et répandu refuse de reconnaître que les noirs américains soient capables de lutter sérieusement et efficacement contre l’oppression raciale, encore moins d’imposer à tel ou tel moment et dans tel ou tel endroit leur propre loi. Vue dans cette optique, qu’on retrouve aussi fréquemment dans les milieux qui se croient de gauche que dans ceux de droite, le problème de l’intégration et de l’égalité raciale aux Etats-Unis est totalement extérieur aux noirs eux-mêmes : il s’agit de savoir si les blancs libéraux réussiront à imposer leur politique aux blancs racistes, le problème noir est une histoire de famille entre blancs. Si l’on suivait ces idées, on devrait dire que depuis la guerre de Sécession les noirs n’ont jamais eu aucun rôle positif et actif, qu’ils n’ont fait que subir les évènements : hier les blancs du nord les ont délivré de l’esclavage, demain on leur donnera l’égalité raciale.
Entretien avec Daniel Guérin paru dans Révolution africaine, n° 46, 14 décembre 1963, p. 8-9
Daniel Guérin vient de publier aux Editions de Minuit, un nouveau livre, Décolonisation du Noir américain. Ce livre vient à son heure, à l’heure où l’assassinat du président Kennedy et l’enquête qui se mène à Dallas prouvent que le racisme reste puissant aux Etats-Unis.
Daniel Guérin a publie de nombreux ouvrages sur les problèmes de la révolution Depuis Fascisme et grand capital, paru avant-guerre, jusqu’à Front populaire, révolution manquée, son avant-dernier livre, en passant par Au service des colonisés, il n’a cessé de tenter un approfondissement systématique des méthodes et de la stratégie révolutionnaire.
Article signé Jim Crow paru dansL’Humanité, 8 avril 1928, p. 3
La race noire souffre non seulement d’une oppression impérialiste et d’une exploitation capitaliste pires que celles des ouvriers blancs, mais elle est assujettie de plus au martyre des préjuges de races, habilement entretenus par les exploiteurs capitalistes et leurs complices, les réformistes, parmi les ouvriers blancs non conscients. De ces préjugés est né ce qu’on appelle en Amérique le « Jim Crowism » (mesures appliquées contre « Jim le corbeau », sobriquet donné aux nègres) qui va de l’interdiction aux noirs de voyageur dans les infimes wagons que les blancs jusqu’au lynchage.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 62, juillet-août 1964, p. 9-10
Prenez deux idées justes. La première : tout appareil bureaucratique offre un aspect comique ; sa rigidité, sa hiérarchie, sa prétendue rationalité le rendent irréaliste, incapable de s’adapter à une situation nouvelle et de la résoudre simplement ; bien plus, les règles du fonctionnement bureaucratique favorisent ou provoquent elles-mêmes des accidents par lesquels l’appareil est pris au dépourvu. Deuxième idée : aujourd’hui l’organisation de la destruction et de la terreur est bureaucratisée ; elle est l’affaire d’un immense système (dont le Strategic Air Command est, aux États-Unis, une partie) servi par des milliers d’hommes, s’étendant à toute la surface du globe, équipé avec les résultats les plus récents de la science et de l’industrie, prêt à fonctionner dans des délais qui sont de l’ordre de la minute, et suspendu sur la tête de milliards d’hommes.
« Le papier du mois », paru dans Gai Pied, n° 38, mai 1982, p. 7
• James Baldwin, un mot qu’utilisent les homosexuels et que connaissent bien les noirs, c’est celui de ghetto. Le ghetto est-il une mesure de survie ou une fuite ?
Article d’Yves B. paru dans Le Monde libertaire, n° 678, 22 octobre 1987, p. 10
DÉCÉDÉ récemment, Chester Himes est (avec Richard Wright) le romancier noir américain le plus connu et, à notre humble avis, le meilleur. Mais cette reconnaissance a été tardive. Si Chester Himes est resté longtemps incompris, c’est à cause de la division opérée entre ses romans « classiques » et ses polars (qui l’ont fait connaître en France), considérés comme pas sérieux. Pourtant, après une lecture attentive, on s’aperçoit que son œuvre possède une certaine cohérence. Lui seul a su traduire aussi bien les problèmes de la communauté noire contemporaine.
Article d’Hugues Panassié paru dans Les Cahiers du Sud, n° 288, 1er semestre 1948, p. 352-354
Aucun écrivain noir américain ne me paraît aussi doué, aussi profond que Richard Wright, dont la venue en France, l’année dernière, a été accueillie par une presse aussi bienveillante qu’incompétente, à en juger par les gloses fantaisistes publiées à droite et à gauche sur ses romans.
La capacité d’une direction révolutionnaire se mesure à son aptitude à juger de la signification profonde des grands événements internationaux qui constituent la trame concrète de l’évolution historique dans laquelle le prolétariat révolutionnaire doit s’insérer comme force indépendante et consciente.
