Article de Benno Sternberg dit Hugo Bell paru dans Socialisme ou Barbarie,Volume III (6e année), janvier-mars 1954, p. 10-12
La période qui a suivi la révolte du 17 juin peut être divisée en deux étapes : la première occupe 3 à 4 semaines ; la seconde dure encore. La première de ces étapes est marquée par une tentative de libéralisation du régime. Un ouvrier put déclarer dans une assemblée d’usine : « Je suis fier du 17 juin » et sa déclaration fut reproduite par la presse du parti (1). Parallèlement un tournant économique s’amorce. Rappelons ici : la baisse des normes, la révision du plan en faveur de l’industrie légère, l’amélioration immédiate du ravitaillement. Cette première étape prit fin au cours de la seconde décade de juillet avec l’arrestation de Fechner et le limogeage de Herrnstadt et de Zaisser, promoteurs de la libéralisation.
Article de Pannonicus paru dans Socialisme ou Barbarie, Volume IV (9e année), n° 21, mars-mai 1957, p. 105-112
C’est depuis une centaine d’années environ qu’on observe la tendance socialiste dans l’histoire ou, pour employer la phraséologie hégélienne, que le mouvement autonome de l’esprit pur « se socialise ». Il faut admettre que le mot « socialisme », en lui même, ne dit rien, ou plutôt dit trop. Derrière ce mot agissaient les hitlériens ; le « socialisme » est le principe déclaré de plusieurs gouvernements sociaux-démocrates et, horribile dictu, c’est au nom du « socialisme » qu’on exerce des dictatures sanguinaires, comme celle de Kadar en Hongrie.
Article de Cyrille Rousseau de Beauplan alias Philippe Guillaume paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 20, décembre 1956-février 1957, Volume IV (8e année), p. 117-123.
UNE RÉVOLTE DE TOUT UN PEUPLE, PROLÉTARIAT ET JEUNES EN TÊTE
Tout le monde sait maintenant comment cela a débuté. A la suite de l’avènement au pouvoir de Gomulka en Pologne, un grand espoir s’est levé sur la Hongrie. Tout le monde espère le retour de Nagy, le Gomulka hongrois, parce que, comme en Pologne, cela signifie un certain allègement de la contrainte économique et une petite indépendance vis-à-vis des Russes, moins d’ingérence ouverte de ceux-ci et moins de prélèvements sans contrepartie des richesses produites par le pays. Ce n’est pas grand chose, mais c’est déjà énorme en comparaison d’un passé exécré, celui de Rakosi. Ces timides revendications viennent des écrivains communistes (cercle Petöfi) et des étudiants communistes. Ces écrivains ne sont pas des écrivains « bourgeois », ayant une situation indépendante, comme Mauriac ou Sartre en France. Ce sont tous de véritables fonctionnaires du parti communiste, des servants de son idéologie, comme le philosophe Lukacs et qui, tous, ont chanté les louanges des Rakosi et de son régime, même si ils l’ont fait parfois à contrecœur. Depuis la déstalinisation cependant, et plus particulièrement depuis les événements de Pologne, ils ont pris quelques libertés, se sont exprimés ouvertement, ont tenu des réunions. Les étudiants ne sont pas des étudiants bourgeois ; ce sont des fils de membres du parti, de dirigeants syndicaux, de fonctionnaires de l’État communiste et même d’ouvriers et de paysans, à qui le régime — qui a un énorme besoin de « cadres » — a donné, en échange de leur soumission, leur chance sur une échelle beaucoup plus grande que dans les pays capitalistes. Une manifestation est décidée pour le 23 octobre, mais peu après que les écrivains et les étudiants aient formé leur cortèges, toutes les autres couches de la population, dont essentiellement les ouvriers, se sont joints à eux jusqu’à former des cortèges s’élevant à plus de deux cent mille hommes, femmes et enfants.
