Article de Marco Candore alias Marco Sazzetti, paru dans Alternative libertaire, n° 36, octobre 1995, p. 9-10
La vague terroriste ouvre une situation lourde de dangers. Urgence absolue : être, plus que jamais, aux côtés des immigrés et du combat pour la démocratie en Algérie.
Article paru dans La Vie du parti, supplément mensuel du Populaire, n° 19, 6 juillet 1931
L’Exposition Coloniale de Vincennes est une occasion pour le socialisme de rappeler qu’il a, en matière de colonisation, une doctrine constante, affirmée à maintes reprises par ses congrès nationaux et internationaux, répétés par les mille voix de sa presse, de ses élus, de ses propagandistes. Elle se rattache à une idée plus générale, celle du droit des peuples, de tous les peuples, coloniaux ou non, à faire leurs affaires eux-mêmes, à disposer librement de leur sort, à suivre sans contrainte extérieure la ligne de leur développement social et culturel.
A la propagande bourgeoise qui veut créer chez chaque travailleur la « conscience impériale », le culte de la « plus grande France », les communistes opposent l’action commune des ouvriers de la métropole et des peuples coloniaux contre l’oppresseur.
Article de L. Séminole paru dans Alternative libertaire, n° 32, mars 1995, p. 15-17
L’horreur continue en Algérie. Elle est quotidienne. La barbarie islamiste est traitée comme un phénomène spectaculaire. Des raisons du drame algérien, les médias ne nous disent rien ou presque. Analyses et réflexions.
LORSQUE l’on veut dévoiler tous les crimes qui se commettent dans les contrées que les géographes officiels dénomment les « possessions », on ne trouve pas l’écho que, pourtant, tant d’atrocités devraient provoquer dans la classe ouvrière. Et pourtant, on peut dire que tout ce que l’on révèle n’est qu’une très infime partie de la vérité. Il se passe tellement de choses, un nombre tellement grand de véritables assassinats, de spoliations, de manœuvres esclavagistes se commet chaque jour dans les colonies, qu’une édition quotidienne de notre organe sur un plus grand nombre de pages n’y pourrait suffire.
Entretien paru dans Alternative libertaire, n° 24, mai-juin 1994, p. 15
Ces derniers mois, les groupes armés islamiques ont radicalisé leur politique de terreur contre la population algérienne visant plus particulièrement les intellectuels et les femmes qu’ils peuvent exécuter à tout moment lorsqu’elles ne portent pas le voile. Des femmes algériennes refusent publiquement cette barbarie en descendant dans la rue (Alger, le 22 mars) ou en menant des actions de solidarité en France. A ce propos, nous nous sommes entretenus avec une des animatrices du réseau international de solidarité avec les femmes algériennes.
Quand l’ordre bourgeois justifie les crimes racistes.
Les attentats de l’O.A.S. se multiplient en France contre les antifascistes et la communauté algérienne. Avec la complicité de policiers français – qui leur laissent le champ libre – les tueurs de l’OAS font sauter les cafés musulmans en France, la fermeture obligatoire à 19 h de tous les cafés fréquentés par des arabes, et l’interdiction de se déplacer par groupes de plus de deux personnes.
VOICI ouverte cette fameuse Exposition Coloniale Internationale. L’assassinat des peuplades indigènes par les soudards de tous pays pour le plus grand profit de la phynance universelle va être glorifié. Une fois de plus les criminels seront à la gloire.
Dossier paru dans Sans Frontière, n° 32,du 16 au 22 octobre 1981, p. 5-7
Juste avant le carnage sur les grands boulevards, ils manifestaient pacifiquement (Elie Kagan)
Il y a 20 ans, le 17 octobre 1961, à Paris, 200 Algériens étaient assassinés par la Police
MAIS QUI DONC S’EN SOUVIENT ?
