Tribune ouvrière, n° 82, 5 avril 1962, journal publié par un groupe d’ouvriers de la Régie Renault
Pour qu’il n’y ait sur ce point aucun doute possible, le général de Gaulle a expliqué, à la télévision, que, non seulement il s’agissait pour chacun de nous, en disant OUI de donner son adhésion à lui-même mais, encore de lui attribuer ainsi par avance, une confiance complète non pas pour régler l’affaire d’Algérie, mais pour toute sa tâché dont l’affaire d’Algérie n’est qu’une partie au milieu d’autres ». Et encore : « pour aujourd’hui et pour demain ».
La longue survie du régime capitaliste est la tragédie de notre époque. L’agitation étourdie et impuissante des démocrates en est le côté burlesque. Si la politique contemporaine est tellement obscène que des millions d’ouvriers s’en sont tout à fait détournés, c’est à la vanité des poses démocratiques, à l’impudence des mensonges démocratiques qu’on le doit, plus encore qu’au cynisme du grand capital.
Ces lignes sont écrites avant qu’on ne connaisse officiellement les résultats du référendum. Mais tout le monde les connait d’avance et cela n’a aucune importance (1). D’abord, ce n’est pas un référendum, mais bel et bien un plébiscite. L’ambiguïté, l’obscurité et l’inutilité de la question posée enlèvent à cette consultation tout caractère démocratique. D’ailleurs, rendons cette justice à César : il a précisé sans détour qu’il s’agissait d’une confiance en « sa personne ». Nous n’en voulons pas à la « démocratie directe », comme certains qui lui opposent soit la démocratie parlementaire, soit une « démocratie rénovée » enveloppée de brouillards, soit – pourquoi pas ? – la démocratie populaire dont on sait d’expérience que le nom est déjà un double mensonge. C’est au contraire parce que ce plébiscite dérisoire est une caricature de démocratie directe que nous le prenons pour ce qu’il est. Exemples de questions qui pourraient et devraient être posées au peuple : êtes-vous pour ou contre la peine de mort ? êtes-vous pour ou contre le planning familial ? êtes-vous pour ou contre les subventions publiques aux écoles privées ? Ce sont là des questions claires. On ne les posera pas. César ne les posera pas. Ses prédécesseurs ne les ont pas posées. La probabilité est faible pour que ses successeurs les posent davantage. Elle est très grande au contraire pour que les faits les posent et les reposent sans cesse, avec leur entêtement habituel. Jusqu’à leur solution normale; réformiste ou révolutionnaire – réformiste et révolutionnaire.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 39, avril 1962, p. 1-2
Et maintenant ? Le colonialisme a perdu la dernière bataille, non à Evian, mais en Algérie.
Officiers déserteurs et européens fanatisés tirent leurs dernières cartouches, assassinent leurs dernières victimes. Dans quelque banlieue algéroise, Salan compulse fiévreusement ses plans de « guerre subversive », cherche « l’erreur », lance encore des ordres.
Les manifestations des 8 et 13 février sont au centre des discussions. Elles peuvent paraître dépassées par les évènements. Mais en fait, elles débordent largement leur cadre particulier et permettent de saisir leur sens par rapport au mouvement ouvrier.
Article paru dans La Voix du Peuple, février 1962, p. 1 et 4
Au moment où nous écrivons ces lignes, la guerre civile avec ses horreurs s’installe tous les jours davantage en Algérie. Les lynchages, les ratonnades, les incendies sont déjà dépassés. On tue, on détruit tandis qu’une crise économique paralyse les grandes villes du pays.
Mouvement National Algérien, Bulletin intérieur, janvier-février 1962, 4 pages
ANALYSE – DIRECTIVES – INFORMATIONS
Dans le dernier Bulletin Intérieur, nous avons analysé la situation politique du dernier trimestre de l’année 1961 sur l’évolution du problème algérien. Il a été question de la commémoration du 7ème anniversaire de la Révolution Algérienne, de ses conséquences sur le plan de la répression, du problème des contacts secrets, des futures négociations et des événements qui se sont déroulés en Tunisie à la suite du départ de Ferhat ABBAS et de l’entrée en scène, pour la première fois, des Centralistes, en la personne de Benyoussef BENKHEDDA.