Le livre de B. Sarel constitue une contribution de premier ordre à la compréhension de l’univers bureaucratique et des luttes de classes qui s’y déroulent actuellement (1). Sobre, précis, documenté, Sarel nous fait pénétrer d’une manière extrêmement concrète dans la réalité quotidienne des rapports antagoniques qui se sont développés en Allemagne orientale entre le prolétariat et la nouvelle classe dirigeante du soi-disant régime socialiste. Sarel ne pose pas des affirmations dogmatiques générales sur les contradictions internes des régimes bureaucratiques, il fait parler les faits et souvent même les personnages, ouvriers ou bureaucrates, qui vivent tous les jours ce déchirement de la société. Peu à peu se reconstitue sous nos yeux l’histoire d’une lutte de classe, et la signification révolutionnaire que développe cette histoire.
Article paru dans Socialisme ou Barbarie, Volume IV (8e année), juillet-septembre 1956, n° 19, p. 116-120
Les ouvriers polonais viennent de répondre à leur manière au XXe Congrès. Tandis que dans le monde entier les dirigeants communistes rusent pour contenir les formidables remous que propage la déstalinisation, à Poznan, métallos et cheminots ont formulé sans qu’on les y convie leur propre critique qui est celle des armes : les ouvriers de l’usine Staline ont débrayé le 28 au matin, tenu un meeting monstre, appelé à leur aide les travailleurs des autres entreprises, et, après avoir défilé en scandant « c’est notre révolution. Du Pain. Démocratie. Liberté. A bas les bonzes » ils ont attaqué la prison et les Bureaux des services de sécurité. Le très libéral Cyrankiewicz peut bien insinuer que les révoltés sont des ouvriers arriérés et le sinistre Courtade les traiter de chouans, l’explosion de Poznan est trop forte pour qu’on puisse en dissimuler le sens : les ouvriers ne s’accommodent pas de la déstalinisation ; il ne leur suffit pas que les dirigeants sacrifient un ou deux de leurs anciens collègues terroristes et qu’ils affichent une soudaine horreur de la dictature stalinienne, ils veulent du pain, la liberté, la démocratie — bref ce qu’ont toujours voulu les ouvriers dans tous les régimes d’exploitation dès qu’ils sont entrés en lutte.
Les textes rassemblés dans ces deux volumes ont été publiés pour l’essentiel entre 1949 et 1964 dans la revue Socialisme ou Barbarie. Il ne saurait être question de résumer ici ni d’essayer de rendre compte de ces quelques huit cents pages, encore moins d’essayer de montrer en quoi nous sommes là devant l’une des entreprises intellectuelles les plus considérables de l’époque. Il faudra peut-être attendre que l’ensemble des textes de Castoriadis soit devenu enfin accessible à un large public pour qu’une telle affirmation ait des chances réelles d’être entendue. En attendant la publication dans l’un des prochains numéros de Autogestion et Socialisme d’un article de fond sur l’œuvre de Castoriadis, il est peut-être toutefois utile de donner un bref aperçu du contenu de ces deux volumes. On trouvera là des textes sur la « question de l’organisation », qui fut l’un des thèmes permanents de discussion au sein du groupe S. ou B. (1), des analyses des luttes ouvrières dans les pays occidentaux pendant cette période (2), ainsi que quelques analyses de type plus général comme « La lutte des ouvriers contre l’organisation de l’entreprise capitaliste », où est développée (en 1957-1958) une critique de la pseudo-rationalité de l’organisation capitaliste du travail (3), « Recommencer la révolution » (1964), qui marque la rupture avec les éléments marxistes « conservateurs » du groupe S. ou B. (4), et la très importante Introduction du vol. I, « La question de l’histoire du mouvement ouvrier », écrite spécialement pour cette réédition.
Je vous préviens : je suis emballé. A partir de ce moment où je viens de finir la lecture du livre de Daniel Mothé, je suis tout simplement sous l’impression que je ne pourrai plus discuter utilement avec un camarade qui, soit n’aurait pas lu Mothé, soit n’aurait pas eu la même expérience que lui en réfléchissant, comme il l’a fait, sur cette expérience.