Ce soir-là, on se pressait sur les grands boulevards pour aller voir « Boeing Boeing » au théâtre Caumartin. Non loin de là à l’Olympia on faisait la queue pour aller voir Jacques Brel à ses débuts dans la chanson tout comme Johnny Hallyday qui l’avait précédé sur cette même scène. Au ministère de la marine, une grande réception est donnée en l’honneur du Chah d’Iran et de l’Impératrice Farah. Charles Trénet leur chante « Y’a d’la joie ». A Montparnasse, chez Régine la dernière boite à la mode, on danse le twist : « Cet air nouveau qui nous vient de là-bas »
Article en deux parties paru dans Alternative libertaire, n° 6, 1er février 1992, p. 8 et n° 7, mars 1992, p. 8
RETOUR SUR UN MASSACRE
Le 30 novembre dernier, près de cent cinquante personnes ont participé au Forum-débat organisé par le collectif Alternative Libertaire de Montreuil (Seine-Saint-Denis) avec Agnès Denis, Nicole Rein, Anne Tristan, Didier Daeninckx, Jean-Luc Einaudi.
Ce fut donc un succès, pour une modeste réunion de quartier. Après la projection du film « Le Silence du Fleuve », une discussion souvent passionnantes est engagée entre la salle et les intervenants. Nous en publions ici quelques extraits.
Article paru dans La Vérité, n° 221,5 novembre 1948, p. 3
La réunion de l’Assemblée générale de l’O.N.U. a déplacé le centre de gravité de la « guerre froide » de Berlin à Paris. Pour la galerie, des discours plus spectaculaires l’un que l’autre n’ont cessé de se succéder de jour en jour ; dans les coulisses se sont entre temps poursuivis les pourparlers ultra-secrets qui ont une fois de plus démontré aux peuples combien mensongers sont les procédés de propagande utilisés de part et d’autre pour maintenir en haleine l’opinion publique mondiale.
S’il est un sujet difficile et que son actualité même rend encore plus malaisé à traiter, c’est bien celui qu’expose le dernier numéro spécial des Cahiers du Sud (1). Les rapports entre l’Islam et l’Occident suscitent tant de commentaires passionnés qu’il était fort utile, pour le public cultivé, de se reporter à un recueil de textes et d’études qui fît le point sur cette question. Mais allons-nous trouver, dans cette importante publication, la réponse à toutes nos questions ? Hélas ! nous en sommes très loin. Cet ensemble d’études professorales et dont la plupart présentent un très vif intérêt, passe bien souvent à côté et il nous semble souvent que, loin de nous exposer quelle est la nature des liens qui unissent nos deux civilisations, quelles sont leurs possibilités de collaboration, quelles sont leurs influences réciproques, les éditeurs aient eu davantage le souci de nous flaire un tableau intellectuel et sentimental de l’Islam et en particulier de la culture musulmane de l’Afrique du Nord. Nous ne saurions nous en plaindre puisque les pages qu’ils nous offrent sont excellentes. Mais elles nous laissent sur notre faim. Sans doute manque-t-il, à ce numéro, toute une partie documentaire, constituée par des enquêtes, des reportages, des interviews de leaders politiques (les questions politiques ont été soigneusement éliminées, le problème palestinien, l’économie des pays musulmans sont passés sous silence). Ainsi cet ensemble un peu académique eût-il gagné en vigueur et en opportunité.
Il est difficile de démêler dans l’écheveau des événements leur importance réelle, leur sens, et d’en tirer des perspectives, même relativement proches. Les manœuvres du gouvernement, sur tous les plans (Algérie, Intérieur, et international) le jeu correspondant des organisations (partis et syndicats) en France, celui du F.L.N. et de l’O.A.S. en Algérie et en France, les réactions latentes ou ouvertes des différentes couches sociales en France (paysans, travailleurs, étudiants) aux conséquences conjointes de l’évolution du capitalisme et de la poursuite de la guerre les positions politiques motivées ici même par les péripéties de la lutte entre les deux blocs, tout cela créé une situation bien confuse. La situation capitaliste en France subit en ce moment même des transformations profondes c’est le sens de ces transformations que nous devons essayer de dégager à travers les bouleversements qui atteignent tout depuis les structures de l’Etat, jusqu’au comportement des individus. Il faut essayer de dépasser les réactions « sentimentales » à l’aspect superficiel des faits, les jugements en fonction des idées personnelles pour tout replacer à sa juste valeur dans l’évolution de la société.