Le 17 octobre 1961 — il y a à peine quatre mois — des milliers et des milliers d’Algériens, las d’être humiliés, ont manifesté sur les boulevards, en plein centre de Paris. contre le couvre-feu à 20 heures et pour leur dignité. Dès le soir même la Seine a charrié des cadavres d’Algériens. L’opinion avait été choquée de cette « intrusion » mais avait été impressionnée par le courage de ces hommes et de ces femmes. L’ampleur et la sauvagerie d’une répression pratiquée « à froid » ne manqua pas de soulever ce que les journalistes appellent une vive indignation. Le pouvoir dut faire ouvrir une instruction sur les décès suspects de dizaines d’Algériens au cours de cette nuit sanglante. Cela dura quelques jours. On y pensa encore pendant quelques semaines. Et puis… Et puis la vie reprit son cours. L’instruction doit se poursuivre au même rythme que celle ouverte sur la mort de Maurice Audin (assassiné depuis plusieurs années). Monsieur Papon est toujours préfet de police et le bon peuple s’est intéressé à autre chose. C’est en toute quiétude que le Pouvoir a pu renvoyer des milliers d’Algériens « dans leurs douars d’origine ». Les fameux « douars d’origine » c’était Paul-Cazelles, Beni-Messoud, Sidi-Chami… ; c’était des camps. Oh pas des camps de concentration, bien sûr ! Non, des centres d’hébergement ! des centres d’hébergement où, comme à Paul-Cazelles, pour 1.600 internés répartis en trois blocs, il n’y a ni infirmerie ni douches, ni consultation pour les maladies des yeux et des dents ; où les tuberculeux et les malades mentaux ne sont pas isolés. La télévision et les actualités nous ont montré ces départs vers les « douars d’origine ». Combien se sont indignés, parmi nos compatriotes, de voir ces hommes partir, en veston, sans bagage ? Combien se sont demandés s’ils laissaient ici une femme, des gosses et ce qu’ils deviendraient privés de leur soutien ? Assurément beaucoup moins que ceux qui, sottement, ont soupiré d’aise en pensant que « l’on allait enfin être un peu en sécurité ». Il faut dire qu’en fait de sécurité on a été gâté. Tandis que les plastiqueurs poursuivent le cours de leurs exploits, les brigades spéciales de monsieur le préfet Papon, qui s’étaient fait la main le 19 décembre, viennent, le 8 février, de causer la mort de huit personnes : quatre hommes, trois femmes, un enfant, huit « bougnoules » bien de chez nous, « Français de souche » comme dirait le journal de l’O.A.S. : le Parisien Libéré.
Article de Pierre Hervé paru dans La Nation socialiste, n° 51, janvier 1962, p. 1et 5
EXPOSANT lors de son procès les raisons de l’échec de la rébellion militaire d’avril 1961, Challe déclarait : « Nous n’avons pas voulu faire la guerre même aux tièdes et nous avons voulu éviter toute effusion de sang ». Il faut bien constater que depuis ce temps les chefs de l’O.A.S. ont adopté une autre tactique. Les menaces, les chantages, les attentats se sont multipliés et des officiers français, qui pourtant se réclament du sentiment national et de l’honneur de l’Armée, n’ont pas hésité à faire assassiner d’autres Français par des déserteurs de la Légion étrangère.
Pour que le fascisme ne passe pas les organisations ouvrières nous font crier dans la rue « qu’il ne passera pas ». D’un côté des gens armés de plastic et de mitraillettes avec des complices dans la police, l’armée, le gouvernement, avec 80 députés qui les soutiennent ; de l’autre des ouvriers dignes et calmes qui de temps en temps se réunissent pour chanter la Marseillaise.
Lorsqu’eut lieu la première rentrée en France d’une division d’Algérie, j’indiquais que c’était là le commencement d’une évacuation totale, que, tout comme ça avait été le cas hier en Indochine et avant avant-hier au Mexique, une évacuation commencée après des années d’une guerre qui allait « se pourrissant » de plus en plus, ne pouvait être que poursuivie jusqu’à son terme. C’était un processus « irréversible » pour employer un mot à la mode.
C’est toujours la guerre d’Algérie et la situation politique en France qui préoccupent les travailleurs. Une grève aussi importante soit-elle, comme celle des mineurs de Decazeville passe au second plan. Dans les discussions entre camarades on retrouve les vieux sujets dont nous avons maintes fois parlé ici : indépendance de l’Algérie et contenu réel de la révolution algérienne, menace fasciste, que faire ? (la lettre d’un camarade publiée dans le dernier numéro d’ICO a soulevé critiques des uns, approbation des autres).