Le livre de Danos et Gibelin sur Juin 36 (1) est une importante et sérieuse étude d’une période décisive et pour l’évolution du mouvement ouvrier et pour celle de la politique bourgeoise et des partis de masse. Ne serait-ce que pour mesurer le chemin parcouru depuis vingt ans, la réflexion sur les événement de 36 est féconde. Aujourd’hui le patronat commence à tirer profit de l’expérience d’avant guerre et n’hésite pas dans des secteurs clés à devancer la revendication ouvrière, comme l’illustrent les contrats de Renault et de la métallurgie. Poussé par les impératifs de la production en grande série, il cherche à intégrer toujours plus étroitement les ouvriers à l’entreprise et commence à comprendre, à l’instar du patronat américain, que certaines améliorations (concernant la retraite, les congés) peuvent seules lui assurer une stabilité provisoire. Aujourd’hui, les partis qui se réclament de la classe ouvrière se sont définitivement intégrés à l’appareil d’exploitation du capital, l’un en se subordonnant absolument à une bureaucratie qui, dans l’intervalle, s’est étendue de l’U.R.S.S. à une grande partie de l’Europe et de l’Asie, et en prenant conscience de ses fins (un nouveau rôle de gestionnaire grâce à l’étatisation de la production), l’autre en participant directement au régime d’exploitation bourgeois.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 14,janvier 1960, p. 6-7
Depuis plus de cinq ans que dure la guerre d’Algérie, personne ne s’était soucié de donner la parole aux Algériens, à ceux qui sont passés de la condition d’opprimés à la condition de combattants contre leurs oppresseurs, et se sont par là même d’ores et déjà libérés. On avait pu lire quelques reportages sur les maquis, quelques professions de foi de « personnalités » algériennes plus ou moins engagées, des récits de tortures ou de massacre ; et surtout les Algériens qui se sont exprimés, ce sont les membres du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne, qui discutent par radio avec De Gaulle, font des discours et des manœuvres à l’ONU, donnent des conférences de presse. Tout ce qu’on connaissait sur les Algériens eux-mêmes, sur les paysans révolutionnaires d’Algérie, c’est qu’ils se battent contre l’armée française. Ce n’était pas assez, on s’en persuade en lisant « Le Front » de R. Davezies (1)
La société capitaliste est hiérarchisée et cette hiérarchie est sanctionnée par l’argent.
La société est présentée sous la forme d’une collectivité où tous les individus ont leur chance et peuvent en gravir les échelons. Cela est un mensonge. Cette société basée sur l’inégalité ne peut fonctionner que si l’inégalité subsiste.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 10, septembre 1959, p. 3-6
La société est cloisonnée en France de telle façon qu’un employé est à peu près sûr de rester employé, un ouvrier ouvrier et un patron patron. Ceci, nous le savons par expérience.
Article de Christian Descamps alias Serge Mareuil paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 35,janvier-mars 1964,p. 121-122
Ce livre passionnant n’est pas, comme le dit Guérin lui-même dans la préface, l’histoire du Front Populaire mais une contribution à l’histoire par un des hommes qui a contribué à la sécréter. Mais l’auteur ne peut s’empêcher de replacer les événements qu’il a vécu dans un cadre historique, donc théorique.
Yvan Craipeau, dirigeant du Parti Unifié de la Gauche Socialiste, vient de publier « La Révolution qui vient » (*).
Cet ouvrage se présente comme un essai de clarification des idées sur le mouvement révolutionnaire et la lutte pour le socialisme. Il énonce en outre les principales positions qui devront, selon lui, servir de base à la nouvelle formation de gauche.
IL fut un temps où on ne pouvait mettre en doute, ni même s’interroger sur le régime soviétique, sans être soupçonné, de soutenir le camp impérialiste yankee, ou d’être un « laquais des réactionnaires ». Cette période semble définitivement close. S’interroger sur la nature sociale de l’URSS est aujourd’hui très à la mode. A gauche, surtout, les analyses foisonnent. Castoriadis ne fait pas partie de cette « tardive compagnie ». Dès les premières années de l’après-guerre, il commence à s’intéresser à l’URSS, en fondant à Paris, avec Claude Lefort, la fameuse revue « Socialisme ou Barbarie« .