Textes parus dans Pouvoir ouvrier, n° 33,octobre 1961, p. 1-3
« Acharnement du service d’ordre frappant indistinctement les hommes et les femmes et même des manifestants blessés ». « Rue de Lille, l’un de nos correspondants a vu deux algériens gravement blessés qui sont demeurés inanimés sur la chaussée pendant plus d’une heure ; le service d’ordre interdisait aux passants métropolitains de leur porter secours ». « Devant le commissariat du Ve arrondissement, un autre lecteur a vu des agents… faire passer sous une sorte de voûte de coups de matraque, méthodiquement assénés, un groupe de musulmans appréhendés ». (Le Monde, 19, 20/10/61).
BEAUCOUP de nos camarades reviennent actuellement d’Amérique. Tout ce qu’ils peuvent nous dire nous intéresse toujours passionnément. Toutefois, si vigilant à observer, si lucide soit-on, il n’est pas bien certain qu’en six semaines ou deux mois il soit possible de dégager des appréciations absolument pertinentes sur un pays.
Au Trianon, dancing de Montigny, une bagarre éclate ce 23 juillet 1961, un militant du FLN fait feu. Deux hommes, dont un para, sont tués sur le coup. Un appelé décède dans la nuit. Photo RL (source : Le Républicain lorrain)
La Révolution algérienne existe depuis sept ans. Malgré la tragédie qui se déroule dans notre pays, les rapports amicaux entre le peuple français et l’émigration algérienne continuent.
« LA fin justifie les moyens ». On connait la formule. Elle ne date pas d’aujourd’hui. Posée comme un précepte de morale et de politique utilitaires, elle a été et elle est toujours brandie par tous les conquérants. tous les dictateurs, tous les fanatiques.
RICHARD WRIGHT a déjà publié en français deux ouvrages : « Un Enfant du pays », roman d’un noir qui s’assoit sur la chaise électrique après avoir assassine, par peur, une jeune blanche émancipée ; « Les Enfants de l’oncle Tom », recueil de nouvelles où nous est décrite la condition présente du noir américain, paria d’une société qui le craint et se venge cruellement sur lui de sa propre frayeur (1). « Black Boy » (« Jeunesse noire ») (2) diffère de ces deux ouvrages en ce qu’il ne fait nulle place à la fiction. L’auteur raconte sa jeunesse avec les mots les plus courants et sans céder à l’attrait du pittoresque.
J’ai accordé hier un entretien au journaliste Lakhdar Belaïd, pour La Voixdu Nord, sur la disparition d’Abdelaziz Bouteflika et la situation en Algérie.
SI l’on admet que l’état de terreur, avoué ou non, où nous vivons depuis dix ans, n’a pas encore cessé, et qu’il fait aujourd’hui la plus grande partie du malaise où se trouvent les esprits et les nations, il faut voir ce qu’on peut opposer à la terreur. Cela pose le problème du socialisme occidental. Car la terreur ne se légitime que si l’on admet le principe : « la fin justifie les moyens ». Et ce principe ne peut s’admettre que si l’efficacité d’une action est posée en but absolu, comme c’est le cas dans les idéologies nihilistes (tout est permis, ce qui compte c’est de réussir), ou dans les philosophies qui font de l’histoire un absolu (Hegel, puis Marx : le but étant la société sans classe, tout est bon qui y conduit).
LE futur historien des idées sera sans doute sensible au désarroi de l’intelligentsia révolutionnaire après cette guerre. Le fait que des écrivains et artistes — ralliés plutôt que partisans — quittent aujourd’hui le parti communiste n’en est que l’aspect le plus spectaculaire et le moins important ; plus significatifs sont, par exemple, le duel Rousset-Sartre à propos de l’attitude qu’a prise le premier sur la question des camps de concentration soviétiques, les « révisions » qu’opèrent du marxisme Burnham, Koestler ou Michel Collinet, les congés sourds ou publics que prennent enfin maints anciens révolutionnaires.
EN ces temps de confusion, de veulerie et de grande tolérance, où les frontières autrefois nettes s’estompent et deviennent fluctuantes dans la société comme chez les individus, où les adversaires se saluent du fleuret moucheté avant d’entreprendre un combat qui se marque surtout par un assourdissant battement de pieds sur les planches, où la résignation, l’atonie et le scepticisme ont délogé la vie et la volonté de lutte, il est urgent de restaurer la seule justification de l’homme ici-bas : la révolte. Avant de lui tracer des limites, à quoi s’emploient tous les gens « compréhensifs », il est indispensable d’en élucider le contenu et d’en marquer la nécessité.