Le bilan global des événements des derniers mois, disons depuis la mort de Staline, démontre l’impossibilité de sortir de l’impasse de la « guerre froide » et d’arriver à un compromis général et durable entre les pays impérialistes et ceux dudit bloc soviétique. En ce sens, la paix à laquelle aspirent avec raison les millions des travailleurs, n’est pas certainement pour demain.
Article paru dans La Vérité, n° 221,5 novembre 1948, p. 3
La réunion de l’Assemblée générale de l’O.N.U. a déplacé le centre de gravité de la « guerre froide » de Berlin à Paris. Pour la galerie, des discours plus spectaculaires l’un que l’autre n’ont cessé de se succéder de jour en jour ; dans les coulisses se sont entre temps poursuivis les pourparlers ultra-secrets qui ont une fois de plus démontré aux peuples combien mensongers sont les procédés de propagande utilisés de part et d’autre pour maintenir en haleine l’opinion publique mondiale.
Article d’Aimé Blanc-Dufour paru dans Les Cahiers du Sud, n° 308, 1er juillet 1951, p. 171-172
Le premier tome de cet ouvrage exhaustif et étonnamment documenté était consacré au Syndicalisme ouvrier. Le tome II porte comme sous-titre « La révolte agraire », « Le problème nègre ».
BEAUCOUP de nos camarades reviennent actuellement d’Amérique. Tout ce qu’ils peuvent nous dire nous intéresse toujours passionnément. Toutefois, si vigilant à observer, si lucide soit-on, il n’est pas bien certain qu’en six semaines ou deux mois il soit possible de dégager des appréciations absolument pertinentes sur un pays.
RICHARD WRIGHT a déjà publié en français deux ouvrages : « Un Enfant du pays », roman d’un noir qui s’assoit sur la chaise électrique après avoir assassine, par peur, une jeune blanche émancipée ; « Les Enfants de l’oncle Tom », recueil de nouvelles où nous est décrite la condition présente du noir américain, paria d’une société qui le craint et se venge cruellement sur lui de sa propre frayeur (1). « Black Boy » (« Jeunesse noire ») (2) diffère de ces deux ouvrages en ce qu’il ne fait nulle place à la fiction. L’auteur raconte sa jeunesse avec les mots les plus courants et sans céder à l’attrait du pittoresque.
Article d’Edgar Morin paru dans Arguments, n° 1, décembre 1956-janvier 1957, p. 1-7
Remarques à propos de : Abdoulaye Ly : Les masses africaines et l’actuelle condition humaine ; Dia Mamadou : Réflexions sur l’économie de l’Afrique Noire ; Cheikh Anta Diop : Nations nègres et culture (tous ces ouvrages aux Editions Présence Africaine) et du 1er Congrès International des Écrivains et Artistes Noirs, Paris, 19-22 septembre 1956, organisé par Présence Africaine.
Article de Guy Ducornet paru dans Les Langues modernes, n° 4, juillet-août 1969, p. 394-401
RALPH ELLISON
HOMME INVISIBLE, POUR QUI CHANTES-TU ?
Grasset, 1969, traduction de Robert Merle
Invisible Man est une longue métaphore dans la tradition de The Wasteland ou de Moby Dick ; Ellison nous fait participer à un rituel qui sous-tend l’histoire de la société américaine, qui en est la définition et le produit. L’inévitable question, l’éternelle préoccupation des meilleures œuvres américaines, c’est le « qui suis-je ? » dans le contexte américain, que l’on retrouve de Marc Twain à Philip Roth, de Stephen Crane à Bellow, L’oeuvre est toujours une manière parti-culière de résoudre le problème de l’identité. Elle ne se contente pas de décrire une expérience, elle la crée sous nos yeux.
Titre curieux, certes, que celui de ce roman américain de bon aloi, mais on comprend assez mal le rapport qu’il offre avec le roman lui-même. En réalité, il est extrait d’une tontine nègre, du genre Am, Stram, Gram, — Pic et pic et Colégramme…
Article d’Albert Camus paru dansFranc-Tireur, 7 décembre 1948, p. 1 et 3
LA paix a les inconvénients de l’amour. On croit savoir ce qu’elle est et puis l’épreuve arrive, la voici menacée, et personne ne s’entend sur le sens de ce mot. Les premiers venus, dont je suis, pensent que la paix est l’absence de guerre et qu’une politique pacifiste est une politique qui ne multiplie pas les chances de guerre. Ils pensent, en outre, qu’on a d’autant moins le droit de courir ces chances que la guerre à venir menace d’être plus générale et plus destructive. Autrement dit, s’il faut être prudent quand il s’agit de risquer une guerre de canons et d’avions entre la France et l’Allemagne, il faut l’être d’autant plus quand il s’agit d’une catastrophe où les continents seront atomisés.