La capacité d’une direction révolutionnaire se mesure à son aptitude à juger de la signification profonde des grands événements internationaux qui constituent la trame concrète de l’évolution historique dans laquelle le prolétariat révolutionnaire doit s’insérer comme force indépendante et consciente.
Article de Sébastien de Diesbach alias S. Chatel paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 31, décembre 1960-février 1961, p. 104-107
A voir des films français, qui pourrait se douter qu’il y ait eu la guerre d’Indochine, les événements d’Afrique du Nord, l’Algérie, le 13 mai ? Ceci n’est encore rien : car qui pourrait se douter même que dans ce pays les gens doivent, comme cela arrive à certains, gagner leur vie, se marier, se loger, envoyer leurs enfants l’école, assister à la mort des personnes qu’ils aiment ?
Article de Daniel Blanchard alias Paul Canjuers paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 38, octobre-décembre 1964, p.98-101
La réélection de Johnson à la Présidence des Etats-Unis avec une très forte majorité avait beau être attendue et escomptée ; ces élections n’en marquent pas moins une étape dans la vie politique des Etats-Unis qui conduira probablement à des changements importants. Pour la première fois depuis 1940, ces élections ont en effet posé les électeurs américains devant un choix réel, même s’il était fort limité et essentiellement négatif. Depuis l’acceptation du New Deal et de ses résultats irréversibles, les élections étaient progressivement devenues une question de choix entre les « personnalités » des candidats de deux partis dont les différences s’étaient amenuisées à l’extrême. En désignant Goldwater comme candidat à la présidence, l’aile extrémiste du parti républicain a explicitement remis en cause une série d’aspects essentiels de l’orientation de la politique américaine, intérieure et extérieure, ceux précisément qui expriment la tentative du capitalisme américain de s’adapter au monde moderne. Peu importe si cette remise en question était confuse, si Goldwater, longtemps avant les élections, avait été obligé de mettre beaucoup d’eau dans son bourbon, et si finalement, élu Président, il aurait été obligé de faire à peu près ce que Johnson fait. Les électeurs ont voté contre le retour (utopique, faut-il le dire) à un capitalisme totalement privé et sans intervention de l’Etat fédéral dans l’économie, contre l’autonomie des Etats l’égard de la fédération, contre les va-t-en guerre en politique internationale, contre l’anti-communisme à outrance et la persécution des minorités, contre surtout l’aggravation de la guerre raciale qu’aurait certainement induit l’élection de Goldwater.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 26,février 1961, p. 11-12
« Actuellement la profession d’instituteur n’attire plus les jeunes : plus de cent classes n’ont pas de maîtres dans la Seine ; les maîtres malades ou appelés au Service Militaire ne souvent pas remplacés, les débutants ne peuvent recevoir aucune formation professionnelle sérieuse… C’est en fin de compte les enfants qui sont gravement lésés par la médiocrité des traitements des instituteurs et l’insuffisance du budget de l’EDUCATION NATIONALE ».
Dans le passé, seuls les amateurs de « bouts de jardin », de petites propriétés se retrouvaient dans des trains qui les transportaient vers les bords de la Marne, la vallée de Chevreuse, les pavillons « Loi Loucheur ».
« Car l’esprit ouvrier, à peine ses yeux sont-ils ouverts, revient à son « Je pense », tout comme Descartes. Il tient bon là ; il se forme une idée juste de ce que c’est qu’une vie humaine ; et cette idée est qu’il ne faut pas attendre de tout comprendre pour vivre en homme. Cette idée est en marche, et le moindre progrès de la connaissance l’éclaire un peu plus. Et c’est pourquoi l’idée de rationalisation, qui porte la marque des brevetés, a trouvé, contre l’attente des rois de ce monde-là, une résistance. Le citoyen riveur et le citoyen ajusteur ont dit : « Produire n’est pas le tout ; et aussi bien votre édifice industriel s’écroule par le haut, ce qui prouve que vous êtes bien loin de connaître assez pour légiférer. Humanité et justice valent mieux que puissance : et puisque vous nous consultez, nous allons dire, non ce que nous savons, mais ce que nous voulons. C’est à vous, les rois, de vous en arranger. »
Article d’Alain Gérard paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 38, octobre-décembre 1964, p. 115-116
« Je suis fier des médailles que la France n’a pas eues. » M. HERZOG.