Titre curieux, certes, que celui de ce roman américain de bon aloi, mais on comprend assez mal le rapport qu’il offre avec le roman lui-même. En réalité, il est extrait d’une tontine nègre, du genre Am, Stram, Gram, — Pic et pic et Colégramme…
Article de Jacques Lemarchand paru dans Combat, 19 décembre 1949, p. 2
NOUS réentendons dans Les Justes — avec joie — le grand ton d’Albert Camus, auteur dramatique. Je yeux dire le ton du Malentendu. J’ai aimé et admiré Caligula, mais mon amitié — et chaque relecture l’a confirmée — allait toujours au Malentendu. Elle ira maintenant aussi, je pense, à ces Justes, parce que si Albert Camus y a retrouvé l’accent si net, si nu, de la première oeuvre dramatique que nous ayons connue de lui, cet accent mêle là à son âpreté une douceur humaine, une tendresse profonde, directe, et parfois bouleversante, pour l’homme lui-même, pour ce bizarre et compliqué mammifère qu’est l’homme. Cela s’entendait déjà, naturellement, dans l’oeuvre de romancier et d’essayiste d’Albert Camus. Dans son théâtre, cela ne m’avait jamais été si sensible que dans Les Justes. L’âpreté, la dureté même, et irréprochable, du dialogue n’en sont en aucune façon diminuées. Même, cette grande amitié pour l’homme — et que je crois très éloignée de la pitié — c’est à la réflexion qu’on en prend vraiment conscience.
LE dernier livre d’Albert Camus, La Peste (1), qui vient d’obtenir le Prix des Critiques, suscitera sans doute des discussions passionnées : son exceptionnelle richesse, l’actualité de ses thèmes, l’espèce d’intransigeance sobre et fière avec quoi ils sont présentés en seront la cause, autant qu’une certaine incertitude qui demeure jusqu’au bout, touchant les intentions de l’auteur.
Article de Ghislain Bellorget paru dans Agora, n° 19, hiver 1983-1984, p. 27-28
« S’il existe un phénomène tel que le mal absolu, il consiste à traiter un autre être humain comme un objet. »
John BRUNNER
PENDANT deux mois et demi, G. Bellorget a suivi une équipe de « Médecins du Monde »en Afghanistan. Il ainsi pu rencontrer les opposants qui, depuis quatre ans, s’affrontent à l’occupation soviétique. Cela a donné un long reportage dont nous ne publions ici que les extraits concernant la condition des femmes dans ce pays. Ce choix ne signifie évidemment pas une justification quelconque de l’agression impérialiste soviétique, que nous condamnons énergiquement. Il veut simplement affirmer, comme l’écrit Bellorget, que « les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément nos amis ».
Article d’Albert Camus paru dansFranc-Tireur, 7 décembre 1948, p. 1 et 3
LA paix a les inconvénients de l’amour. On croit savoir ce qu’elle est et puis l’épreuve arrive, la voici menacée, et personne ne s’entend sur le sens de ce mot. Les premiers venus, dont je suis, pensent que la paix est l’absence de guerre et qu’une politique pacifiste est une politique qui ne multiplie pas les chances de guerre. Ils pensent, en outre, qu’on a d’autant moins le droit de courir ces chances que la guerre à venir menace d’être plus générale et plus destructive. Autrement dit, s’il faut être prudent quand il s’agit de risquer une guerre de canons et d’avions entre la France et l’Allemagne, il faut l’être d’autant plus quand il s’agit d’une catastrophe où les continents seront atomisés.
ON pouvait croire, en ces années qui précédèrent la guerre de 1939-1945, qu’en France, du moins, la question juive ne se posait plus : depuis cent cinquante ans, la Révolution française, la première, avait assimilé les Juifs aux autres catégories de Français et, peu à peu, malgré des crises, comme l’affaire Dreyfus, il semblait qu’on s’acheminât vers la disparition du vieux problème historique.