Articles parus dans Tribune ouvrière, n° 81, janvier 1962, p. 1-2
Depuis deux mois les mots d’ordre contre la guerre d’Algérie se sont transformés en mot d’ordre anti-O.A.S. – C’est au P.C. que revient une fois de plus l’honneur d’avoir réussi à détourner l’opposition contre le guerre et pour l’INDEPENDANCE DE l’ALGERIE en une action contre l’O.A.S. dans laquelle il se retrouve d’accord avec tous nos bons « démocrates » de Guy Mollet à l’U.N.R.
L’Algérie brûle. Impassible, l’Armée assiste au dernier festival O.A.S. La civilisation française prend congé des arabes. Si quelqu’un reste, ce ne sera plus des français, mais des pieds-noirs.
Du 13 mai au 1er juin, chacun s’est situé face à l’événement, et seulement face à l’événement. Nous voulons dire : face au coup de force d’Alger et à la candidature de de Gaulle au pouvoir. De là des attitudes réflexes et un pouvoir fascinant des dilemmes : de Gaulle ou la guerre civile ; de Gaulle ou la défense de la république ; le fascisme ou le front populaire. Il est bien vrai qu’il y a des situations qui appellent un engagement immédiat et ne laissent d’autre choix qu’un oui ou un non. Mais étions-nous en face d’une telle situation, l’événement engendrait-il nécessairement une alternative, ou l’une des alternatives communément formulées ? N’était-ce pas plutôt faire de l’événement un mythe que de le prendre pour seule référence en refoulant dans l’ombre le contexte dans lequel il se produisait ?
Article de Roland Pottier parudans Gavroche, n° 10, juin-juillet 1983,p. 7-11
Ce jour-là, le 17 octobre 1961 vers 20h, une pluie fine tombe avec insistance sur l’asphalte parisien. Aux quatre coins de la capitale, des cortèges se forment pour converger vers son centre. Des travailleurs algériens sont venus de toute la région parisienne parce qu’ils n’admettent pas les contrôles d’identité, la fermeture de leurs lieux de rencontre après 19 heures et le couvre-feu de 20h30 à 5h30 imposé, le 6 octobre, par le préfet de police Maurice Papon.
Article en deux parties paru dans Alternative libertaire, n° 6, 1er février 1992, p. 8 et n° 7, mars 1992, p. 8
RETOUR SUR UN MASSACRE
Le 30 novembre dernier, près de cent cinquante personnes ont participé au Forum-débat organisé par le collectif Alternative Libertaire de Montreuil (Seine-Saint-Denis) avec Agnès Denis, Nicole Rein, Anne Tristan, Didier Daeninckx, Jean-Luc Einaudi.
Ce fut donc un succès, pour une modeste réunion de quartier. Après la projection du film « Le Silence du Fleuve », une discussion souvent passionnantes est engagée entre la salle et les intervenants. Nous en publions ici quelques extraits.
« C’est généreux, la France ! », s’est écrié un jour le chef de l’État qui n’exaspère jamais autant nos démocrates nationaux que lorsqu’avec sa grandiloquence coutumière il exprime leurs propres préjugés les mieux enracinés. En effet, aucune réalité historique lointaine ou proche n’a apparemment pu arracher du cœur de nos petits-bourgeois socialisants cette conviction orgueilleuse remontant à la Grande Révolution de… 1789 qu’ils étaient inégalables en générosité démocratique et que c’était eux qui donnaient son visage à la France. Cette conviction, ils l’ont malheureusement inculquée au mouvement ouvrier lui-même : heureux impérialisme français qui peut exploiter, piller, guerroyer, réprimer, sans que le prolétariat sache lui répliquer autrement que par le « Tout ça n’est pas la France » des petits-bourgeois.