Nos lecteurs, même ceux qui suivent l’actualité d’un œil distrait n’ont pas manqué d’apprécier les progrès fulgurants dans la sottise que notre cher et vieux pays a accompli en quelques semaines.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 14,janvier 1960, p. 10-12
Le 22 décembre a eu lieu la Journée Nationale d’action laïque. Cela consistait pour les instituteurs, à « célébrer dans leurs classes l’école laïque et l’idéal qu’elle incarne ». Toutes les précautions avaient été prises pour que notre action resta dans le « cadre des instructions officielles ». Le matériel nous avait été fourni : il fallait commenter un passage de la lettre de Jules Ferry aux instituteurs. Inquiète malgré la modération et le caractère général de cette lettre, la Direction de l’Enseignement nous faisait, le matin même, parvenir une note nous recommandant de respecter scrupuleusement la neutralité. Du coup, la lettre de Jules Ferry semblait déjà trop révolutionnaire à certains.
Article de Jean Léger paru dans Socialisme ou Barbarie,n° 7, août-septembre 1950, p. 110-111
Dans les premiers jours de juin s’est déroulé à Prague le procès des Treize, premier grand procès politique que connaisse la Tchécoslovaquie.
Les condamnations prononcées le 8 juin ont révolté de nombreux intellectuels en France, en Autriche, en Norvège. Des télégrammes ont été adressés au Président de la République tchécoslovaque pour qu’il renonce à exécuter la sentence frappant le principal accusé : Kalandra.
Article de Jean-François Lyotard paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 32, avril-juin 1961, p. 62-72
En décembre 1960, les Algériens de toutes les villes prennent possession de leurs rues. La guerre dure depuis six ans, les forces de l’ordre sont partout renforcées à cause du voyage de de Gaulle, à Alger le réseau administratif-policier installé depuis la « bataille » de 1957 s’est fait plus serré que jamais, l’organisation de la wilaya a été « démantelée » quatre ou cinq fois, les Algériens n’ont pratiquement pas d’armes, tous les Européens sont armés, dans les grandes villes ils prennent même l’initiative des manifestations, cherchent à occuper les quartiers-clés, à faire basculer l’armée de leur côté.
Article paru dans Pouvoir ouvrier,n° 24, décembre 1960, p. 1-2
Ça y est : les algériens sont descendus dans la rue. Pendant six jours les manifestations sa succèdent. Au prix de leur vie, désarmés, ils affrontent les mitraillettes des policiers et des paras, les revolvers des ultras. Ils tombent par dizaines, par centaines, mais brandissent toujours les drapeaux blanc-vert, réclament l’indépendance.
Article de Sébastien de Diesbach alias S. Chatel paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 40, juin-août 1965, p. 84-89
Une noire ayant une fonction élevée dans le gouvernement de la Ville de New-York loue les vertus de la limousine avec chauffeur qui fait partie des attributs de son poste : « Sans elle je ne peux pas aller à mon bureau. Quand j’essaie d’entrer à pied dans une enceinte administrative, un policier m’arrête pour me dire ‘Sorry miss, il n’y a pas de manifestation aujourd’hui (no picketing today)’ » (D’après le New-York Times)
Article de Jean Seurel paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 2, mai-juin 1949, p. 116-121
Pendant deux mois le procès Kravchenko-Lettres Françaises a passionné l’opinion publique. Il est une source de larges profits pour la presse et l’édition qui se disputent les mémoires des témoins. Aux uns il apporte une célébrité subite (Mme Buber-Neuman), aux autres il coûte une maison (le général Rudenko aurait, paraît-il, perdu la sienne). A la longue tout ceci apparaît comme une immense parade publicitaire et chacun est prêt à retourner chez lui, c’est-à-dire à ses idées, ou en revient un peu plus écœuré car il sent monter de partout l’odeur fétide des marais. Ce dégoût a une valeur positive. Et pourtant il vaut la peine de s’arrêter sur ce procès car il est à bien des points de vue un fait très significatif et plein d’enseignements.