Article de Pierre Champromis paru dans Gavroche, n° 15, 7 décembre 1944, p. 2
Albert Camus avec Maria Casarès, lors de la générale du « Malentendu », quelques minutes avant le lever du rideau (Photo M. Jarnoux)
FAUT-IL présenter au grand public la personnalité d’Albert Camus ? On sait que celui-ci s’est révélé en 1942 par un essai : le Mythe de Sisyphe et un roman, l’Etranger qu’on a généralement salués comme les œuvres les plus marquantes parues depuis le début de la guerre. On sait qu’il a cette année publié deux pièces Le Malentendu et Caligula. Bien qu’il ait la discrétion de ne pas les signer, on sait surtout qu’il est l’auteur de ces éditoriaux de Combat que leur pensée ferme, leur belle langue simple et classique détachent sur le fond un peu terne de la presse quotidienne.
JE traverse la Seine dans un autobus plein de gamins, je me perds dans les rues d’Asnières, et me voici enfin dans un salon sombre comme un temple devant Léopold Sedar Senghor.
CE n’est pas sans curiosité, après l’Etranger, après Sisyphe, après Caligula, que l’on ouvre ce petit volume (1), réimpression de quatre essais qui parurent à Alger en 1938. Et sans doute ce sont bien des essais, comme un premier jaillissement d’idées et d’attitudes, lorsque tout se presse à la fois, dans un certain désordre encore, et sur le même plan, sans relief et sans ombre. Bien des tableaux paraissent inutilement surchargés, plusieurs thèmes se dégagent mal tandis que d’autres reviennent d’une manière un peu monotone. On s’appesantit parfois avec une insistance superflue. Mais l’on retrouve aussi le ton incomparable, une sorte de dureté éclatante de la langue et de hauteur souveraine : tout annonce, dans la pensée comme dans la forme, cette aisance de prend style qui sera celle de l’Etranger.
L’EXOTISME tend à prendre, dans les lettres françaises contemporaines, une importance qui va chaque jour croissant. On sait qu’il a fait son entrée en France en même temps que l’invasion sarrazine de 722, qui submergea la Septimanie. Les croisades l’entourent ensuite d’un merveilleux dont la découverte de la boussole, au XIe siècle, décuple soudain le prestige. C’est alors à qui partira en voyage de « descouverture ». Dieppois et Rouennais fondent des colonies le long des côtes du Sénégal et de la Guinée, dès 1364, Jean de Béthencourt s’installe aux Canaries en 1402. Binot Le Paulmier de Gonneville découvre le Brésil, le 6 janvier 1504. Les animaux étranges, les nouveautés que leurs émules rapportent en Europe poussent Rabelais à écrire, au chapitre II du quart Livre de Pantagruel :
« Adonoques, Pantagruel descendit au havre, contemplant, cependant que les chiourmes des nefs faisaient aiguade, divers tableaux, diverses tapisseries, divers animaux, poissons et autres marchandises exotiques et pénégrines, qui étaient en l’allée du môle et par les halles du port. »
DEUX conceptions de la liberté s’affrontent dans l’essai d’Emmanuel Mounier Liberté sous conditions (aux Editions du Seuil) et dans celui de René Maublanc Le Marxisme et la liberté (aux Editions Sociales).
QU’EST-CE que le marxisme ? Une idéologie, une méthode d’explication du monde, une philosophie, une stratégie de la révolution, une religion, ou tout cela à la fois ? En l’impossibilité où l’on est de le définir congrûment pourrait résider une des sources de la « tragédie » (1) où Michel Collinet estime qu’il est tombé et qui fait que des millions d’hommes s’en réclament sans en avoir toujours d’autre représentation que vante mais exclusive. En son nom, sur un sixième du globe, on régente et on blâme, on emprisonne et on commet parfois des assassinats ; ailleurs, des philosophes, historiens, économistes, politiques et artistes l’utilisent à des fins diverses, parfois excellentes, parfois nocives. Malheureusement, pour l’ensemble de ces marxistes « orthodoxes » ou hérétiques, « étroits » ou « ouverts », la lettre a souvent tué l’esprit et la référence au dogme remplacé la recherche vivante.