Il est difficile de démêler dans l’écheveau des événements leur importance réelle, leur sens, et d’en tirer des perspectives, même relativement proches. Les manœuvres du gouvernement, sur tous les plans (Algérie, Intérieur, et international) le jeu correspondant des organisations (partis et syndicats) en France, celui du F.L.N. et de l’O.A.S. en Algérie et en France, les réactions latentes ou ouvertes des différentes couches sociales en France (paysans, travailleurs, étudiants) aux conséquences conjointes de l’évolution du capitalisme et de la poursuite de la guerre les positions politiques motivées ici même par les péripéties de la lutte entre les deux blocs, tout cela créé une situation bien confuse. La situation capitaliste en France subit en ce moment même des transformations profondes c’est le sens de ces transformations que nous devons essayer de dégager à travers les bouleversements qui atteignent tout depuis les structures de l’Etat, jusqu’au comportement des individus. Il faut essayer de dépasser les réactions « sentimentales » à l’aspect superficiel des faits, les jugements en fonction des idées personnelles pour tout replacer à sa juste valeur dans l’évolution de la société.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 33, octobre 1961, p. 4-5
Les travailleurs vivent avec un système de pensée imprégné d’idées et de formules qu’on leur a inculquées depuis leur enfance soit à l’école primaire, soit au cinéma, la radio, à la Télé ou dans les journaux. Ces idées empêchent les travailleurs de prendre conscience de certaines réalités élémentaires et de leur rôle dans la société. C’est la classe dominante qui les diffuse pour maintenir les travailleurs dans leur rôle d’exploité. Le racisme, le patriotisme, les notions de bon citoyen, d’honnête travailleur, etc… sont autant de formules qui encombrent les esprits et empêchent les ouvriers de résoudre leur propre problème et entretiennent chez la plupart la confusion intellectuelle souvent la plus totale.
Un passé de probité intellectuelle et de courage personnel ne tient pas lieu d’intelligence politique. Je crois en la bonne foi d’Emmanuel Mounier et de la part des gens de son équipe. Il n’est que plus urgent de dénoncer leur position actuelle (1).
Article paru dans Le Prolétaire, n° 380, décembre 1984, p. 2
Le trentième anniversaire de l’insurrection de la Toussaint 1954 a été l’occasion pour les nostalgiques de l’ère coloniale de se manifester avec force mais, plus significativement, il a mis en lumière l’accord profond de tous les partis avec toutes les aspirations de l’impérialisme, même lorsque celles-ci ont été battues en brèche par l’histoire. On a vu défiler coudes à coudes devant les monuments aux morts les gaullistes ex-barbouzards et les anciens OAS (définitivement blanchis et réintégrés dans le corps des officiers pour toucher leurs retraites par le gouvernement PC-PS) ; on a vu les drapeaux en berne aux frontons des mairies de droite, mais aussi du PS ; on a vu le maire PCF de Martigues interdire la projection du film « la bataille d’Alger ».
Non, décidément, la vieille France colonialiste n’est pas morte. Elle vit et prospère sous des habits à peine rafraîchis de l’exploitation de ses prolétaires (français ou immigrés) comme du pillage et de la sur-exploitation des masses pauvres et des prolétaires des pays du Tiers-Monde, au premier rang desquels, ses anciennes colonies.
Tract de la Fédération d’Alger du MNA, 19 décembre 1960
Une fois de plus, le peuple Algérien tout entier vient d’affirmer dans les rues d’Alger son désir à la liberté et de prouver au monde par son action courageuse, que rien ne le fera reculer pour faire triompher sa part à la justice et à la dignité humaine.
Textes parus dans le Bulletin d’information du MNA, n° 30, décembre 1960, p. 2-6
Au cours des événements qui se sont déroulés à Alger et dans les autres villes d’Algérie, avec l’arrivée du général de GAULLE jusqu’à son retour, il y a eu, de la part des Algériens musulmans une réaction inattendue pour certains, qui s’est transformée en de nombreuses manifestations.
Depuis le 9 décembre 1960, pendant plusieurs jours, l’Algérie a connu des événements graves. Les 11, 12 et 13 décembre ont vu le sang couler dans les rues d’Alger, d’Oran, de Bône et de leurs banlieues. Des centaines de tués, des milliers de blessés, voilà le bilan de ces événements. Mais ce ne sont pas seulement les « forces de l’ordre » qui ont mitraillé les Algériens ; il est établi officiellement que plusieurs dizaines d’Algériens ont été assassinés par des Européens. Ils se sont acharnés sur des vieillards et même des enfants qui jouaient. Cette férocité des « pieds noirs » contre les nôtres s’est particulièrement déployée à Bab-El-Oued, à Belcourt et au Ruisseau. C’était sous les hurlements de « l’Algérie française » que les hordes de LAGAILLARDE, de SUSINI et d’ORTIZ massacraient de pauvres innocents ; elles ont ainsi vidé leur haine bestiale et leur racisme odieux et, de ce fait, elles ont tué les mythes de la « fraternisation » et de tous les mensonges que leur « Echo d’Alger » leur « Dépêche Quotidienne d’Alger » n’ont cessé de scribouiller depuis le 13 mat 1958.