Article d’Hélène Gérard paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 36, avril-juin 1964, p. 79-83
Par la critique à laquelle elle soumettait les valeurs bourgeoises, l’œuvre de Freud fit, à son apparition, l’effet d’une bombe. Cette bombe, la bourgeoisie s’employa aussitôt à la désamorcer : aux Etats-Unis, où la psychanalyse prit rapidement une grande extension, la technique psychanalytique fut isolée des fondements philosophiques de la théorie et de ce divorce naquit une nouvelle conception de la maladie, parfaitement acceptable pour l’ordre établi : l’inadaptation sociale. L’objectif de la cure psychanalytique ne fut plus, des lors, que d’amener les inadaptés à se conformer de nouveau aux normes de la société.
Article de Joseph Gabel paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 37, juillet-août 1964, p. 54-64
(A propos de l’essai : D’un réalisme sans rivages *)
NOTE DE LA REDACTION. – Il est sans doute superflu de présenter aux lecteurs de SOCIALISME OU BARBARIE, le Dr Joseph Gabel, un des rares penseurs qui ont tenté, pendant les vingt dernières années, de maintenir vivants les éléments les plus féconds de la théorie marxiste et de les appliquer à des problèmes neufs. Nous comptons, du reste, publier dans un de nos prochains numéros, une analyse critique de son important ouvrage LA FAUSSE CONSCIENCE (Editions de Minuit, 1963).
Article paru dans Pouvoir Ouvrier, n° 2, janvier 1959, p. 1-3.
Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis la libération et tous les partis ont adopté comme programme la grandeur, la puissance et l’indépendance de la France. Ils ont échoué. De Gaulle va peut-être réussir si les ouvriers le laissent faire.
Article de Martine Vidal paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 28, juillet-août 1959, p. 80-82.
C’est la bourgeoisie qui, à la fin du XIXe siècle, a imposé la laïcité de l’enseignement public, parmi une série d’autres réformes anticléricales, à un moment où l’Eglise représentait pour elle un adversaire politique. Depuis, l’Eglise a évolué ; toujours au service de la classe dominante, elle est maintenant au service de la classe bourgeoise. L’anticléricalisme de la bourgeoisie s’est éteint et la laïcité de l’école publique est de nouveau mise en question.
Extrait de Jean-François Lyotard, « L’Algérie évacuée », Socialisme ou Barbarie, n° 34, mars-mai 1963, p. 1-7
Les lignes qui suivent n’ont pas pour objet de définir une politique révolutionnaire en Algérie. La question du sort de ce pays ne se pose plus et ne se pose pas encore de cette manière. Plus, parce que l’élan qui animait les masses au cours de la lutte nationale est maintenant brisé : il n’y a pas eu de révolution. Pas encore, parce que les problèmes qui assaillent les travailleurs et que la politique de la direction actuelle est incapable de résoudre, finiront par amener à maturité les conditions d’une nouvelle intervention des masses : la révolution reste à faire.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 42, août 1962, p. 1-3.
« C’est le peuple algérien qui a gagné la guerre »
« Révolution par et pour le peuple » ….
Au moment même où les dirigeants de la révolution algérienne se fragmentent en clans rivaux, ils se réclament à tout instant du « peuple ».
Ils ont raison, car ils sont peu de choses en face de ces paysans et de ces ouvriers qui sont bien les vrais vainqueurs de la plus cruelle guerre coloniale de l’histoire. Mais ils ont tort car ni les uns ni les autres, ils ne sont les représentants authentiques des travailleurs algériens.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 10, septembre 1959, p. 1-3.