LE 5 avril 1944, le « Daily Worker », quotidien communiste des Etats-Unis, apprenait à ses lecteurs qu’un
« soi-disant fonctionnaire de la Commission d’achats soviétique de Washington, Victor Kravchenko, venait de trahir la confiance qu’avait placée en lui le peuple de l’U. R. S. S. »
Article de Michel Gordey paru dans Les Etoiles, n° 76, 22 octobre 1946, p. 4
RICHARD WRIGHT, l’écrivain noir dont les œuvres sont des cris de révolte et de souffrance, —Richard Wright que l’on s’imaginerait volontiers comme un homme aux mâchoires et aux poings serrés, enfermé dans son amertume, — Richard Wright m’ouvre la porte de son appartement, et tout de suite je sens le calme, la bonté, la raison qui émanent de cet homme à la taille moyenne, au teint sombre et mat, aux veux doux et intelligents derrière des lunettes sans monture, des lunettes de professeur de collège américain.
Article de Jane Albert-Hesseparu dans Franc-Tireur, 25 octobre 1947, p. 2
C’est d’ailleurs que nous vient le souffle… – Les grands romanciers de la race noire : Richard Wright, Langston Hugues. – Mémoires d’un poète et d’un homme. – Solidarité dans la lutte et dans l’art.
LA réputation de Richard Wright a précédé chez nous la traduction de ses œuvres. « Black Boy » (1) et « Native Son », premier ouvrage publié en librairie (2), montrent que cette réputation n’est pas usurpée. Avec Wright, nous nous trouvons, en vérité, devant un des grands écrivains du moment. Dire qu’il est noir et Américain n’est pas plus le définir que de considérer seulement Kafka comme Juif et Tchèque, ou Tolstoï comme noble et Russe. Par quelque endroit, le génie transgresse les catégories raciales, sociales et nationales au sein desquelles il est né et a prospéré. De moins grands que Wright, le pittoresque Claude Mc Kay ou l’émouvant Langston Hughes laissent clairement voir leurs caractères ethniques. Ils se définissent d’abord par eux. Quand nous lisons « Native Son », nous oublions la nationalité de l’auteur et la couleur de sa peau.
Texte de Richard Wright paru dans Franc-Tireur, 16 décembre 1948, p. 1 et 4
Richard Wright
VOICI le texte du grand écrivain américain Richard Wright lu par lui, dans la liberté totale de son expression, à la grande Rencontre internationale des écrivains du monde, suscitée par le R.D.R.
De race noire, l’admirable romancier de Native Son et de Black Boy lance avant tout ici un cri d’opprimé, de révolté à la face du monde et des deux Etats géants dont la querelle maintient l’humanité dans l’angoisse et dans la peur.
RICHARD WRIGHT, qui compte aujourd’hui parmi les cinq ou six plus grands écrivains américains et qui est incontestablement le plus grand prosateur noir des Etats-Unis, me reçoit dans son petit appartement du boulevard Saint-Michel, quelques jours avant son retour en Amérique. Une fois de plus, tout au long d’un entretien qui dure plus de deux heures, je suis frappé pas le calme, par la sérénité lucide de cet homme dont les cris de révolte et de protestation retentissent pourtant depuis quelque dix années avec une vigueur croissante. Cris de révolte qui sont entendus, puisque les livres de Wright battent les records de vente aux Etats-Unis et paraissent partout dans le monde : en France, en Italie, en Angleterre, en Suisse, au Danemark et en Suède.
Article de Frédéric Stane parudans Gavroche, n° 95, 20 juin 1946, p. 5
APRES-DEMAIN, la Société des gens de lettres reçoit en son hôtel Richard Wright. J’ignore si la majorité des messieurs-dames que l’on rencontre ordinairement à ces raouts savent exactement qui est Richard Wright. Peut-être est-il charitable de les avertir qu’il s’agit non seulement d’un de ces romanciers américains qui font rougir les émules de M. Henry Bordeaux lorsqu’ils en entendent parler, mais encore d’un écrivain noir, le plus brillant des écrivains noirs de sa génération. Mme Camille Marbo est prévenue.
SUR les quais de la gare Saint-Lazare. Le train spécial ayant embarqué au Havre les passagers du « Brazil » a du retard. Le soleil matinal n’arrive pas à percer les hautes verrières enfumées ; un petit vent frais souffle en courant d’air.
DIS-MOI chéri que je suis ta chérie. C’est pas une fille jaune qui te tombera…
Des refrains amoureux, des couples déchaînés dans la fureur du jazz. Des peaux d’un noir nuancé : chocolat, marron, olive, café, acajou, crème, mastic. Des étoffes aux couleur criardes : cravate rose, jaune et bleue, écharpe orange, jupe verte, bas champagne. On boit — gin ou whisky — on joue — poker ou zanzi — on se drogue — opium ou coco. On s’oublie, on s’enivre, on s’aime, on se bat, on assiste à tous les débordements d’une animalité intense.
Claude Mc Kay est un écrivain à peu près inconnu en France. C’est un noir américain né à la Jamaïque en 1890. Son enfance fut celle des petits paysans de couleur vivant dans les îles. L’un de ses frères, qui était instituteur, fut son premier éducateur.
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