Article de Jean-François Lyotard paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 32, avril-juin 1961, p. 62-72
En décembre 1960, les Algériens de toutes les villes prennent possession de leurs rues. La guerre dure depuis six ans, les forces de l’ordre sont partout renforcées à cause du voyage de de Gaulle, à Alger le réseau administratif-policier installé depuis la « bataille » de 1957 s’est fait plus serré que jamais, l’organisation de la wilaya a été « démantelée » quatre ou cinq fois, les Algériens n’ont pratiquement pas d’armes, tous les Européens sont armés, dans les grandes villes ils prennent même l’initiative des manifestations, cherchent à occuper les quartiers-clés, à faire basculer l’armée de leur côté.
Article paru dans Pouvoir ouvrier,n° 24, décembre 1960, p. 1-2
Ça y est : les algériens sont descendus dans la rue. Pendant six jours les manifestations sa succèdent. Au prix de leur vie, désarmés, ils affrontent les mitraillettes des policiers et des paras, les revolvers des ultras. Ils tombent par dizaines, par centaines, mais brandissent toujours les drapeaux blanc-vert, réclament l’indépendance.
Textes parus dans Tout !, n° 15, 30 juin 1971, p. 2
J’ai couché avec un Arabe, ou plutôt, j’ai eu une liaison avec un Arabe : je ne me suis jamais posé de problèmes à ce sujet. Il me plaisait, j’étais bien avec lui, lui aussi, c’est tout. Mais j’ai pris la mesure du racisme à cette occasion… en étant avec lui dans les lieux publics. C’est dans le regard des gens, à certains sourires déplaisants, voire carrément hostiles que je me rendais compte que l’homme qui était avec moi était un Arabe. Lui savait, sentait, moi pas, au début. C’est quand il m’a dit : « C’est toujours comme ça… » que j’ai réalisé que je couchais avec un Arabe – et que c’était pas dans l’ordre normal des choses – On a essayé d’en sourire et d’en rire ensemble – pour moi c’était facile, pour lui pas – et cette différence de réaction due aux gens extérieurs à nous, a créé un peu un malaise entre nous. Quand je lui disais : « T’occupes pas, ce sont des cons, laissons tomber ». Il disait : « Oui, mais moi je n’arrive pas, je le vis, pas toi ».
Dans la « R. P. » de juillet-août 1959, le camarade Louzon a publié un article sous le titre « Requête à Messali Hadj« .
Tout d’abord, il a rendu hommage au Président du M.N.A. en des termes pleins de sympathie et de grandeur. Il faut le dire, il peint admirablement bien l’ouvrier et le dirigeant courageux qui a consacré sa vie entière au service des travailleurs algériens et à leur éducation.
Article paru dans Pouvoir Ouvrier, n° 2, janvier 1959, p. 1-3.
Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis la libération et tous les partis ont adopté comme programme la grandeur, la puissance et l’indépendance de la France. Ils ont échoué. De Gaulle va peut-être réussir si les ouvriers le laissent faire.
Article de Guy Germinal paru dans Noir et Rouge, n° 15-16, printemps-été 1960, p. 1-32.
AVANT-PROPOS
L‘historien Michelet, plusieurs fois cité, écrivait : « La liberté du catholicisme dans un gouvernement républicain est uniquement et simplement la liberté de conspiration. »
Il peut sembler paradoxal que la bourgeoisie conspire au sein de son propre régime alors que les représentants de la classe ouvrière en sont réduits bien souvent à lutter pour une « légalité ». Le problème se résume à savoir si l’idéal révolutionnaire peut mieux se développer dans les masses au sein d’un régime de liberté qu’au sein d’un régime de dictature…
Article de Martine Vidal paru dans Socialisme ou Barbarie, n° 28, juillet-août 1959, p. 80-82.
C’est la bourgeoisie qui, à la fin du XIXe siècle, a imposé la laïcité de l’enseignement public, parmi une série d’autres réformes anticléricales, à un moment où l’Eglise représentait pour elle un adversaire politique. Depuis, l’Eglise a évolué ; toujours au service de la classe dominante, elle est maintenant au service de la classe bourgeoise. L’anticléricalisme de la bourgeoisie s’est éteint et la laïcité de l’école publique est de nouveau mise en question.
Extraits deHerbert R. Lottman, Albert Camus, Paris, Le Seuil, 1978, p. 605-608.