Article de Roger Worms alias Roger Stéphane paru dans Combat, 25 juillet 1947, p. 2
NOUS n’avons malheureusement pas eu l’occasion de lire une réfutation de Nietzsche par M. Clément Vautel. La critique du colonel Lawrence par M. Edgar Morin, dans « Les Lettres Françaises » du 18 juillet 1947, vient toutefois de nous en donner un avant-goût.
Article de Paul Morelle paru dans Franc-Tireur, 5 mars 1946, p. 2
CE serait une erreur, parce que Le Zéro et l’Infini, [d’Arthur] Koestler préoccupe actuellement toutes les consciences, de passer sous silence un livre du même auteur qui l’a précédé de peu en librairie, mais participe des mêmes recherches politiques et sociales et porte un nom barbare : Spartacus. (1).
LE spectre de T.E. Lawrence, Lawrence d’Arabie, hante une partie du monde intellectuel.
A Lawrence peuvent se rattacher par une parenté de moins en moins obscure les héros de Malraux ; les conquérants qu’anime « une passion pour laquelle les objets à conquérir ne sont plus rien. Une passion parfaitement désespérée, un des plus purs soutien de la force », les « ambitieux assez lucides pour mépriser tous les objets de leur ambition, et leur ambition même », et finalement le Berger, de Noyers de l’Altenburg, transposition à peine déguisée de Lawrence lui-même. A Lawrence peut s’appliquer la notion de « service inutile », de Henry de Montherlant, et celle de « destin absurde », qu’Albert Camus, dans le Mythe de Sisyphe, trouve propre à « séduire et attirer un cœur clairvoyant ».
LE propre des œuvres profondément engagées dans l’époque est de susciter la polémique. On peut même avancer que les œuvres fortes la suscitent toujours ; voyez Miller, voyez le courant actuel de littérature noire principalement branchée sur l’Amérique et où l’on trouve du bon et du mauvais mais qui ne peut laisser indifférent. Souvenons-nous des anti-Gide d’avant 1914, des anti-Valéry de 1920, des anti-Claudel de toujours. Pour Arthur Koestler, la question déborde le plan artistique et même celui des mœurs ; elle se meut dans un domaine où les passions se déchaînent au maximum : la politique.
DES qu’il est question de l’Algérie, on rencontre dans la métropole beaucoup de curiosité et de bonne volonté, mais aussi, il faut le dire, une ignorance inquiétante des problèmes de ce pays. Problèmes qui, à force d’incurie, sont devenus de véritables drames. La presse a-t-elle, ici, rempli son rôle ? A-t-elle informé les Français comme elle le devait, même si elle avait à leur apprendre des échecs ? Le pouvait-elle ?
Article de Francis Dumontparu dans Gavroche, n° 98, 11 juillet 1946, p. 5
DANS quelle mesure a-t-on le droit du vivant d’un auteur de rechercher l’explication de l’oeuvre dans les éléments biographiques ? Le fait est qu’Arthur Koestler ne consent à livrer à la curiosité du public que quelques indications précises, jalons de la route visible. Or, il n’est nullement prouvé qu’il est indifférent que Koestler soit né là ou ailleurs. Tout au contraire le fait qu’il ait passé ses années d’enfance et de jeunesse dans un milieu de bourgeois libéraux et israélites au moment de la décadence de l’empire austro-hongrois, nous parait chargé de sens. A l’époque où le jeune Koestler commençait son apprentissage d’homme, une société qui obscurément se savait condamnée jouissait de ses restes et réalisait une certaine douceur de vivre à peu près inégalable. Nous sommes persuadés que c’est cette ambiance qui a contribué à déterminer chez Koestler la primauté de la liberté individuelle sur la justice sociale.
C’EST toujours une tâche délicate que de présenter un écrivain, un intellectuel. Délicate, car le chroniqueur pénètre dans un domaine intime qu’il va rendre public et qu’il doit, au cours de cette équation, trouver des formules capables de l’alléger et la rendre sympathique. Surtout lorsqu’il ne s’agit pas de faire une simple biographie. La tâche s’avère encore plus difficile lorsqu’il s’agit, comme c’est le cas aujourd’hui, de faire connaître un représentant authentique d’une littérature malheureusement très éloignée — non seulement du fait de la distance — et mal connue du public français.