Les travailleurs sont pour la paix en Algérie, mais ils ne sont pas pour les Algériens. Ils ne font rien pour les aider dans leur lutte à l’échelle politique. Ils ne manifestent pas leur solidarité. Même sur le plan personnel, dans leurs rapports de travail avec les ouvriers algériens, ils témoignent d’une certaine méfiance : ils disent que ce sont des types qui ne savent pas travailler, ou bien qui ne veulent pas travailler, ou bien qui ne cherchent pas à se mêler à eux.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 2, janvier 1959, p. 7-9.
1° En Algérie, l’ objectif des grands capitalistes est de liquider la forme arriérée d’exploitation qu’est la colonisation. Actuellement l’exploitation des Algériens se fait de deux manières et profite à deux catégories de la bourgeoisie : en tant que travailleurs, les Algériens subissent l’exploitation directe ou indirecte des grands propriétaires terriens (« colons ») ; en tant que consommateurs, ils éprouvent celle des Compagnies commerciales qui monopolisent le marché algérien. Cette forme d’exploitation na permet pas aux gros banquiers et industriels métropolitains d’investir leurs capitaux en Algérie de façon profitable.
Extraits d’un article paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 28, Volume V (11e année), Juillet-Août 1959, p. 35-38
Fanatisme et superstition
Même pour le fanatisme, la superstition, j’ai vu que c’était autorisé, agréé par le gouvernement français en Algérie. J’ai vu, square Nelson, des femmes qui allaient là, soi-disant que c’était des sorciers – des conneries, quoi. Mais c’était agréé par le gouvernement. Il y avait des négresses là, qui tuaient des poulets, prenaient les entrailles et tout ce qui s’ensuit. Soi-disant que l’eau de mer de cet endroit était bénie par le sorcier et les femmes allaient se laver là-dedans. Il y avait donc des femmes qui se foutaient à poil pour se laver là et simplement il y avait une autre femme qui les cachait avec un petit bout de voile de rien du tout. Un jour j’étais avec les copains et j’avais vu ça. D’ailleurs les copains et moi on avait commencé à rouspéter parce qu’il y avait des pêcheurs, là. Ils donnaient des bons coups d’œil. Enfin, ils se régalaient. Alors nous, on a commencé à incendier cette femme et les femmes qui faisaient brûler de l’encens et tout le bataclan. Eh bien! mon vieux, il fallait qu’on courre, parce que les flics ils sont venus ; ils nous ont fait courir. C’était autorisé par le gouvernement.
Extraits d’un article paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 29, Volume V (11e année), Décembre 1959-Février 1960, p. 54-55.
14 juillet 1953
Ma femme était à l’hôpital. Elle venait d’accoucher d’un deuxième enfant. Alors je sors de l’hôpital et je savais qu’il y avait le défilé. Je me dis, je vais défiler, c’est pas loin. Mais manque de pot, je tourne d’un côté et je tombe sur trois cars de flicaille qui étaient là. Ils me regardent d’un sale œil. Moi je m’en foutais, je les emmerdais. Il y avait l’autre gosse à la maison qui m’attendait, mais je me suis dit : il va bien m’attendre un petit peu, je vais voir comment c’est le défilé. Parce qu’il y avait Marcel Cachin. J’aimais bien voir ce vieux-là. Et puis d’un seul coup, poum! vlan! j’entends que ça commence la bagarre là-dedans.
J’ai choisi de partager cet appel daté de novembre-décembre 1956 et paru en mai 1957 dans la revue dirigée par Maurice Nadeau, Les Lettres nouvelles. Parmi ses initiateurs, on retrouve Jean Duvignaud et Edgard Morin. Le premier était membre du bureau du Comité pour la libération de Messali Hadj et des victimes de la répression. Le second s’est insurgé contre les calomnies visant les messalistes et a eu l’occasion de revenir sur son engagement dans de nombreuses publications. Je suis revenu sur certains enjeux de ce microcosme anticolonialiste dans mon article « Face à la guerre d’Algérie : transactions anticoloniales et reconfigurations dans la gauche française ».
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