Une autre fois, Roblès vint à Paris prévenir Camus qu’un ami musulman sollicitait son aide pour son frère âgé de dix-huit ans, qui avait tiré sur un ultra et s’était entendu condamner à la peine capitale alors que sa victime s’en était sortie. A cette époque, le général de Gaulle était revenu au pouvoir. Et Camus avait justement rendez-vous avec lui. Il ouvrit un tiroir de son bureau et montra à Roblès une pile de lettres : « Voilà tout ce que j’ai à donner à De Gaulle. Donne-moi ton dossier. »
Article paru dans Le Prolétaire, n° 4, novembre 1963, p. 5.
L’éclatement du conflit algéro-marocain apporte une nouvelle confirmation à la thèse marxiste sur l’impuissance des mouvements nationaux anti-colonialistes – privés par la trahison de l’opportunisme « communiste » de l’aide du prolétariat métropolitain – à atteindre les objectifs les plus immédiats et les plus modestes.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 11, octobre 1959, p. 1-2.
Il y a un an De Gaulle arrivait au pouvoir en promettant la paix en Algérie et depuis la guerre n’a fait quo s’intensifier. On aurait pu croire que la population travailleuse, qui en supporte les conséquences, serait mécontente et s’opposerait à cette politique. Non, De Gaulle continue la guerre et tout le monde se tait. Mais s’il l’arrête, tout le monde criera au miracle et prétendra qu’il est un homme génial et pacifique.
Article paru dans Pouvoir ouvrier, n° 2, janvier 1959, p. 7-9.
1° En Algérie, l’ objectif des grands capitalistes est de liquider la forme arriérée d’exploitation qu’est la colonisation. Actuellement l’exploitation des Algériens se fait de deux manières et profite à deux catégories de la bourgeoisie : en tant que travailleurs, les Algériens subissent l’exploitation directe ou indirecte des grands propriétaires terriens (« colons ») ; en tant que consommateurs, ils éprouvent celle des Compagnies commerciales qui monopolisent le marché algérien. Cette forme d’exploitation na permet pas aux gros banquiers et industriels métropolitains d’investir leurs capitaux en Algérie de façon profitable.
Éditorial publié dans La Nation socialiste, n°57, juillet-août 1962.
Quand nos lecteurs recevront ce numéro, l’indépendance de l’Algérie sera chose acquise, légalement, « démocratiquement » et vraisemblablement à une énorme majorité des suffrages exprimés. Nous autres, à la Nation Socialiste, qui avons toujours préconisé cette solution du bon sens et de la nécessité et qui, depuis sept ans, réclamons cette prise en mains par le peuple d’Algérie de son propre destin, nous ne pouvons que nous réjouir. Mais pourquoi, à l’heure où tout semble prêt pour les grandes fêtes de la liberté et les vastes entreprises d’un État jeune, ne pouvons-nous nous empêcher d’une certaine amertume et de beaucoup d’inquiétude?
Article publié dans La Vérité, n° 88, 25 juillet 1945.
La répression de la révolte d’Algérie eut le même caractère de bestialité que la destruction par les SS du ghetto de Varsovie et d’Oradour. « Il faut mater les salopards ; feu sur les burnous! » fut le mot d’ordre officiel. Les colons et tous les mouchards, les mercenaires et la racaille dont dispose l’impérialisme français furent armés et le paysan arabe, « le burnous », mis hors la loi. Les canons de marine, les chars et l’aviation du ministre « communiste » Tillon donnèrent à fond. Six mille travailleurs arabes furent massacrés. La boucherie fut patronnée de Paris par de Gaulle et par son ministre de l’Intérieur, le « socialiste » Tixier. Voilà où peut mener la honte de la collaboration de classe.
M. Maurice Clavel écrit dans Combat sous le titre « Asile » ;
« Mon général, j’ai suivi le procès Pétain. Je fus le moins âpre des journalistes issus de la Résistance. Le seul crime qui m’apparut inexpiable, sur lequel la défense faiblit et se déroba, le seul qui emporta, selon moi, la condamnation capitale de principe, ce fut d’avoir livré à l’ennemi les étrangers antifascistes, Allemands, Espagnols, Italiens, qui avaient asile en France.
Article publié dans La Nation socialiste, n°57, juillet-août 1962
Le point de vue de Martial :
La vocation à la dictature
L’exclusion du P.P.A.( ex-M.N.A) de la campagne pour l’autodétermination en Algérie confirme nos appréhensions de toujours sur l’avenir de la démocratie dans ce pays.
On peut lire mon dernier article, « L’histoire et la politique hors-la-loi? Réflexions autour d’un film sur des indépendantistes algériens », dans la revue French Politics, Vol. 30, No. 3 Winter 2012, pp. 119-129.
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