ARTHUR KOESTLER est arrivé de Londres mardi soir par la « Flèche d’Or ». Ses éditeurs, qui savaient qu’il devait venir à Paris ces jours-ci, furent moins favorisés qu’un petit nombre d’amis qui, prévenus, l’attendaient à la gare. Il a passé, en compagnie de ceux-ci, une nuit probablement agitée, et s’excuse, en me recevant à une heure assez matinale, de n’être pas tout à fait « dans son assiette ». Un beau désordre règne dans la chambre. On dirait que ses vêtements, doués pour un soir d’une vie autonome, l’ont quitté un à un et se sont posés au hasard des sièges.
LA publication récente du « Livre des jours » (1) de Taha Hussein bey comble une grave lacune. Nous savions fort peu de choses sur ce grand écrivain de langue arabe que présentaient les « Lettres françaises » l’an dernier et qui jouit dans tous les pays musulmans d’une réputation considérable de penseur et d’homme d’action. Ce récit qui est une autobiographie, une sorte de Livre de mon Ami d’un jeune étudiant égyptien, élève studieux et bien vite irrité par des méthodes d’éducation surannées, est l’un des livres !es plus émouvants qui soient : Taha Hussein est aveugle de naissance, ou presque et il nous raconte quelle fut son initiation à cette vie de travail et de méditation qui devait être la sienne et dont, seule, une extraordinaire force d’âme, a pu faire une éclatante réussite.
PARMI les adversaires en stalinisme il est de bon ton d’affirmer qu’Aragon a du talent. Il est communiste, dit-on, et c’est dommage, mais de ce terrain vague qu’est la littérature on peut bien lui concéder quelque parcelle et reconnaître qu’il y exécute ses tours avec grâce. Et puis, ajoute-t-on, il nous a rendu tant de services ! Au moment où nos énergies défaillantes réclamaient un barde, il s’est présenté, en livrée de troubadour. Quand nous avons failli glisser dans la littérature malsaine, celle des Joyce, des Kafka et des Faulkner, il a courageusement revendiqué le droit d’écrire comme Octave Feuillet, un Octave Feuillet « noir ». Qu’il ait affublé de l’épithète « socialiste » le vieux réalisme exsangue du siècle dernier ne nous effraie pas. Nous avons nous aussi les idées larges et savons pratiquer le « fair play ». Alors, reconnaissons que le poète et romancier communiste Aragon possède un fichu talent !
PHILOSOPHE, exégète coranique, professeur d’histoire, de littérature, d’archéologie, d’art dramatique, polémiste et journaliste de grande classe, directeur de la revue L’Écrivain égyptien, traducteur (il vient de traduire La Porte étroite, de Gide), Taha Hussein Bey est l’une des personnalités les plus marquantes du monde arabe.
LE 5 avril 1944, le « Daily Worker », quotidien communiste des Etats-Unis, apprenait à ses lecteurs qu’un
« soi-disant fonctionnaire de la Commission d’achats soviétique de Washington, Victor Kravchenko, venait de trahir la confiance qu’avait placée en lui le peuple de l’U. R. S. S. »
Article de Michel Gordey paru dans Les Etoiles, n° 76, 22 octobre 1946, p. 4
RICHARD WRIGHT, l’écrivain noir dont les œuvres sont des cris de révolte et de souffrance, —Richard Wright que l’on s’imaginerait volontiers comme un homme aux mâchoires et aux poings serrés, enfermé dans son amertume, — Richard Wright m’ouvre la porte de son appartement, et tout de suite je sens le calme, la bonté, la raison qui émanent de cet homme à la taille moyenne, au teint sombre et mat, aux veux doux et intelligents derrière des lunettes sans monture, des lunettes de professeur de collège américain.
COMME tout était simple, pour l’intellectuel d’Occident, il y a vingt ans ! Comme il lui était facile de choisir ! Comme il pouvait aisément se donner bonne conscience ! Quand il avait compris la nature de son rôle : lutter contre l’état de choses existant, pas moins qu’aujourd’hui injuste et fondé sur des valeurs perverties, ne lui suffisait-il pas de regarder vers l’Est pour prendre confiance en lui-même, donner à son espoir et sa révolte une signification qui le dépassait ?
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